26 novembre 2020
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 18/07685

Chambre 4-5

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5



ARRÊT AU FOND

DU 26 NOVEMBRE 2020



N° 2020/

AL











Rôle N° RG 18/07685 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCMKU







[D] [U]





C/



SAS ETS JEAN GRANIOU















Copie exécutoire délivrée

le : 26/11/20

à :





- Me Philippe SANSEVERINO, avocat au barreau de NICE



- Me Frédéric FRIBURGER, avocat au barreau de MARSEILLE

























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE en date du 11 Avril 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 16/00786.





APPELANT



Monsieur [D] [U], demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Philippe SANSEVERINO, avocat au barreau de NICE substitué par Me Blandine COCHET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE





INTIMEE



SAS ETS JEAN GRANIOU, prise en son établissement sis [Adresse 2], demeurant [Adresse 3]



représentée par Me Frédéric FRIBURGER, avocat au barreau de MARSEILLE





*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR





En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Septembre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Antoine LEPERCHEY, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre

Madame Mariane ALVARADE, Conseiller

Monsieur Antoine LEPERCHEY, Conseiller





Greffier lors des débats : Mme Karen VANNUCCI.



Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Novembre 2020.







ARRÊT



contradictoire,



Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Novembre 2020.



Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Karen VANNUCCI, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.






***





FAITS ET PROCEDURE



Après avoir été engagé par la société Etablissements Jean Graniou en tant qu'apprenti, par contrat du 4 octobre 2003, avec effet du 13 octobre 2003 au 12 octobre 2006, M. [D] [U] a été embauché par contrat à durée indéterminée, à compter du 1er décembre 2006, en qualité d'ingénieur d'études. Par avenant du 1er janvier 2014, une convention de forfait a été conclue entre les parties.



A la suite d'un entretien préalable tenu le 5 janvier 2016, M. [D] [U] a été licencié pour faute, par lettre recommandée du 18 janvier 2016.



Contestant le caractère réel et sérieux de la cause de son licenciement, et invoquant la nullité de la convention de forfait conclue le 1er janvier 2014, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Grasse de diverses demandes de rappel de salaires et d'indemnités de rupture.



Par jugement du 11 avril 2018, le conseil de prud'hommes de Grasse a annulé la convention de forfait dont bénéficiait M. [D] [U]. Estimant en outre que son licenciement était dépouvu de cause réelle et sérieuse, il a condamné l'employeur à lui verser les sommes suivantes, avec le bénéfice de l'exécution provisoire :

- 9 982,24 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires,

- 998,22 euros au titre des congés payés afférents,

- 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 870 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil a également condamné la société Graniou à délivrer au salarié son certificat de travail et son solde de tout compte rectifiés.



M. [D] [U] a interjeté appel de cette décision, par déclaration du 3 mai 2018. Son appel se limitait initialement aux chefs du jugement par lesquels avaient été rejetées ses demandes tendant au paiement des sommes suivantes :

- 32 759,02 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

- 3 275,90 au titre des congés payés afférents,

- 18 983,82 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect du repos dominical,

- 18 983,82 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 18 983,82 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat,

- 6 558,49 euros à titre de reliquat de préavis,

- 655,84 euros au titre des congés payés afférents,

- 7 529,59 euros à titre de reliquat d'indemnité de licenciement,



La clôture a été prononcée le 12 mars 2020.





MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES



Dans ses conclusions notifiées le 11 janvier 2019, M. [D] [U] expose :

- sur la convention de forfait,

- que l'employeur a méconnu l'obligation mise à sa charge par l'article L 3121-46 du code du travail, tenant à organiser un entretien annuel individuel avec le salarié, portant sur sa charge de travail, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié,

- que cet article, issu de la loi du 20 août 2008, s'applique aux conventions de forfait en jours en cours d'exécution lors de son entrée en vigueur,

- qu'en l'espèce, l'employeur n'a pas organisé ces entretiens,

- qu'en outre, il ne peut se prévaloir de l'accord d'entreprise du 29 juin 2001, dès lors que cet accord n'a pas été porté à sa connaissance, et que sa convention de forfait n'y fait pas référence,

- qu'au surplus, cet accord ne concerne que les cadres 'ayant une fonction de management élargie',

- que l'accord antérieur du 6 novembre 1998 a été jugé par la Cour de cassation, dans un arrêt du 11 juin 2014, comme ne garantissant pas suffisamment le caractère raisonnable de l'amplitude horaire et de la charge de travail des intéressés, de sorte que les conventions de forfait conclues sur le seul fondement de cet accord sont nulles,

- que l'avenant conclu avec le salarié en janvier 2014 ne précisait pas les caractéristiques de ses fonctions qui justifiaient l'autonomie dont il disposait, en violation des règles conventionnelles,

- que les fiches de pointage produites par l'employeur ne répondent pas aux exigences conventionnelles et divergent de celles qu'il verse aux débats,

