1 septembre 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-82.938

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2020:CR01705

Titres et sommaires

DETENTION PROVISOIRE - Prolongation de la détention provisoire - Article 16 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 - Prolongation de plein droit - Portée - Matière criminelle - Débat contradictoire tenu trois mois avant l 'expiration du titre prolongé de plein droit - Mise en liberté immédiate

Il résulte des articles 5 de la Convention européenne des droits de l'homme et 145-2 du code de procédure pénale que, d'une part, lorsque la loi prévoit, au-delà de la durée initiale qu'elle détermine pour chaque titre concerné, la prolongation d'une mesure de détention provisoire, l'intervention du juge judiciaire est nécessaire comme garantie contre l'arbitraire, d'autre part, en matière criminelle, la personne mise en examen ne peut être maintenue en détention au-delà d'un an. Toutefois, sous réserve des dispositions de l'article 145-3 du code de procédure pénale, le juge des libertés et de la détention peut, à l'expiration de ce délai, prolonger la détention pour une durée qui ne peut être supérieure à six mois par une ordonnance motivée conformément aux dispositions de l'article 137-3 dudit code et rendue après un débat contradictoire. Encourt la cassation l'arrêt qui, pour confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant de plein droit la détention provisoire du mis en examen, énonce que l'article 16 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles de procédure pénale s'applique de plein droit aux détentions provisoires en cours à la date de la publication de l'ordonnance précitée jusqu'à la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire dès lors que, saisie de la question de la prolongation de la détention provisoire, il appartenait à la chambre de l'instruction de statuer sur la nécessité du maintien en détention de la personne mise en examen. La cassation, qui intervient sans renvoi, n'entraîne toutefois pas la mise en liberté immédiate du mis en examen dès lors qu'il résulte des pièces de la procédure que le juge des libertés et de la détention s'est prononcé, après tenue d'un débat contradictoire, dans les trois mois de la date d'expiration du titre ayant été prolongé de plein droit, sur le bien-fondé du maintien en détention

Texte de la décision

N° P 20-82.938 F-P+B+I

N° 1705


EB2
1ER SEPTEMBRE 2020


CASSATION SANS RENVOI


M. SOULARD président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 1ER SEPTEMBRE 2020



CASSATION sur le pourvoi formé par M. H... N... A... B... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 8e section, en date du 5 mai 2020, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de viol en récidive, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention constatant la prolongation de plein droit de sa détention provisoire.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Maziau, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. H... N... A... B..., et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Maziau, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. M. N... A... B... a été mis en examen le 15 avril 2019 du chef de viol en récidive et placé en détention provisoire le même jour.

3. Le 10 mars 2020, le juge d'instruction a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de prolongation de la détention provisoire de l'intéressé, dont le titre de détention expirait le 14 avril 2020.

4. Le juge des libertés et de la détention a annulé le débat contradictoire de prolongation de la détention provisoire prévu le 31 mars 2020 et rendu le 1er avril suivant une ordonnance constatant la prolongation de plein droit de la détention provisoire et disant en conséquence n'y avoir lieu de statuer sur la saisine du juge d'instruction.

