30 septembre 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-16.488

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2020:SO00810

Titres et sommaires

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Cause - Accident du travail ou maladie professionnelle - Inaptitude physique du salarié - Proposition d'un emploi adapté - Avis des délégués du personnel - Obligations de l'employeur - Portée

Il résulte de l'article L 1226-10 du code du travail que l'employeur est tenu de consulter les délégués du personnel avant d'engager la procédure de licenciement d'un salarié inapte à son emploi en conséquence d'un accident du travail, même s'il n'identifie pas de poste de reclassement

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Cause - Accident du travail ou maladie professionnelle - Inaptitude physique du salarié - Proposition d'un emploi adapté - Avis des délégués du personnel - Obligations de l'employeur - Poste de reclassement - Identification - Défaut - Portée

REPRESENTATION DES SALARIES - Délégué du personnel - Attributions - Accident du travail ou maladie professionnelle - Inaptitude physique du salarié - Proposition d'un emploi adapté - Avis des délégués du personnel - Nécessité - Portée

Texte de la décision

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 30 septembre 2020




Cassation


Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 810 F-P+B

Pourvoi n° Q 19-16.488

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. B....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 14 mars 2019.



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020

M. L... B..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° Q 19-16.488 contre l'arrêt rendu le 6 février 2018 par la cour d'appel de Nîmes (chambre civile, 5e chambre sociale PH), dans le litige l'opposant à la société Médica service, société anonyme, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. B..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Médica service, après débats en l'audience publique du 7 juillet 2020 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Van Ruymbeke, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 6 février 2018), M. B... a été engagé le 23 janvier 2013 par la société Médica service en qualité d'agent d'exploitation polyvalent.

2. Il a été placé en arrêt de travail à la suite d'un accident du travail, et déclaré inapte par le médecin du travail à l'issue des visites de reprise des 9 et 23 juillet 2015.

3. Il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 25 août 2015, et a saisi la juridiction prud'homale.

Examens des moyens

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de l'arrêt de dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et de le débouter de sa demande au titre de la rupture du contrat de travail, alors « qu'il résulte de l'article L. 1226-10 du Code du travail que l'avis des délégués du personnel doit être recueilli par l'employeur avant que la procédure de licenciement d'un salarié déclaré par le médecin du travail inapte à son emploi en conséquence d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle soit engagée ; que l'employeur ne saurait se soustraire à cette obligation dont la violation est sanctionnée par l'indemnité prévue à l'article L. 1226-15 du code du travail par un motif tiré de l'absence de proposition de reclassement ; qu'en retenant que faute de proposition de reclassement, l'exigence d'un avis des délégués du personnel ne résulte pas de l'article L. 1226-10 du code du travail dans ses dispositions applicables en la cause, la cour d'appel a violé cette disposition. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1226-10 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

5. Selon ce texte, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.

6. Pour débouter le salarié de sa demande au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que si les dispositions de l'article L. 1226-10 du code du travail exigent que l'avis des délégués du personnel intervienne avant la proposition de reclassement, une telle exigence ne résulte, en l'absence de proposition de reclassement, ni de ce texte, ni de l'article L. 1226-12 du même code.

7. En statuant ainsi, alors que le salarié ayant été déclaré inapte à l'issue d'une période de suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail, il appartenait à l'employeur de consulter les délégués du personnel sur les possibilités de reclassement avant d'engager la procédure de licenciement, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne la société Médica service aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Médica service à payer à la SCP Lyon-Caen et Thiriez la somme de 3 000 euros, à charge pour cette dernière de renoncer à percevoir l'indemnité prévue par l'Etat ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. B...


PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de Monsieur B... reposait sur une cause réelle et sérieuse et débouté celui-ci de sa demande en paiement de la somme de 23.256 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Aux motifs que selon l'article L. 1226-10 du code du travail, dans sa version applicable, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail. Placé en arrêt de travail ininterrompu à la suite de l'accident du travail dont il a été victime, le 1er octobre 2014, M. B... a été déclaré par le médecin du travail inapte définitif à son poste d'agent d'exploitation polyvalent, à la suite des visites de reprises des 9 et 23 juillet 2015. La fiche relative à la première "visite de reprise accident du travail" est ainsi libellée : "Inapte au poste d'agent polyvalent. Première visite dans le cadre de l'article R. 4624-31 du code du travail. Pourrait occuper un poste sans port de charges lourdes > à l0 kgs, ni déplacement > à 10 kms. Peut faire des travaux administratifs et informatiques ou une formation. A revoir dans deux semaines." La fiche de visite du 23/07/2015 indique : "Seconde visite dans le cadre de la procédure de l'article R. 4324-31 du code du travail. Inaptitude définitive au poste d'agent polyvalent confirmée après étude du poste et des conditions de travail effectuée le 10/03/2015. Peut occuper un poste respectant les préconisations émises lors de la première visite ou faire une formation." Après avoir informé le salarié, par lettre du 11 août 2015, de l'absence de poste disponible sans port de charges lourdes supérieures à dix kilos ni déplacements supérieurs à dix kilomètres, l'employeur l'a convoqué, par lettre du 12 août 2015, à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement, fixé au 21 août 2015, puis lui a notifié son licenciement pour inaptitude définitive et impossibilité de reclassement par lettre du 25 août 2015, rappelant les conclusions précitées du médecin du travail et mentionnant : "[...] Avant de prendre toute décision sur votre dossier nous avons recherché les solutions possibles de reclassement sur un poste de travail répondant aux exigences du médecin du travail. Toutefois aucun poste dans notre entreprise sans port de charges lourdes supérieures à dix kilos ni déplacements supérieurs à dix kilomètres n'est vacant. Nous vous informons de notre décision de vous licencier en raison de votre inaptitude constatée par le médecin du travail suite à votre accident du travail survenu le premier octobre 2014 [...]". Comme indiqué dans cette lettre, l'employeur justifie, par la production de son registre unique du personnel, qu'aucun autre poste n'était disponible dans l'entreprise, qui plus est compatible avec les restrictions émises par le médecin du travail. Cette impossibilité de reclassement n'est d'ailleurs pas sérieusement contestée par le salarié qui ne prétend pas qu'il aurait pu occuper un autre poste disponible, mais soutient que ses tâches n'étaient pas "principalement administratives" et qu'il "pouvait donc tout à fait continuer à les exercer, conformément aux préconisations du médecin du travail", alors même que le médecin du travail ne l'a pas déclaré apte avec réserves, mais définitivement inapte au poste d'agent d'exploitation polyvalent après étude du poste et des conditions de travail ;