- qu'il travaillait en moyenne 11h15 les lundi, mardi, mercredi et jeudi, et 7h15 le vendredi,

- qu'il est fondé à réclamer de ce chef la somme de 38 557,82 euros à titre de rappel de salaire, outre celle de 3 855,78 euros au titre des congés payés, déduction faite de ses périodes de déplacement,

- sur les périodes de déplacement,

- que, lors de ses déplacements, il travaillait sept jours sur sept, et douze heures par semaine,

- qu'il sollicite de ce chef la somme de 2 034,99 euros à titre de rappel de salaire, et celle de 203,49 euros au titre des congés payés,

- sur la contrepartie en repos,

- qu'en effectuant, hors périodes de déplacement, un horaire hebdomadaire de 52 heures de travail, et 84 heures par semaine en périodes de déplacement, il a dépassé le contingent annuel d'heures supplémentaires en 2013, 2014 et 2015,

- qu'il est fondé à réclamer la somme de 32 759,02 euros de ce chef, outre les congés payés correspondants,

- sur le repos dominical,

- qu'il a travaillé pendant 15 jours de fin de semaine et jours fériés en 2013, 13 jours en 2014 et 17 jours en 2015,

- qu'une indemnité correspondant à six mois de salaire doit lui être allouée à ce titre,

- sur le travail dissimulé,

- que l'employeur s'est soustrait à ses obligations légales,

- qu'une indemnité égale à six mois de salaire doit également lui être octroyée de ce chef,

- sur le manquement à l'obligation de sécurité,

- qu'il a souffert de surmenage, constaté dans un certificat médical du 30 novembre 2015,

- qu'une indemnité égale à six mois de salaire doit être supportée par l'employeur, du fait de son manquement à son obligation de sécurité,

- sur le défaut de prise en compte de son ancienneté,

- que l'employeur n'a pas tenu compte de l'ancienneté acquise dans le cadre de son contrat d'apprentissage,

- qu'en outre, il convient de retenir un salaire, sur la base de 151,67 heures de travail par mois, de 3 163,67 euros par mois,

- que, par suite, il est fondé à réclamer un solde d'indemnité de préavis et un solde d'indemnité de licenciement,

- sur le licenciement,

- que son licenciement était fondé sur deux griefs : un comportement déplacé à l'encontre de M. [A] [N], le 30 novembre 2015, et le fait d'avoir établi des notes de frais irrégulières,

- qu'il conteste le premier grief,

- que M. [A] [N] a eu un comportement violent à son endroit,

- que l'attestation adverse n'est pas conforme aux prescriptions légales, et n'est pas probante,

- qu'il s'est expliqué sur le second grief lors de l'entretien préalable et dans sa lettre de contestation de son licenciement,

- que le fait d'avoir réalisé quelques menus achats lors de grands déplacements

et de les avoir déclarés dans une note de frais professionnels ne saurait lui être reproché,

- qu'il n'a retrouvé un emploi que 18 mois après son licenciement,

- que cet emploi est précaire.

Du tout, M. [D] [U] sollicite le paiement des sommes suivantes :

- 40 592,81 euros bruts à titre de rappel de salaire, du fait des heures supplémentaires effectuées,

- 4 059,28 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 32 759,02 euros bruts au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

- 3 275,90 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 18 983,82 euros nets à titre de dommages et intérêts pour non-respect du repos dominical,

- 18 983,82 euros nets à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 18.983,82 euros nets à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat,

- 6 558,49 euros bruts à titre de reliquat de préavis,

- 655,84 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 7 529,59 euros nets à titre de reliquat d'indemnité de licenciement,

- 56 951,46 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il demande en outre la remise de ses bulletins de salaire et d'une attestation Pôle Emploi, rectifiés, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement.





Dans ses conclusions notifiées le 26 octobre 2018, la société Etablissements Jean Graniou, intimée principale et appelante incidente, rétorque à ces observations :

- sur la convention de forfait,

- que le contrat de travail de l'appelant fait référence à l'accord d'entreprise du 29 juin 2001,

- que la classification de M. [U] correspondait à ses fonctions,

- que sa charge de travail a fait l'objet d'entretiens réguliers,

- qu'en outre, il ressort des fiches de pointage versées aux débats que le salarié n'a jamais dépassé les 218 jours de travail par an, prévus par la convention de forfait,

- qu'il a signé ces fiches,

- que les heures supplémentaires alléguées ne sont pas prouvées, l'attestation adverse ne portant que sur l'amplitude horaire possible du salairé, et non sur les heures de travail effectivement réalisées,

- que ses allégations quant au travail effectué en période de déplacement sont contredites par les feuilles de pointage qu'il a signées,

- sur le travail dissimulé,

- qu'elle n'a pas manifesté l'intention de dissimuler un travail salarié,

- sur les demandes subséquentes,

- que les demandes relatives au repos dominical et au manquement à l'obligation de sécurité doivent être rejetées,

- que l'existence d'un état dépressif d'origine professionnelle n'est pas établie,

