30 septembre 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-24.130

Chambre sociale - Formation de section

ECLI:FR:CCASS:2020:SO00843

Texte de la décision

SOC.

IK



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 30 septembre 2020




Cassation


M. CATHALA, président



Arrêt n° 843 FS-D

Pourvoi n° A 18-24.130




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020

La société Monoprix exploitation, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° A 18-24.130 contre l'arrêt rendu le 7 septembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 1), dans le litige l'opposant :

1°/ à l'union syndicale CGT du commerce, de la distribution et des services de Paris, dont le siège est [...] ,

2°/ au syndicat CGT-FO des employés et cadres du commerce de Paris, dont le siège est [...] ,

3°/ au syndicat Sud commerce et services Ile-de-France, dont le siège est [...] ,

4°/ au Syndicat des employés du commerce et des interprofessionnels (SECI), dont le siège est [...] ,

5°/ au Syndicat commerce indépendant démocratique (SCID), dont le siège est [...] ,

6°/ au syndicat SNEC CFE-CGC, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. David, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Monoprix exploitation, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de l'union syndicale CGT du commerce, de la distribution et des services de Paris, du syndicat CGT-FO des employés et cadres du commerce de Paris, du syndicat Sud commerce et services Ile-de-France, du Syndicat des employés du commerce et des interprofessionnels et du Syndicat commerce indépendant démocratique, et l'avis de Mme Rémery, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 juillet 2020 où étaient présents M. Cathala, président, M. David, conseiller référendaire rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mmes Cavrois, Monge, MM. Sornay, Rouchayrole, Mme Mariette, conseillers, Mmes Ala, Prieur, Thomas-Davost, conseillers référendaires, Mme Rémery, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 septembre 2018), rendu en référé, un accord du 9 décembre 2016 a organisé le recours au travail de nuit au sein des sociétés composant l'UES Monoprix afin, d'une part, de permettre l'ouverture au public de certains magasins jusqu'à 22 heures, d'autre part, en faisant travailler certains salariés à partir de 5 heures, d'assurer l'ouverture au public dans des conditions optimales compte tenu des contraintes logistiques, de circulation ou opérationnelles auxquelles sont confrontées certains magasins. Le recours au travail de nuit est encadré au sein de l'établissement Monoprix Richelieu Drouot par un accord du 22 novembre 2013 et au sein de l'établissement Monoprix Pelleport par un accord du 20 décembre 2013.

2. L'union syndicale CGT du commerce, de la distribution et des services de Paris, le syndicat CGT-FO des employés et cadres du commerce de Paris, le syndicat Sud commerce et services Ile-de-France, le Syndicat des employés du commerce et des interprofessionnels et le Syndicat commerce indépendant et démocratique ont saisi en référé un tribunal de grande instance pour qu'il soit fait interdiction, sous astreinte, à la société Monoprix exploitation (la société) d'employer des salariés dans l'ensemble de ses établissements entre 21 heures et 6 heures. Le syndicat SNEC CFE-CGC est intervenu volontairement à l'instance.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses trois premières branches

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de lui enjoindre, sous astreinte, de cesser d'employer des salariés dans ses établissements parisiens entre 21 heures et 6 heures, alors :

