26 novembre 2020
Cour d'appel de Versailles
RG n° 19/07100

16e chambre

Texte de la décision

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 78F



16e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 26 NOVEMBRE 2020



N° RG 19/07100 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TPXT



AFFAIRE :



[C] [U]



C/



S.A.S. MCS ET ASSOCIES



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Septembre 2019 par le Juge de l'exécution de NANTERRE

N° RG : 15/09783



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 26/11/2020

à :



Me François PERRAULT de la SELARL MAYET & PERRAULT, avocat au barreau de VERSAILLES



Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de VERSAILLES



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT,



La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :



Monsieur [C] [U]

Né le [Date naissance 2] 1954 à [Localité 6] (Maroc)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentant : Me François PERRAULT de la SELARL MAYET & PERRAULT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C 393 - N° du dossier 15FP2068



APPELANT

****************





S.A.S. MCS ET ASSOCIES

Agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Venant aux droits de la CITIBANK INTERNATIONAL PLC suite à une cession de créances par acte du 06 février 2003 éposé au rang des minutes de l'office notarial de [Localité 7] (92) et signifié à Monsieur [U] par acte extrajudiciaire du 18 juin 2013, selon les dispositions de l'article 1690 du Code civil

N° Siret : 334 537 206 (R.C.S Paris)

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]



Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - N° du dossier 20190983

Représentant : Me Marc VACHER de la SCP ROCHMANN-LOCHEN LUCAIOLI-LAPERLE & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0100, substitué par Me Laure BATHELLIER, avocat au barreau de PARIS



INTIMÉE

****************



Composition de la cour :



L'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 Octobre 2020, Madame Sylvie NEROT, Président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :



Madame Sylvie NEROT, Président,

Madame Fabienne PAGES, Président,

Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller,



qui en ont délibéré,



Greffier, lors des débats : Monsieur Antoine DEL BOCCIO




EXPOSÉ DU LITIGE



Vu le jugement contradictoire assorti de l'exécution provisoire rendu le 15 juin 1992 par le tribunal de grande instance de Paris qui a, notamment, condamné Monsieur [U] à verser à la Compagnie générale de banque Citibank la somme de 20.608,95 euros outre intérêts au titre d'un solde débiteur de compte, et sa signification au défendeur le 10 décembre 1992,

Vu l'acte du 06 février 2003 déposé au rang des minutes d'un office notarial de [Localité 7] aux termes duquel la société Citibank International PLC a notamment cédé la créance détenue à l'encontre de Monsieur [U] à la société MCS et associés,



Vu la signification de cette cession de créance à Monsieur [U] par exploit du 18 juin 2013,



Vu un premier acte d'exécution forcée, s'agissant de la saisie des parts sociales détenues par Monsieur [U] au sein de la société Aeden Films SASU dont il est l'unique associé, pratiquée le 02 septembre 2013 à la requête de la société MCS et associés,



Vu le jugement rendu le 13 novembre 2014 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nanterre, saisi par ce dernier d'une contestation de la mesure, qui a annulé cet acte d'exécution au motif que la cession de créance ne lui était pas opposable et, pour le surplus, du fait que cette saisie ne lui avait pas été dénoncée dans les 8 jours, déboutant toutefois Monsieur [U] de sa demande tendant à voir annuler l'acte de signification du titre exécutoire,



Vu l'acte signifié le 22 décembre 2014 par lequel la société MCS et associés a donné mainlevée de cette première saisie,



Vu l'arrêt confirmant la décision du juge de l'exécution précitée rendu le 18 mai 2017 par la cour d'appel de Versailles saisie par Monsieur [U],



Vu l'arrêt rendu le 06 septembre 2018 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, sur pourvoi de Monsieur [U] portant sur la validité de la signification du titre exécutoire, disant que les moyens invoqués ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation,



Vu les secondes mesures d'exécution forcée pratiquées par la société MCS et associés par actes du 09 avril 2015 dénoncés par exploits séparés des 15 et 17 avril 2015, à savoir :

la saisie-attribution des comptes courants d'associé détenus par Monsieur [U] au sein de la société Aeden Films,

la saisie des valeurs mobilières ou droits d'associé détenus par Monsieur [U] au sein de la société Aeden Films,

un nantissement provisoire des parts sociales détenues par Monsieur [U] au sein de la société Aeden Films,



Vu la contestation de ces voies d'exécution portée devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nanterre, selon acte du 15 mai 2015,



Vu un premier jugement rendu le 08 février 2016 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nanterre qui a fait droit à la demande de Monsieur [U] en sursoyant à statuer dans l'attente du prononcé de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles précité,