- sur le licenciement,

- que M. [D] [U] a fait deux bras d'honneur à M. [A] [N], et a tenu des propos vulgaires à son endroit,

- que ces propos sont confirmés par une attestation de M. [J] [C],

- qu'en outre, le salarié a établi des notes de frais, d'un montant total de 2 340 euros, alors que les frais qu'il avait réellement exposés étaient de 2 240 euros,

- que l'analyse de ses notes de frais a révélé plusieurs irrégularités,

- qu'au regard de son ancienneté dans l'entreprise, de 13 ans, il ne pouvait ignorer le caractère fautif de ses agissements,

- que ceux-ci justifient son licenciement,

- que le préjudice allégué n'est pas démontré,

- que l'appelant a perçu des indemnités journalières pendant son préavis

- que le salaire de référence qu'il retient pour le calcul de son indemnité de préavis et de son indemnité de licenciement est erroné.

En conséquence, la société Jean Graniou sollicite la confirmation du jugement entrepris, sur les demandes rejetées, son infirmation, quant aux demandes qui ont été accueillies, et conclut au rejet de l'intégralité des prétentions du salarié ; elle réclame en outre la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.






MOTIFS DE LA DECISION



Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail



Sur la classification du salarié



M. [U] prétend relever du coefficient salarial 108 attaché aux salariés en position B 2ème échelon catégorie 1. Il observe que les conventions de forfait en jours ne peuvent concerner que des salariés cadres assumant une fonction de management élargi, libres et indépendants dans l'organisation et la gestion de leur temps.



L'article 3.3 de la convention collective nationale des cadres du bâtiment du 1er juin 2004 énonce que 'les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés peuvent conclure une convention de forfait en jours sur l'année'. Cet article précise que 'sont visés les cadres dont la durée du travail ne peut être prédéterminée du fait de la nature de leurs fonctions, des responsabilités qu'ils exercent et de la réelle autonomie dont ils disposent dans l'organisation de leur emploi du temps'.



Les bulletins de salaire versés aux débats mentionnent, à compter du mois de janvier 2014, que M. [D] [U] était classifié en position B 1er niveau. Si l'avenant à son contrat de travail du 1er janvier 2014, par lequel il a accepté la convention de forfait litigieuse, stipule que sa classification était fixée en position A, cette indication porte sur la situation alors existante, et non sur l'avenir. Surtout, il n'est pas établi que le bénéfice de la convention de forfait soit réservé aux ingénieurs et cadres classés au minimum en position B 2ème échelon catégorie 1.



Enfin, et en tout état de cause, la classification du salarié doit ressortir des fonctions qu'il exerce, et non du fait qu'une convention de forfait lui ait été proposée, dont il poursuit, par ailleurs, l'annulation. En conséquence, il n'y a pas lieu de modifier le coefficient salarial appliqué au salarié.



Sur la convention de forfait



Aux termes de l'article L 3121-46 du code du travail, dans sa version applicable aux faits de la cause, 'un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que la rémunération du salarié'.



Ainsi que l'a relevé le conseil de prud'hommes de Grasse, la société Etablissements Jean Graniou ne produit que trois compte-rendus d'entretien individuel, des 26 septembre 2005, 18 août 2010 et 5 juin 2015. En outre, ces compte-rendus ne portent que sur les objectifs du salarié, le bilan de son activité, ses objectifs, les actions de formation qu'il avait suivies, ses souhaits d'évolution, et les événements importants de sa vie privée, aucun paragraphe n'étant réservé à l'évaluation de sa charge de travail, à son avis sur l'organisation du travail dans l'entreprise, ou encore à sa rémunération, et l'articulation entre son activité profesionnelle et sa vie personnelle n'ayant été évoquée qu'en 2015. Dès lors, c'est par des motifs pertinents que le conseil de prud'hommes de Grasse a annulé la convention de forfait dont bénéficiait M. [U]. Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.



Sur les heures supplémentaires effectuées hors déplacement



S'agissant du décompte des heures supplémentaires effectuées, aux termes de l'article L 3171-4 alinéa 1er du code du travail, 'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles'. Ainsi, la preuve des heures de travail n'incombe spécialement à aucune des parties ; si l'employeur est tenu de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés, il appartient au salarié de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.