« 1°/ qu'aux termes de l'article L. 3122-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, le recours au travail de nuit est justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale ; qu'en vertu de l'article L. 3122-5 du code du travail, un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord collectif de branche peut mettre en place, dans une entreprise ou un établissement, le travail de nuit ; que cette convention ou cet accord collectif prévoit : 1° Les justifications du recours au travail de nuit mentionnées à l'article L. 3122-1 ; 2° La définition de la période de travail de nuit, dans les limites mentionnées aux articles L. 3122-2 et L. 3122-3 ; 3° Une contrepartie sous forme de repos compensateur et, le cas échéant, sous forme de compensation salariale ; 4° Des mesures destinées à améliorer les conditions de travail des salariés ; 5° Des mesures destinées à faciliter, pour ces mêmes salariés, l'articulation de leur activité professionnelle nocturne avec leur vie personnelle et avec l'exercice de responsabilités familiales et sociales, concernant notamment les moyens de transport ; 6° Des mesures destinées à assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, notamment par l'accès à la formation ; 7° L'organisation des temps de pause ; qu'il en résulte qu'aucun trouble manifestement illicite n'est caractérisé en présence d'un accord d'entreprise, régulièrement conclu et n'ayant fait l'objet d'aucune opposition ni demande en annulation, prévoyant la possibilité de recourir au travail de nuit en mentionnant les justifications d'un tel travail telles que prévues à l'article L. 3122-1 du code du travail, dès lors qu'il ne prévoit un tel travail que sur la base du strict volontariat et de façon très limitée puisque pour permettre l'ouverture de certains magasins jusqu'à 22 heures d'une part, et de 5 heures à 6 heures d'autre part, que l'accord permet en outre au salarié de revenir sur sa décision de travailler sur ces plages horaires et oblige la direction à répondre positivement à une telle demande dans un délai raisonnable, qu'il prévoit une compensation salariale ou en repos au choix du salarié, ainsi qu'une prise en charge financière pour la garde d'enfants de moins de 10 ans et un prêt de l'employeur pour l'acquisition d'un véhicule ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 809 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 3122-1 et L. 3122-15 du code du travail ;

2°/ qu'aux termes de l'article L. 3122-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, le recours au travail de nuit est justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale ; que le recours au travail de nuit décidé par voie de conventions ou d'accords collectifs est présumé justifié par l'un des motifs visés à l'article L. 3122-1 de sorte qu'il appartient à celui qui le conteste de démontrer qu'il est étranger à toute nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale ; qu'en l'espèce, le préambule de l'accord d'entreprise du 9 décembre 2016 conclu au sein de l'UES Monoprix prévoit notamment que l'ouverture de certains magasins jusqu'à 22 heures au plus tard vise à "répondre à une demande grandissante de la clientèle urbaine, par ce service d'utilité sociale, et d'assurer ainsi la continuité de l'activité économique" dès lors que "dans les grandes villes (...), de nombreux consommateurs quittent leur travail tard et ont besoin de faire leurs achats notamment alimentaires sur ces horaires tardifs", que "ces horaires d'ouverture envisagés permettent à Monoprix de faire face à ses multiples concurrents en centre-ville fermant leurs portes très largement après 21 h", que "le commerce électronique a également considérablement modifié les attentes des clients et constitue un facteur de concurrence supplémentaire pour notre enseigne" et qu'ainsi "l'accroissement de la concurrence oblige Monoprix à s'adapter afin d'assurer la continuité de son activité économique et développer son chiffre d'affaires et en conséquence de préserver et développer l'emploi" ; que l'accord d'établissement du 20 décembre 2013 concernant l'établissement Monoprix Pelleport et celui du 22 novembre 2013 concernant l'établissement Monoprix Richelieu-Drouot prévoient en substance les mêmes justifications ; qu'en affirmant que l'accord collectif organisant les modalités du recours au travail de nuit était soumis aux justifications du recours mentionnées à l'article L. 3122-1, et qu'il appartenait à l'employeur de rapporter la justification du travail en soirée quand c'est à celui qui conteste un tel accord d'établir l'absence de toute justification du recours au travail de nuit au regard de ce texte, la cour d'appel a violé le huitième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'accord d'entreprise du 9 décembre 2016 et les accords d'établissement des 20 décembre 2013 et 22 novembre 2013, l'article L. 3122-1 du code du travail et l'article L. 3122-15 du même code dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 ;