Vu, enfin, le jugement contradictoire rendu le 05 septembre 2019 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nanterre qui a :


dit que l'instance n'est pas périmée,

rappelé que les sollicitations de « dire et juger » et « juger » ne constituent pas des prétentions auxquelles le juge doit répondre,

débouté Monsieur [C] [U] de sa demande de mainlevée des mesures d'exécution forcée pratiquées à son encontre par la SAS MCS et associés le 09 avril 2015,

débouté les parties de leurs demandes de dommages-intérêts,

condamné Monsieur [C] [U] aux dépens,

dit que les frais de l'exécution forcée engagés pour les mesures d'exécution forcée pratiquées à l'encontre de Monsieur [U] par la SAS MCS et associés le 09 avril 2015 sont à la charge du débiteur,

condamné Monsieur [C] [U] à payer à la SAS MCS et associés la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

rappelé que les décisions du juge de l'exécution bénéficient de l'exécution provisoire de droit,




Vu l'appel à l'encontre de cette décision interjeté par Monsieur [U] selon déclaration reçue au greffe le 09 octobre 2019,



Vu les dernières conclusions notifiées le 11 février 2020 par Monsieur [C] [U] par lesquelles il demande à la cour, visant « les dispositions visées au CPCE en matière de voies d'exécution, vu l'article 1690 du code civil, vu les articles 651 et 654 du CPC et tous autres fondements juridiques qu'il appartient au juge d'appliquer en vertu de l'article 12 du CPC » :


de recevoir Monsieur [U] en ses demandes,

d'infirmer le jugement dont appel sauf en ce qu'il a constaté qu'il n'y avait pas péremption d'instance,

de débouter la société MCS et associés de ses demandes en principal et de son appel incident,

de constater que l'acte de cession de créance de la société MCS et associés est inopposable à Monsieur [U],

d'ordonner la mainlevée immédiate, aux frais et peine de la société MCS et associés de la saisie-attribution des comptes courants d'associé de Monsieur [U] du 09 avril 2015, de la saisie des parts sociales de Monsieur [U] du 09 avril 2015, du nantissement judiciaire des parts sociales détenues par Monsieur [U] du 09 avril 2015,

de condamner la société MCS et associés au paiement de la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice de Monsieur [U],

de condamner la société MCS et associés au paiement de la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du Cpc, outre les dépens,




Vu les dernières conclusions notifiées le 28 janvier 2020 par la société par actions simplifiée MCS et associés qui, au visa des articles L 213-6 du code de l'organisation judiciaire et L 121-3 du code des procédures civiles d'exécution, prie la cour :


de recevoir la société MCS et associés dans l'intégralité de ses moyens, fins et conclusions, de débouter Monsieur [C] [U] de son appel et de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 05 septembre 2019 par le juge de l'exécution de Nanterre, sauf en ce qu'il a débouté la société MCS et associés de sa demande de dommages-intérêts à l'encontre de Monsieur [U] et, statuant à nouveau sur ce dernier point,

de condamner Monsieur [C] [U] à payer à la société MCS et associés la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive sur le fondement de l'article L 121-3 du code des procédures civiles d'exécution,

de condamner Monsieur [C] [U] à payer à la société MCS et associés la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles liés à la présente procédure d'appel,

de condamner Monsieur [C] [U] aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de maître Oriane Dontot, Aarpi JRF, avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,




L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 février 2020 et l'affaire fixée pour plaider à l'audience du 15 mai 2020 a été renvoyée à celle du 14 octobre 2020, faute d'accord des parties sur l'application de l'article 8 de l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale.




MOTIFS DE LA DÉCISION



Sur la validité des mesures d'exécution forcée



Attendu qu'alors que le premier juge énonce que « les deux décisions rendues le 13 novembre 2014 puis le 18 novembre 2017 ont aujourd'hui autorité de la chose jugée, s'agissant de la contestation de la saisie pratiquée le 02 septembre 2013 sans pour autant avoir autorité de force jugée pour les mesures d'exécution à venir », l'appelant se prévaut de la décision d'appel rendue et de l'autorité qui s'attache à la chose jugée en faisant valoir qu'elle a justement annulé le premier acte de saisie en raison de l'irrégularité de l'acte de signification de la cession de créance et, par conséquent, de son inopposabilité à sa personne ;



Que, comme en première instance, il conteste l'argumentation adverse, retenue par le premier juge, selon laquelle la cession de créance litigieuse lui a valablement été notifiée par le biais des conclusions qui lui ont été signifiées dans le cadre de la procédure devant le juge de l'exécution de Nanterre le 09 octobre 2014 en conséquence de quoi l'arrêt rendu le 18 mai 2017 n'a pas, selon ce que prétend l'intimée, autorité de chose jugée ;