En l'espèce, l'appelant déclare avoir travaillé en moyenne, hors déplacement, de 7h15 à 19h du lundi au jeudi et de 7h15 à 15h le vendredi. Il produit une lettre de M. [B] [V], chef de l'entreprise Actemium qui fait partie du groupe Jean Graniou, et qui indique que M. [D] [U] 'obéit à des plages horaires pouvant aller de 7h15 à 19h30 avec des interventions ponctuelles chez (les) clients'. Il mentionne également que le salarié 'effectue régulièrement des déplacements à l'international avec des durées comprises entre 2 et 6 semaines consécutives tout au long de l'année', et qu'il 'est également soumis à des astreintes périodiques 7j/7 24h/24 avec des délais d'intervention rapide'. Il produit en outre un relevé des horaires accomplis entre le 1er et le 23 janvier 2013, un tableau des jours travaillés en 2013, 2014 et 2015 et des feuilles de pointage hebdomadaires des mêmes années, qui ne font pas état des horaires travaillés. Si ces pièces n'apportent ainsi aucune information sur les horaires réalisés par M. [U], la lettre de M. [V] constitue en elle-même un élément de nature à étayer sa demande. En réponse, l'employeur produit les feuilles de pointage signées par le salarié, par son responsable, et par le chef d'entreprise. Toutefois, ces pièces ne justifient pas des heures effectivement réalisées, en ce qu'elles ne portent mention que des jours travaillés, et ne précisent jamais le nombre d'heures travaillées. Par suite, la demande de rappel d'heures supplémentaires doit être accueillie dans son principe. Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé sur ce point.



S'agissant du nombre d'heures supplémentaires effectuées, au vu des pièces produites, il convient de retenir l'estimation basse avancée par le salarié, soit des journées de travail de 7h30 à 18h du lundi au jeudi et de 7h30 à 13h30 le vendredi, avec une heure de pause déjeuner, l'allégation selon laquelle ses pauses déjeuner ne duraient qu'une demie heure n'étant aucunement étayée. En conséquence, la durée des semaines de travail de M. [U], hors déplacements, sera évaluée à 43 heures.



Par suite, il convient d'infirmer le jugement entrepris et de faire droit aux demandes présentées par l'appelant dans la limite des sommes suivantes :

- 2 957,09 euros en 2013, à raison d'un taux horaire de 18,74 euros, majoré de 25 %, soit 23,42 euros par jour, et 187,39 euros par semaine (à raison de 8 heures supplémentaires impayées par semaine), pendant 46 semaines (compte tenu des déplacements effectués pendant cette année), au prorata de la période écoulée entre le mois d'août et celui de décembre 2013 (la demande ne portant que sur cette période), soit 3 591,64 euros, moins 634,55 euros (somme payée au titre de la réduction du temps de travail),

- 6 317,68 euros en 2014, à raison d'un taux horaire de 19,23 euros, majoré de 25 %, soit 24,04 euros par jour, et 192,32 euros par semaine (à raison de 8 heures supplémentaires impayées par semaine), pendant 41 semaines (compte tenu des déplacements effectués pendant cette année), soit 7 885,12 euros, moins 1 567,44 euros (somme payée au titre de la réduction du temps de travail),

- 5 107,69 euros en 2015, à raison d'un taux horaire de (2 972/151,67 =) 19,60 euros, majoré de 25 %, soit 24,50 euros par jour, et 196 euros par semaine (à raison de 8 heures supplémentaires impayées par semaine), pendant 35 semaines (compte tenu des arrêts maladie du salarié), soit 6 860 euros, moins 1 752,31 euros (somme payée au titre de la réduction du temps de travail).

En conséquence, la somme qui doit être allouée à M. [D] [U] au titre des heures supplémentaires impayées effectuées pendant ses déplacements professionnels est de 14 382,46 euros, outre 1 438,25 euros au titre de l'indemnité de congés payés correspondante.



Sur les heures supplémentaires effectuées en déplacement



M. [D] [U] déclare également avoir effectué des heures supplémentaires impayées pendant ses périodes de déplacement. Il affirme avoir travaillé, durant ces déplacements, 7 jours sur 7, et 12 heures par jour, et produit un ensemble de relevés en ce sens, contresignés par les clients chez lesquels il était affecté, des 13 janvier 2013, 23 janvier 2013 et 18 décembre 2013. Ces pièces démontrent qu'il travaillait 12 heures par jour et 7 jours sur 7 pendant ces missions à l'étranger, contrairement aux allégations de l'employeur. En revanche, les feuilles de pointage produites par ce dernier ne font pas état de fins de semaine travaillées pendant les autres missions effectuées. Dès lors, les jours de fin de semaine ne peuvent être retenus comme travaillés que pour les périodes visées par les relevés des 13 janvier 2013, 23 janvier 2013 et 18 décembre 2013. Pour le surplus, il convient de retenir que M. [U] travaillait douze heures par jour pendant cinq jours de la semaine, durant ses déplacements.



Au vu des feuilles de pointage produites, les jours de travail en déplacement doivent être évalués à 6 jours en 2013, 27 jours en 2014, et 42 jours en 2015 (étant noté que, du fait de la déduction des fins de semaine non travaillées, 2 jours doivent être déduits du décompte du salarié pour l'année 2013, 14 jours en 2014, et 16 jours en 2016).