3°/ qu'est justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale le travail de nuit des salariés résultant de l'ouverture jusqu'à 22 heures de magasins situés en centre-ville, afin de répondre aux besoins notamment alimentaires des clients qui quittent tardivement leur travail, et de faire face à l'accroissement de la concurrence des magasins fermant leurs portes largement après 21 heures et du commerce électronique ; qu'en affirmant que l'ouverture des magasins jusqu'à 22 heures ne répondait pas aux exigences de l'article L. 3122-1 du code du travail dès lors que la continuité de l'activité économique de l'entreprise n'était pas mise en cause par l'organisation du travail dans le respect des dispositions de l'article L. 3122-2 du code du travail permettant d'effectuer le travail de jour jusqu'à 21 heures et que le besoin de la clientèle ne pouvait pas correspondre à la justification d'effectuer un service d'utilité sociale, la cour d'appel a violé l'article L. 3122-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article L. 3122-1 du code du travail, interprété à la lumière de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, le recours au travail de nuit est exceptionnel. Il prend en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et est justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale. Il en résulte que le travail de nuit ne peut pas être le mode d'organisation normal du travail au sein d'une entreprise et ne doit être mis en oeuvre que lorsqu'il est indispensable à son fonctionnement.

5. Le fait pour un employeur de recourir au travail de nuit en violation de ce texte constitue un trouble manifestement illicite.

6. La cour d'appel a relevé que l'ouverture au public jusqu'à 22 heures des magasins exploités par la société n'était pas indispensable à l'activité économique de celle-ci. Elle a exactement retenu que l'ouverture de nuit d'un établissement de vente au détail mettant à disposition de sa clientèle des biens et services ne s'analysait pas en un service d'utilité sociale au sens du texte précité. Elle en a déduit à bon droit, sans inverser la charge de la preuve, que le recours au travail de nuit pour ce motif n'était pas justifié et constituait un trouble manifestement illicite.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le moyen pris en ses sixième et septième branches



Enoncé du moyen

8. La société fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 6°/ que si, aux termes de l'article L. 3122-4 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, lorsque le début de la période de nuit a été reportée dans un établissement de vente au détail mettant à disposition des biens et des services situé dans une zone touristique internationale, chacune des heures de travail effectuée durant la période fixée entre 21 heures et le début de la période de travail de nuit est rémunérée au moins le double de la rémunération normalement due et donne lieu à un repos compensateur équivalent en temps, le seul fait que l'accord collectif prévoie une compensation inférieure ne caractérise pas un trouble manifestement illicite faisant obstacle à la mise en oeuvre du travail après 21 heures mais autorise seulement le cas échéant les salariés à solliciter le bénéfice des avantages prévus par la loi ; qu'en jugeant le contraire pour enjoindre à la société Monoprix exploitation de cesser d'employer des salariés dans tous ses établissements parisiens entre 21 heures et 6 heures sous astreinte, quand au surplus seuls cinq des établissements parisiens étaient situés en zone touristique internationale, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble l'article 809 du code de procédure civile ;

7°/ que l'insuffisance, dans l'accord collectif organisant le recours au travail après 21 heures dans des établissements de vente au détail mettant à disposition des biens et des services situés dans une zone touristique internationale, des mesures de mise à disposition d'un moyen de transport pris en charge par l'employeur et des mesures de compensation des charges liées à la garde d'enfants ne caractérise pas un trouble manifestement illicite faisant obstacle à la mise en oeuvre du travail après 21 heures ; qu'en jugeant le contraire pour enjoindre à la société Monoprix exploitation de cesser d'employer des salariés dans tous ses établissements parisiens entre 21 heures et 6 heures sous astreinte, quand au surplus seuls cinq des établissements parisiens étaient situés en zone touristique internationale, la cour d'appel a violé l'article L. 3122-19 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, ensemble l'article 809 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

9. La cour d'appel a retenu, s'agissant des magasins exploités par la société et situés dans des zones touristiques internationales, que les accords collectifs applicables prévoyaient que les heures effectuées après 21 heures donnaient lieu soit à une majoration de rémunération inférieure à celle prévue à l'article L. 3122-4 du code du travail, soit à l'octroi d'un repos de récupération.