Que, pour ce faire, il se livre à l'analyse d'une décision rendue par la Cour de cassation (Cass com, 29 février 2000, pourvoi n° 95-17400) évoquée parmi bien d'autres par la société intimée et qui est, à son sens, inopérante quant aux conditions de l'opposabilité de la cession de créance prévues à l'article 1690 du code civil ; qu'il tire, de plus, argument du fait que la simple remise d'un acte à la barre ne peut être regardée comme une « signification » dans son sens juridique précis, comme de l'oralité des débats devant le juge de l'exécution ou du fait que son conseil ne peut être considéré comme son représentant légal ;



Mais attendu que contrairement à ce que prétend l'appelant et comme le fait valoir la société MCS et associés, l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles le 18 mai 2017 n'a d'autorité de chose jugée que pour les seules mesures d'exécution du 02 septembre 2013, desquelles il a été, au demeurant, donné mainlevée ;



Que la société intimée a postérieurement fait procéder à de nouvelles mesures d'exécution, le 09 avril 2015, qui sont l'objet du présent litige, et qu'elle peut valablement prétendre que la transmission de toutes pièces utiles relatives à la créance cédée lors de l'audience du 09 octobre 2014 vaut signification et lui est pleinement opposable ;



Que force est, en effet, de considérer que Monsieur [U] qui ne démontre ni même ne soutient qu'il aurait été privé d'éléments nécessaires à une exacte information quant au transfert de la créance lors de la communication judiciaire de la copie de l'acte authentique de cession du 06 février 2003, ne peut tirer argument, comme il le fait, du vocabulaire juridique ou de la forme de l'instance dès lors qu'il ne conteste pas avoir connu et accepté sans équivoque cette cession de créance et ne peut valablement se prévaloir des formalités telles que prévues, expressis verbis, par l'article 1690 (ancien) du code civil, au rebours de la doctrine de la Cour de cassation (Cass civ 1ère, 19 septembre 2007, pourvoi n° 06-11814) dont il peut surabondamment être relevé, puisque le litige n'est pas soumis à la loi nouvelle, qu'elle a été approuvée par le législateur de 2016 introduisant la prise d'acte du débiteur cédé à l'article 1324 alinéa 1er du code civil ;



Qu'il en résulte que cette cession de créance est opposable à Monsieur [U], qu'il échoue par conséquent en sa demande de mainlevée des mesures d'exécution forcée fondée sur ce moyen et que doit être confirmé le jugement qui en décide ainsi ;



Sur les demandes indemnitaires réciproques des parties



Attendu que la teneur du présent arrêt conduit à rejeter la demande en paiement de dommages-intérêts présentée par Monsieur [U], fondée sur la caractère abusif et inutile des voies d'exécution pratiquées à son encontre par une société agissant en vertu d'un jugement rendu il y a plus de 27 ans et qui, selon ses termes, aurait dû « retenir son bras » ;



Attendu qu'en revanche la société intimée qui souligne que son adversaire sait pertinemment depuis 27 ans qu'il est débiteur d'une somme conséquente sans jamais proposer un quelconque mode d'apurement de la dette, voire faire état de difficultés financières, peut se prévaloir de la résistance abusive au paiement de son adversaire, au sens de l'article L 121-3 du code des procédures civiles d'exécution sur lesquelles elle se fonde ;



Que l'adoption d'une position de contestation systématique des mesures d'exécution, reprises ci-avant et à laquelle a récemment pu s'ajouter une nouvelle contestation d'une saisie-attribution sur ses comptes bancaires pratiquée le 06 février 2019, outre la multiplication de demandes, telles la péremption d'instance ou sa suspension poursuivies en première instance, et l'invocation de moyens dont Monsieur [U] ne pouvait ignorer la fragilité caractérisent un usage des voies de droit de manière disproportionnée et à des fins dilatoires, si bien que ce comportement fautif sera sanctionné par sa condamnation à verser à l'intimée la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts ;







Que le jugement doit être infirmé en ce qu'il déboute la société MCS et associés de ce dernier chef ;



Sur les autres demandes



Attendu que l'équité conduit à condamner Monsieur [U] à verser à la société MCS et associés la somme complémentaire de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;



Que, débouté de ce dernier chef de demande, il supportera les dépens d'appel ;



PAR CES MOTIFS, LA COUR



Statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe,



CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire reconventionnellement présentée par la société MCS et associés et, statuant à nouveau dans cette limite en y ajoutant ;



Condamne Monsieur [C] [U] à verser à la société MCS et associés SAS la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts ;



Condamne Monsieur [C] [U] à verser à la société MCS et associés SAS la somme de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens d'appel avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Madame Sylvie NEROT, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.









Le Greffier,Le Président,

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