En conséquence, les heures supplémentaires effectuées en déplacement ouvrent droit au paiement des sommes suivantes :

- 0 euro en 2013, à raison d'un taux horaire de 18,74 euros, majoré de 25 % pour les 8 premières heures supplémentaires (soit 23,42 euros), et de 50 % pour les 41 suivants (soit 28,11 euros), soit 1 339,87 euros par semaine et 5 801,64 euros par mois, donc 1 160,33 euros pour 6 jours, moins la prime de déplacement de 1 432 euros,

- 0 euro en 2014, à raison d'un taux horaire de 19,23 euros, majoré de 25 % pour les 8 premières heures supplémentaires (soit 24,04 euros), et de 50 % pour les 41 suivants (soit 28,84 euros), soit 1 374,76 euros par semaine et 5 952,71 euros par mois, donc 5 357,44 euros pour 27 jours, moins la prime de déplacement de 7 597 euros,

- 0 euro en 2015, à raison d'un taux horaire de 19,60 euros, majoré de 25 % pour les 8 premières heures supplémentaires (soit 24,50 euros), et de 50 % pour les 41 suivants (soit 29,40 euros), soit 1 401,40 euros par semaine et 6 068,06 euros par mois, donc 8 495,28 euros pour 42 jours, moins la prime de déplacement de 9 931 euros.



Dès lors, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a rejeté ce chef de demande.







Sur la contrepartie obligatoire en repos



L'article L 3121-11 du code du travail, dans sa version applicable aux faits de la cause, prévoit une contrepartie obligatoire en repos lorsque les heures supplémentaires effectuées par le salarié durant l'année dépassent un contingent fixé au moyen d'un accord collectif. Ce contingent est, en l'espèce, de 180 heures.



Les heures supplémentaires effectuées par M. [U] ont été évaluées comme suit:

- en 2013 :

- 37 heures supplémentaires pendant les périodes de déplacement, qui ont duré 6 jours, durant laquelle le salarié travaillait 12 heures par jour, soit 49 heures supplémentaires par semaine,

- 153,33 heures supplémentaires effectuées hors déplacements, à raison de 8 heures supplémentaires impayées par semaine pendant 46 semaines (compte tenu des déplacements effectués pendant cette année), au prorata de la période écoulée entre le mois d'août et celui de décembre 2013 (la demande ne portant que sur cette période),

- soit un total de 190,33 heures, dont il convient de déduire 35 heures de réduction du temps de travail, de sorte que le total d'heures supplémentaires à prendre en compte est de 155,33 heures, inférieur au contingent annuel,

- en 2014 :

- 135 heures supplémentaires pendant les périodes de déplacement, qui ont duré 27 jours soit 5 semaines, durant lesquelles le salarié travaillait 12 heures par jour et 5 jours sur 7,

- 328 heures supplémentaires effectuées hors déplacements, à raison de 8 heures supplémentaires impayées par semaine pendant 41 semaines (compte tenu des déplacements effectués pendant cette année),

- soit un total de 463 heures, dont il convient de déduire 84 heures de réduction du temps de travail, de sorte que le total d'heures supplémentaires à prendre en compte est de 379 heures, supérieur au contingent annuel,

- en 2015 :

- 210 heures supplémentaires pendant les périodes de déplacement, qui ont duré 42 jours soit 6 semaines, durant lesquelles le salarié travaillait 12 heures par jour et 5 jours sur 7,

- 280 heures supplémentaires effectuées hors déplacements, à raison de 8 heures supplémentaires impayées par semaine pendant 35 semaines (compte tenu des arrêts maladie du salarié),

- soit un total de 490 heures, dont il convient de déduire 91 heures de réduction du temps de travail, de sorte que le total d'heures supplémentaires à prendre en compte est de 399 heures, supérieur au contingent annuel.



Ainsi, les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent annuel de 180 heures s'élèvent à 199 heures en 2014 et 219 heures en 2015. Dès lors que ce temps de repos n'a pas été accordé au salarié, elles ouvrent droit à une indemnité égale à :

- 3 826,77 euros pour l'année 2014, à raison de 199 heures au taux horaire de 19,23 euros,

- 4 292,40 euros pour l'année 2015, à raison de 219 heures au taux horaire de 19,60 euros,

- soit un total de 8 119,17 euros.

Il s'ensuit que le jugement entrepris doit être infirmé. La somme de 8 119,17 euros sera allouée à M. [D] [U] au titre de la contrepartie obligatoire en repos des heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent annuel, outre 811,92 euros au titre des congés payés afférents.



Sur le repos dominical



L'article L 3132-1 du code du travail interdit de faire travailler un même salarié plus de six jours par semaine. L'article L 3132-3 prévoit que le repos hebdomadaire est donné le dimanche.



En l'espèce, contrairement à ce qui a été indiqué dans le jugement entrepris, les relevés horaires cosignés, des 13 janvier 2013, 23 janvier 2013 et 18 décembre 2013, produits par M. [D] [U] font apparaître des fins de semaines travaillées. Dès lors, ce dernier est fondé à réclamer une indemnité de ce chef, qui sera fixée à 500 euros. Le jugement entrepris sera donc également infirmé sur ce point.