10. Elle en a exactement déduit qu'à défaut d'accord collectif conforme aux dispositions de ce texte et de l'article L. 3122-19 du code du travail, l'accomplissement d'heures de travail entre 21 heures et minuit était lié au respect des conditions de l'article L. 3122-1 du code du travail. En l'absence de justification du recours au travail de nuit, elle a retenu à bon droit l'existence d'un trouble manifestement illicite.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en ses cinquième et huitième branches

Enoncé du moyen

12. La société fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 5°/ que la seule insuffisance, dans l'accord collectif organisant le recours au travail de nuit, des mesures destinées à faciliter l'articulation entre l'activité professionnelle nocturne et les responsabilités familiales et des mesures destinées à faciliter les moyens de transport pour les salariés devant travailler de 5 à 6 heures n'est pas constitutive d'un trouble manifestement illicite ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que l'accord collectif du 9 décembre 2016 ne prévoyait pas, pour les salariés devant travailler avant 6 heures, de mesures suffisantes destinées à faciliter l'articulation entre l'activité professionnelle nocturne et les responsabilités familiales ni de mesures suffisantes destinées à faciliter les moyens de transport, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et privé sa décision de base légale au regard de l'article 809 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 3122-15 du code du travail ;

8°/ que la cassation de l'arrêt en ce qu'il a enjoint à la société Monoprix exploitation de cesser d'employer des salariés dans ses établissements parisiens entre 21 h et 6 h sous astreinte de 30 000 euros par infraction constatée sur ces périodes de travail entraînera, par voie de conséquence, la censure de l'arrêt en ce qu'il a condamné la société Monoprix exploitation à payer au syndicat Sud commerce et services Ile-de-France, à l'Union syndicale CGT du commerce, de la distribution et des services de Paris, au syndicat des employés du commerce et des interprofessionnels (SECI), au syndicat commerce indépendant et démocratique (SCID) et au syndicat CGT-FO des employés et cadres du commerce de Paris chacun une indemnité provisionnelle de 3 000 euros à valoir sur la réparation du préjudice subi du fait du recours illicite au travail de nuit, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »




Réponse de la Cour

Vu l'article 809, alinéa 1, du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, et l'article L. 3122-15 5° du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

13. Aux termes du premier de ces textes, le président du tribunal peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

14. Selon le second de ces textes, la convention ou l'accord collectif qui met en place le travail de nuit prévoit des mesures destinées à faciliter, pour les salariés concernés, l'articulation de leur activité professionnelle nocturne avec leur vie personnelle et avec l'exercice de responsabilités familiales et sociales, concernant notamment les moyens de transport.

15. Pour enjoindre à la société de cesser d'employer des salariés dans ses établissements parisiens entre 21 heures et 6 heures, l'arrêt, après avoir énoncé que les contraintes logistiques résultant de la réglementation restreignant la circulation des véhicules de livraison dans Paris apparaissaient de nature à justifier l'emploi de salariés à partir de 5 heures pour assurer la continuité de l'activité économique de l'entreprise, retient que les titres 3 et 4 de l'accord du 9 décembre 2016 organisent les mesures sociales et salariales en faveur des salariés qui travaillent la nuit, qu'en particulier, le repos compensateur est prévu par l'article 2.2.1. pour les travailleurs de nuit au sens de l'article L. 3122-5 du code du travail, que pour les autres salariés ne répondant pas à la définition de travailleur de nuit, l'article 1er de l'accord organise un système de majoration salariale au choix avec le repos de récupération. L'arrêt retient en outre que l'accord organise un droit de rétractation pour les salariés travaillant de nuit, qui contraint la direction du magasin à faire une nouvelle offre de travail de jour, dans un délai raisonnable au regard des contraintes d'organisation du magasin qui est conforme à l'article L. 3122-13 du code du travail.