Alors que, de première part, dans ses conclusions d'appel, le salarié avait soutenu que l'employeur ne justifiait pas avoir réalisé des recherches de reclassement approfondies comme il l'affirmait dans la mesure où il s'était contenté d'affirmer qu'il n'existait pas de poste à caractère administratif ou informatique en produisant uniquement les avis d'inaptitude et le registre du personnel ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce chef de conclusions, la Cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;

Alors de deuxième part, que dans la fiche relative à la seconde visite, le médecin du travail a déclaré que le salarié peut occuper un poste respectant les préconisations émises lors de la première visite ou faire une formation ; que dans la fiche relative à la première visite, il a déclaré que le salarié pourrait occuper un poste ne nécessitant pas le port de charges lourdes supérieures à 10 kilogrammes et / ou des déplacements sur une distance supérieure à 10 kilomètres ; qu'en déclarant qu'il résultait de ces préconisations que le salarié ne pouvait pas continuer à exercer ses tâches sur son poste sauf celles nécessitant le port de charges lourdes supérieures à 10 kilogrammes et/ou des déplacements sur une distance supérieure à 10 kilomètres, la Cour d'appel a dénaturé les préconisations claires et précises du médecin du travail et a violé le principe de l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

Alors que, de troisième part, seules caractérisent une recherche loyale et sérieuse de reclassement les propositions de postes compatibles avec l'avis du médecin du travail émis lors de la seconde visite d'inaptitude ; que dans ses conclusions, Monsieur B... avait soutenu que l'employeur ne justifiait pas son affirmation selon laquelle le poste d'agent polyvalent qu'il occupait comportait nécessairement le port de charges lourdes et des déplacements de plus de 10 kilomètres d'autant que conformément à son contrat de travail, le port de charges lourdes et les déplacements en externe étaient assurés « occasionnellement » ; qu'en rejetant cette demande au motif que le médecin du travail ne l'avait pas déclaré apte avec réserves, mais définitivement inapte au poste d'agent d'exploitation polyvalent après étude du poste et des conditions de travail, s'abstenant de rechercher si, compte tenu du caractère occasionnel du port de charges lourdes et des déplacements en externe stipulé à son contrat de travail, l'employeur ne pouvait pas procéder au reclassement du salarié par transformation de son poste de travail par suppression de l'exécution des tâches occasionnelles qu'il accomplissait, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-10 du Code du travail dans ses dispositions applicables en la cause, ensemble l'article L. 1222-1 du même Code.


SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de Monsieur B... reposait sur une cause réelle et sérieuse et débouté celui-ci de sa demande en paiement de la somme de 23.256 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Aux motifs que si les dispositions de l'article L. 1226-10 du code du travail exigent que l'avis des délégués du personnel intervienne avant la proposition de reclassement, une telle exigence ne résulte, en l'absence de proposition de reclassement, ni de ce texte, ni de l'article L. 1226-12 du même code. En conséquence, le licenciement reposant sur une cause réelle et sérieuse, le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions et le salarié sera débouté de ses demandes ;

Alors qu'il résulte de l'article L. 1226-10 du Code du travail que l'avis des délégués du personnel doit être recueilli par l'employeur avant que la procédure de licenciement d'un salarié déclaré par le médecin du travail inapte à son emploi en conséquence d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle soit engagée ; que l'employeur ne saurait se soustraire à cette obligation dont la violation est sanctionnée par l'indemnité prévue à l'article L. 1226-15 du code du travail par un motif tiré de l'absence de proposition de reclassement ; qu'en retenant que faute de proposition de reclassement, l'exigence d'un avis des délégués du personnel ne résulte pas de l'article L. 1226-10 du Code du travail dans ses dispositions applicables en la cause, la Cour d'appel a violé cette disposition.

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