Sur le travail dissimulé



Aux termes de l'article L 8221-5 du code du travail, 'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° soit se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche,

2° soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail (...),

3° soit se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales'.



En l'espèce, M. [U] soutient que l'employeur s'est intentionnellement abstenu de déclarer et de payer ses heures supplémentaires. C'est par des motifs pertinents que le conseil de prud'hommes a rejeté sa demande de dommages et intérêts de ce chef, le caractère intentionnel de cette omission n'étant pas établi. Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.



Sur l'obligation de sécurité de l'employeur



L'appelant réclame la somme de 18 983,82 euros nets à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité. Il prétend que sa charge de travail a altéré sa santé physique, et son équilibre psychique, et produit un avis d'arrêt de travail du 30 novembre 2015 évoquant un 'état dépressif (burn out)', ainsi qu'un ensemble de certificats médicaux lui prescrivant un traitement anti-dépresseur. Ces pièces démontrent que le salarié a été atteint de troubles. Dès lors, il appartient à l'employeur de démontrer que ces troubles sont étrangers à tout manquement à son obligation de sécurité. En l'espèce, la société Etablissements Jean Graniou ne rapporte pas cette preuve. Dès lors, le jugement du conseil de prud'hommes doit être infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de ce chef. Il convient d'allouer la somme de 3 000 euros à M. [U] en réparation du préjudice qu'il a subi du fait du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.



Sur les demandes liées à la rupture du contrat de travail



Sur la faute



La lettre de licenciement du 18 janvier 2016 est ainsi libellée :

'Monsieur [U],

Envisageant de prendre à votre égard une éventuelle mesure disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement, nous vous avons convoqué pour un entretien préalable portant sur cette éventuelle mesure le mardi 05 janvier 2016.

Vous vous êtes présenté accompagné de Monsieur [M] [W], délégué syndical, et nous vous avons exposé les faits reprochés.

Nous avons constaté de nombreux manquements dans votre rôle d'assistant responsable d'affaires. A savoir :

Le 30 novembre 2015, vous avez prématurément quitté votre poste de travail suite à une altercation avec Monsieur [A] [N], responsable d'affaires, au cours de laquelle vous avez eu un comportement irrespectueux à son égard.

En effet, lors de votre arrivée dans les locaux de l'entreprise, vous êtes passé devant le bureau de [A] [N] en lui faisant deux bras d'honneur

Face à cette attitude grossière et déplacée, Monsieur [A] [N] vous a répondu que vous étiez mal élevé. Vous vous êtes alors vivement emporté et avez aussitôt quitté votre poste de travail en prétextant aller consulter le médecin du travail. En partant, vous l'avez injurié 'je suis plus malin que vous et je vais vous niquer'. Ces propos ont été entendus par le salarié [J] [C], qui se trouvait dans son bureau juste à côté du vôtre.

Par suite, nous vous avons reçu un arrêt de travail vous concernant, établi par votre médecin traitant, pour une période initiale du 30 novembre 2015 au 4 janvier 2016 inclus.

Le 02 décembre 2015, à l'occasion d'un échange téléphonique avec votre chef d'entreprise, vous lui avez indiqué n'avoir aucun problème à la remise, durant votre arrêt maladie, du véhicule de service mis à votre disposition pour lexécution de votre mission, ainsi que du matériel nécessaire au suivi de vos dossiers durant votre absence. Nous sommes donc venu récupérer avec votre accord, votre véhicule de service le 03 décembre 2015. Et vous nous avez retourné par la poste votre PC et votre téléphone.

Lors de l'entretien préalable, vous avez justifié votre comportement en précisant avoir été en colère contre Monsieur [A] [N] ce jour-là car il vous avait transmis par mail un tableau de vos indemnités de déplacement ne correspondant à votre récapitulatif. Vous avez expliqué qu'habituellement ce tableau était validé d'un commun accord, ce qui n'avait pas été le cas en l'espèce.

Vos explications sont toutefois insuffisantes. Nous ne pouvons tolérer un tel comportement injurieux et menaçant, de la part de nos collaborateurs. De tels faits perturbent le bon déroulement du travail, constituent un manquement à la discipline de la société et ne correspondent pas aux attentes de qualité, de rigueur et de professionnalisme attendus par la société.

Aussi, afin d'obtenir des éclaircissements complets sur les causes de cette altercation nous avons demandé à Monsieur [A] [N] des explications sur la modification de votre tableau d'indemnités de déplacements. Nous avons donc pris connaissance de ces documents et après analyse, il ressort que vous avez demandé le remboursement d'indemnités de grand déplacement à l'export pour un montant de 2 340 euros, alors que vos déplacements ne correspondaient en réalité qu'à la somme de 2 240 euros (montant qui vous a été remboursé), soit un delta de 100 euros en votre faveur.

C'est dans ce cadre que nous avons souhaité approfondir l'analyse de vos frais professionnels et nous avons été au regret de constater plusieurs irrégularités dans la réalisation de vos notes de frais.