16. L'arrêt ajoute qu'en revanche contrairement aux exigences de l'article L. 3122-15 du code du travail, l'accord ne prévoit pas de mesures suffisantes destinées à faciliter l'articulation entre l'activité professionnelle nocturne et les responsabilités familiales puisque notamment les mesures pour la garde d'enfants ne sont prévues que pour les enfants de moins de dix ans, et dans le cadre du travail effectué après 21 heures, alors que de telles mesures sont également nécessaires en cas de travail commencé à 5 heures, que de même, concernant les mesures destinées à faciliter les moyens de transport, l'accord prévoit uniquement un système de prêt destiné à favoriser l'acquisition d'un véhicule personnel, sous conditions financières et d'ancienneté restrictives, mesure manifestement non conforme à l'article L. 3122-15 du code du travail.

17. L'arrêt en déduit que les garanties et modalités qui sont organisées par le champ de la convention collective, dans les conditions exigées par l'article L. 3122-15 du code du travail, ne sont pas respectées par l'accord du 9 décembre 2016, pour les salariés devant travailler avant 6 heures.

18. En statuant ainsi, par des motifs qui n'étaient pas de nature à caractériser l'existence d'un trouble manifestement illicite, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

19. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef du dispositif faisant interdiction à la société de recourir au travail de nuit entraîne la cassation, par voie de dépendance, du chef de dispositif la condamnant à payer aux syndicats une indemnité provisionnelle.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la quatrième branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne l'union syndicale CGT du commerce, de la distribution et des services de Paris, le syndicat CGT-FO des employés et cadres du commerce de Paris, le syndicat Sud commerce et services Ile-de-France, le Syndicat des employés du commerce et des interprofessionnels et le Syndicat commerce indépendant et démocratique aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Cathala, président et M. Schamber, conseiller doyen en ayant délibéré, conformément aux dispositions des articles 452 et 1021 du code de procédure civile en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, en son audience publique du trente septembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Monoprix exploitation