5. M. N... A... B... a interjeté appel de cette ordonnance.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance par laquelle le juge des libertés et de la détention avait constaté la prolongation d'office de la détention provisoire de M. N... A... B... par l'effet de l'article 16 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 et dit en conséquence n'y avoir lieu de statuer sur la saisine du juge d'instruction à fin de prolongation de la détention provisoire, alors « que si l'article 16 de l'ordonnance n° 202-303 du 25 mars 2020 s'interprète comme prolongeant, sans intervention judiciaire, pour les durées qu'il prévoit, tout titre de détention provisoire venant à expiration, une telle prolongation n'est régulière que si la juridiction qui aurait été compétente pour prolonger la détention rend, dans un délai rapproché courant à compter de la date d'expiration du titre ayant été prolongé de plein droit, une décision par laquelle elle se prononce sur le bien-fondé du maintien en détention, de sorte qu'il appartient à la juridiction saisie aux fins de prolongation de la détention provisoire de statuer sur la nécessité du maintien en détention de cette personne ; qu'en retenant que le juge des libertés et de la détention avait à bon droit constaté qu'en application de l'article 16 précité, « la détention provisoire [d'H... N... A... B...] était prolongée de plein droit » cependant qu'il lui appartenait - en tant qu'elle était saisie aux fins de prolongation de la détention provisoire de l'exposant - de statuer sur la nécessité du maintien en détention de ce dernier, la chambre de l'instruction a violé l'article 16 de l'ordonnance du 25 mars 2020, les articles 137, 137-1, 143-1, 144-1, 144, 145, 145-2, 145-3, 591 et 593 du code de procédure pénale, ainsi que les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

7. Vu les articles 5 de la Convention européenne des droits de l'homme et 145-2 du code de procédure pénale :

8. Il résulte du premier de ces textes que lorsque la loi prévoit, au-delà de la durée initiale qu'elle détermine pour chaque titre concerné, la prolongation d'une mesure de détention provisoire, l'intervention du juge judiciaire est nécessaire comme garantie contre l'arbitraire.

9. Il résulte du second qu'en matière criminelle, la personne mise en examen ne peut être maintenue en détention au-delà d'un an. Toutefois, sous réserve des dispositions de l'article 145-3 du code de procédure pénale, le juge des libertés et de la détention peut, à l'expiration de ce délai, prolonger la détention pour une durée qui ne peut être supérieure à six mois par une ordonnance motivée conformément aux dispositions de l'article 137-3 dudit code et rendue après un débat contradictoire.

10. Pour confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant de plein droit la détention provisoire de M. N... A... B..., l'arrêt attaqué énonce, notamment, qu'il résulte de l'article 16 de l'ordonnance n°2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles de procédure pénale que les délais maximums de détention provisoire sont prolongés de plein droit en matière criminelle de six mois.

11. Les juges ajoutent que cette disposition s'applique de plein droit aux détentions provisoires en cours à la date de la publication de l'ordonnance précitée jusqu'à la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire.

12. Ils précisent que les faits pour lesquels M. N... A... B... est mis en examen lui font encourir une peine criminelle, de sorte que le juge des libertés et de la détention a, à bon droit, constaté que la détention provisoire du mis en examen doit être prolongée de plein droit.

13. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.

14. En effet, saisie de la question de la prolongation de la détention provisoire, il appartenait à la chambre de l'instruction de statuer sur la nécessité du maintien en détention de la personne mise en examen.

15. La cassation est dès lors encourue.

Portée et conséquences de la cassation.

16. Il résulte des pièces de la procédure qu'il n'y a pas lieu d'ordonner la mise en liberté immédiate de M. N... A... B... dès lors que, par ordonnance en date du 23 juin 2020 prise après débat contradictoire, le juge des libertés et de la détention s'est prononcé sur le bien-fondé de la prolongation de la détention provisoire de six mois à compter du 15 avril 2020.

17. La prolongation sans intervention judiciaire du titre de détention venant à expiration prévue à l'article 16 de l'ordonnance du 25 mars 2020 est, en effet, régulière si la juridiction qui aurait été compétente pour prolonger la détention rend, en matière criminelle, dans les trois mois de la date d'expiration du titre ayant été prolongé de plein droit, une décision par laquelle elle se prononce sur le bien-fondé du maintien en détention (Crim., 26 mai 2020, pourvoi n° 20-81.910).

18. En conséquence, n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, la cassation aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3, alinéa 3, du code de l'organisation judiciaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 5 mai 2020, en toutes ses dispositions.

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

CONSTATE que la détention provisoire de M. N... A... B... a été prolongée régulièrement de six mois, à compter du 15 avril 2020 ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le premier septembre deux mille vingt.

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