En effet, la note de frais que vous avez notamment produite pour la période du 11 octobre 2015 au 11 novembre 2015 indiquait un montant total à rembourser à rembouser de 2 449,23 euros. Or, après analyse, il ressort que les dépenses reportées à cette note de frais s'élevaient à 2 149,20 euros, soit un delta de 300,03 euros en votre faveur.

Vous nous avez indiqué lors de l'entretien préalable que le fichier informatique devait avoir une erreur de formule et que nous pouvions vérifier le fichier source qui se trouvait dans votre ordinateur professionnel. Après recherches, nous avons été au regret de constater que vos dossiers informatiques professionnels ne contenaient aucune trace de note de frais effectuée ou même de matrice de notes de frais que cela soit sur le disque dur de votre PC ou sur le serveur de l'entreprise. Nous avons par ailleurs été surpris de noter que vous aviez manifestement effacé l'ensemble de vos documents professionnels ce qui révèle une attitude pour le moins étrange de votre part.

Le contenu de cette note de frais était, d'autre part, pour le moins surprenant. En effet, elle mettait en exergue l'achat de divers produits (médicaments, journaux, divers frais le 11 octobre 2015 alors que vous n'étiez pas en mission...) pour un montant total de 175,92 euros, sans lien quelconque avec votre activité professionnelle.

Vous nous avez indiqué lors de votre entretien qu'il avait dû y avoir une erreur de datation pour la journée du 11 octobre dernier. Concernant les autres frais annexés tels que médicaments, journaux, etc..., vous nous avez en revanche précisé que vous aviez déjà fait l'objet de plusieurs remboursements de ce type au sein de l'entreprise et qu'à cet effet nous ne pouvions revenir aujourd'hui sur cette pratique.

Stupéfaits par la découverte de cette information, nous avons alors immédiatement procédé à l'analyse des notes de frais de vos précédentes missions et avons constaté qu'il n'y avait jamais eu de remboursements sans aucun lien avec votre activité professionnelle. Vos explications inexactes discréditent ainsi totalement vos arguments de défense, au demeurant douteux et inaudibles.

En définitive, en l'état actuel des investigations, plusieurs notes de frais afférentes à vos déplacements professionnels comportent des irrégularités dans le montant (revu à la hausse) ou le contenu (sans aucun lien avec l'activité de l'entreprise).

De tels agissements constituent un manquement grave à vos obligations congtractuelles. Ils caractérisent également une violation des obligations élémentaires de probité et de loyauté auxquelles vous êtes tenu à l'égard de l'entreprise. Cela est inacceptable.

Devant tous ces événements et suite à l'insuffisance des explications que vous nous avez fournies lors de l'entretien préalable, nous procédons à votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Vous cesserez de faire partie de nos effectifs à l'issue de votre préavis conventionnel de trois mois, que nous vous dispensons d'effctuer et qui vous sera intégralement payé.(...)'.



Aux termes de l'article L 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse. Il appartient au juge, en vertu de l'article L 1235-1 du code du travail, d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur.



En l'espèce, M. [U] réfute avoir commis une faute, et sollicite la requalification de la rupture de son contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse.



La lettre de licenciement contient deux griefs : un comportement grossier et injurieux du salarié à l'égard de son supérieur hiérarchique, M. [N], et des irrégularités dans ses notes de frais.



Sur le premier grief, l'employeur produit :

- une lettre de [J] [C], datée du 1er décembre 2015, dans laquelle ce dernier 'déclare avoir entendu M. [D] [U] dire : 'je suis plus malin que vous et je vais vous niquer' lors d'une altercation avec M. [A] [N] le 30 novembre 2015',

- un rapport de M. [A] [N] du 1er décembre 2015, dans lequel celui-ci relate les faits suivants : 'je tenais à signaler l'incident qui est survenu le 30/11/2015 au matin avec [D] [U]. Il est passé devant mon bureau en m'ignorant et m'a fait un bras d'honneur. Je suis allé lui demander des explications à son bureau que je n'ai pas eu. Cela s'est fini par des insultes de [D] [U] 'je suis plus malin que vous et je vais vous niquer'. Et à quitter son lieu de travail dans la foulée. Je tenais à te préciser que je ne pouvais pas accepter un tel comportement de sa part car je ne suis pas là pour me faire insulter.'.



M. [U] conteste ces faits mais n'apporte aucune pièce à l'appui de ses allégations. Il ne prouve notamment pas avoir été violenté par M. [A] [N]. Dès lors, les insultes qui lui sont reprochées sont suffisamment établies.



Sur le second grief, le premier fait visé dans la lettre de licenciement résulte d'une demande de remboursement de 2 340 euros, formulée alors que les frais réels exposés s'élevaient à 2 240 euros. Le conseil de prud'hommes a justement relevé qu'aucune pièce n'était produite à l'appui de cette allégation, par ailleurs non datée.