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR enjoint à la société Monoprix exploitation de cesser d'employer des salariés dans ses établissements parisiens entre 21h et 6h sous astreinte de 30 000 € par infraction constatée sur ces périodes de travail, d'AVOIR condamné la société Monoprix exploitation à payer au syndicat Sud commerce et services Ile-de-France, à l'Union syndicale CGT du commerce, de la distribution et des services de Paris, au syndicat des employés du commerce et des interprofessionnels (SECI), au syndicat commerce indépendant et démocratique (SCID) et au syndicat CGT-FO des employés et cadres du commerce de Paris chacun une indemnité provisionnelle de 3 000 € à valoir sur la réparation du préjudice subi du fait du recours illicite au travail de nuit, ainsi qu'une indemnité de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, et d'AVOIR condamné la société Monoprix exploitation aux entiers dépens, AUX MOTIFS QU'en application de l'article 808 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de grande instance peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend ; qu'en application de l'article 809, alinéa l er, le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que les articles L.3122-1 et suivants du code du travail, applicables aux faits de l'espèce, encadrent les conditions du recours au travail de nuit ; que le fait pour un employeur de recourir au travail de nuit en violation des dispositions légales, est constitutif d'un trouble manifestement illicite qui relève de la compétence de la juridiction des référés ; qu'à cette fin, il convient d'examiner les moyens opposant les parties sur les cas dans lesquels la société Monoprix Exploitation a recours au travail de nuit au sein de ses magasins de Paris, dans le cadre de la demande en référé qui a pour objet de faire sanctionner la violation manifeste des dispositions légales ; que cet examen doit conduire à distinguer plusieurs situations, en fonction du lieu d'exploitation du magasin, en zone touristique internationale ou non, et en fonction de l'accord qui organise les conditions de recours au travail de nuit, certains établissements disposant d'accords qui leur sont propres, d'autres étant soumis à l'accord d'entreprise du 9 décembre 2016 signé par les sociétés composant l'UES Monoprix ;
Sur le travail de nuit dans les établissements non situés dans les zones touristiques internationales : en application de l'article L. 3122-2 du code du travail, tout travail effectué au cours d'une période d'au moins neuf heures consécutives comprenant l'intervalle entre minuit et 5 heures est considéré comme du travail de nuit; la période de nuit commence au plus tôt à 21 heures et s'achève au plus tard à 7h ; que l'article L. 3122-1 du code du travail, dont les dispositions sont d'ordre public, pose un principe tenant au caractère exceptionnel du travail de nuit ; que le texte énonce que le recours au travail de nuit doit prendre en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et doit être justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale ; que l'article L. 3122-15 du code du travail, qui organise le champ de la négociation collective, dispose notamment que l'accord collectif est soumis aux justifications du recours mentionnées à l'article L. 3122-1 ; qu'en l'espèce les établissements non situés dans les zones touristiques internationales sont soumis à l'accord du 9 décembre 2016, à l'exception du magasin Monoprix Pelleport qui dispose d'un accord qui lui est propre ; que l'accord du 9 décembre 2016 prévoit le recours au travail de nuit à deux titres :
- les magasins qui sont amenés à faire travailler certains collaborateurs/trices dès 5h, pour des raisons liées à des impératifs logistiques ou à des contraintes matérielles ;
- les magasins dont l'ouverture à la clientèle jusqu'à 22h au plus tard répond à un réel besoin de la clientèle ;
Qu'au soutien de leur appel, les syndicats font valoir que le travail de nuit est strictement encadré et doit rester exceptionnel ; qu'il doit être justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale comme l'exige l'article L.3122-1 du code du travail ; que le mode normal d'organisation du travail pour les commerces de détail à prédominance alimentaire est le travail diurne ; que contrairement à ce qui a été décidé par le premier juge, le volontariat n'est pas un fait justificatif de la violation de l'ordre public, le travail de nuit ne peut pas être justifié par les nouvelles habitudes de la clientèle dans les grandes Zones urbaines, la concurrence des autres enseignes ou le manque à gagner de l'enseigne ; que la société Monoprix Exploitation expose en réplique que les textes comme la jurisprudence autorisent le recours au travail de nuit sous réserve de la conclusion d'un accord collectif ; que l'article L.3122-15 du code du travail définit les modalités et contreparties du travail de nuit, la direction générale du travail ayant admis la possibilité de ce travail dans les commerces alimentaires ; que la société assure un service d'utilité sociale en répondant à la demande de la clientèle urbaine et assure la continuité de l'activité économique ; que de nombreuses conventions collectives justifient depuis longtemps le recours au travail de nuit sans avoir été critiquées, dont notamment celle pour le commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire; que la chambre sociale a posé un principe de présomption de légalité des accords collectifs régulièrement signés, présomption que les appelants