La deuxième irrégularité relative aux notes de frais visée dans la lettre de licenciement résulte d'une note du 22 novembre 2015, portant sur la somme de 2 449,23 euros, alors que le montant total des frais qui y sont reportés est de 2 149,20 euros. Cette note a été validée, à terme, pour un montant de 1 886,90 euros. La société Etablissements Jean Graniou déclare qu'elle comportait des frais indus, et produit à ce titre :

- un ticket de paiement de frais de bouche, portant la date '11/10/15', et la mention 'à cette date pas de mission', ainsi qu'une autre mention 'date inverse',

- un ticket de l'hôte Mercure relatif à des frais de pressing, et portant les mentions 'Pourquoi ' Pressing' et 'non justifiable NON',

- un ticket daté du 31 octobre 2015 contenant une liste de médicaments, avec la mention 'pas de médicaments spécifiques pour la mission',

- deux tickets de l'hôtel Mercure du 8 novembre 2015, où une ligne a été barrée, et dans lequels a été ajouté à la main la mention 'Pepsi',

- un ticket de paiement du 18 novembre 2011 mentionnant 'menu VAE' pour un montant de 11,60 euros,

- un ticket de librairie Relais H de l'aéroport de [Localité 5] du 6 novembre 2015 d'un montant de 12,39 euros.



Il ressort du compte-rendu d'entretien préalable rédigé par M. [M] [W], délégué syndical, que le salarié a présenté les explications suivantes :

- les frais de nettoyage et de pharmacie auraient été habituellement remboursés,

- les frais de blanchisserie s'imposaient du fait de la prolongation d'une semaine de son déplacement à [Localité 4],

- certaines notes portent mention de dates selon un mode de présentation anglo-saxon, dans lequel le jour et le mois sont inversés.



Cette présentation inversée explique le ticket de paiement de frais de bouche, qui date donc du 10 novembre 2015 et non du 11 octobre 2015. S'agissant des frais de pressing, l'employeur ne démontre pas l'existence d'un abus. Il en va de même pour la note de médicaments, et pour les frais de boisson, d'alimentation et de librairie qui sont dénoncés dans la lettre de licenciement. Surtout, il convient de noter que ces frais sont d'un faible montant, et que l'employeur n'a pas mis en lumière une fraude habituelle, portant sur des sommes significatives. En revanche, le fait que la note du 22 novembre 2015 mentionne un total ne correspondant pas à la somme des frais qui y sont rapportés n'est pas expliqué par le salarié.



En conséquence, si le premier grief visé dans la lettre de licenciement est établi, le second n'est que partiellement justifié. Ces deux griefs, pris ensemble, justifient la rupture du contrat de travail. En effet, les violences verbales commises par M. [U] à l'encontre de M. [N] empêchaient la poursuite de la relation de travail. Dès lors, le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse. Le jugement entrepris doit donc être infirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse présentée par M. [U].



Sur les demandes accessoires



La société Etablissements Jean Graniou, qui succombe partiellement, doit être condamnée aux dépens, de première instance et d'appel. Le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu'il a mis à la charge de l'employeur la somme de 870 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Il serait en outre inéquitable de laisser à la charge de M. [U] l'intégralité des frais irrépétibles exposés en la cause. Au regard, d'une part, de la complexité de l'affaire, d'autre part, du fait qu'il succombe en certaines de ses demandes, la somme de 1 000 euros lui sera allouée en application de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS



La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, en matière prud'homale,



Confirme le jugement rendu le 11 avril 2018 par le conseil de prud'hommes de Grasse en ce qu'il a :

- rejeté la demande d'annulation de la convention de forfait conclue entre les parties, et la demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé présentées par M. [D] [U], ainsi que ses demandes de rappel d'indemnité de préavis et d'indemnité de licenciement,

- condamné la société Etablissements Jean Graniou aux dépens de l'instance, ainsi qu'à verser la somme de 870 euros à M. [D] [U] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,



Infirme le jugement du 11 avril 2018, pour le surplus,



Et, statuant à nouveau,



Condamne la société Etablissements Jean Graniou à verser à M. [D] [U] les sommes suivantes :

- 14 382,46 euros au titre des heures supplémentaires impayées effectuées hors déplacements professionnels, outre 1 438,25 euros au titre de l'indemnité de congés payés correspondante

- 8 119,17 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos des heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent annuel, outre 811,92 euros au titre des congés payés afférents,

- 500 euros au titre du manquement de l'employeur à son obligation d'assurer un repos dominical au salarié,

- 3 000 euros au titre du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité,



Dit que le licenciement de M. [D] [U] reposait sur une cause réelle et sérieuse,



Rejette la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse présentée par M. [D] [U],



Condamne la société Etablissements Jean Graniou aux dépens de la procédure d'appel,



Condamne la société Etablissements Jean Graniou à verser à M. [D] [U] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,



Ainsi jugé et prononcé les jour, mois et an susdits.





LE GREFFIERLE PRESIDENT

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