ne parviennent pas à combattre ; que l'accord du 9 décembre 2016 n'a pas fait l'objet d'opposition ; que le syndicat SNEC CFE-CGC fait également valoir que le recours au travail de nuit est admis dès lors qu'il est organisé par un accord collectif, que l'accord du 9 décembre 2016 a été régulièrement négocié et signé, et qu'il s'appuie sur le volontariat des salariés ; qu'il convient toutefois de considérer au vu des dispositions du code du travail précédemment énoncées, que l'accord collectif qui organise les modalités du recours au travail de nuit, est soumis aux justifications du recours mentionnées à l'article L. 3122-1 à savoir la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale ; que ces justifications doivent faire l'objet d'une appréciation distincte selon les deux cas de recours au travail de nuit organisés par l'accord du 9 décembre 2016, à savoir le travail dès 5h qui selon l'accord est motivé par des raisons liées à des impératifs logistiques ou à des contraintes matérielles et d'autre part les magasins dont l'ouverture à la clientèle jusqu'à 22h répond, selon l'accord, à un besoin de la clientèle ; que s'agissant de l'ouverture des magasins jusqu'à 22h, le préambule de l'accord énonce que cette ouverture permet de répondre à "une demande grandissante de la clientèle urbaine, par ce service d'utilité sociale, et d'assurer ainsi la continuité de l'activité économique. " ; que néanmoins il y a lieu de relever que la continuité de l'activité économique de l'entreprise n'est pas manifestement mise en cause par l'organisation du travail dans le respect des dispositions de l'article L. 3122-2 du code du travail, qui permet d'effectuer le travail de jour jusqu'à 21 h ; qu'en outre le besoin de la clientèle, énoncé au sens général, ne peut pas correspondre à la justification d'effectuer un service d'utilité sociale qui est l'objectif poursuivi dans les secteurs d'activité spécifiques tels la santé ou la sécurité des personnes ; qu'il apparaît donc manifeste que l'ouverture des magasins jusqu'à 22h ne répond pas aux exigences posées par l'article L. 3122-1 du code du travail ; que s'agissant du travail à partir de 5 h, le préambule de l'accord du 9 décembre 2016 énonce qu'il s'agit "d'assurer l'ouverture du magasin au public dans des conditions optimales compte tenu des contraintes logistiques, de circulation opérationnelles auxquelles font face certains magasins. " ; que cette justification rejoint celle posée par la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire, modifiée par deux avenants du 26 novembre 2003 et du 28 janvier 2011, qui dispose dans son article 5.12 que le recours au travail de nuit peut être justifié par :
-la nécessité d'assurer le respect de la sécurité alimentaire et d'approvisionner les points de vente afin qu'ils soient prêts avant l'ouverture au public ;
- la nécessité de préparer les marchandises notamment alimentaires et le magasin en général avant l'ouverture au public, assurer l'ouverture au public dans des conditions optimales ;
Qu'en outre la circulation des véhicules de livraison fait l'objet de réglementations restrictives au sein de la ville de Paris, en application de l'arrêté municipal du 13 décembre 2006 et de l'arrêté du Préfet de police de Paris du 22 décembre 2006, qui limitent l'organisation de la distribution des marchandises et de la manutention sur la période de travail de jour ; que par suite ces contraintes logistiques apparaissent conformes à la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique de l'entreprise ; que par ailleurs, les syndicats appelants considèrent que les contreparties organisées par l'accord ne sont pas conformes aux exigences légales ; que néanmoins les titres 3 et 4 de l'accord organisent les mesures sociales et salariales en faveur des salariés qui travaillent la nuit ; qu'en particulier, le repos compensateur est prévu pour les travailleurs de nuit (article 2-2-1) conformément aux dispositions de l'article L.3122-5 ; que pour les autres salariés ne répondant pas à la définition de travailleur de nuit, l'article 1er de l'accord organise un système de majoration salariale au choix avec le repos de récupération ; que l'accord organise un droit de rétractation pour les salariés travaillant de nuit, qui contraint la direction du magasin à faire une nouvelle offre de travail de jour, "dans un délai raisonnable au regard des contraintes d'organisation du magasin" qui est conforme à l'article L3122-13 ; qu'en revanche contrairement aux exigences de l'article L3122-15 du code du travail, l'accord ne prévoit pas de mesures suffisantes destinées à faciliter l'articulation entre l'activité professionnelle nocturne et les responsabilités familiales puisque notamment les mesures pour la garde d'enfants ne sont prévues que pour les enfants de moins de 10 ans, et dans le cadre du travail effectué après 21h, alors que de telles mesures sont également nécessaires en cas de travail commencé à 5 h ; que de même, concernant les mesures destinées à faciliter les moyens de transport, l'accord prévoit uniquement un système de prêt destiné à favoriser l'acquisition d'un véhicule personnel, sous conditions financières et d'ancienneté restrictives, mesure manifestement non conforme à l'article L.3122-15 ; que les garanties et modalités qui sont organisées par le champ de la convention collective, dans les conditions exigées par l'article L3122-15 du code du travail, ne sont donc pas respectées par l'accord du 9 décembre 2016, pour les salariés devant travailler avant 6h ; qu'au vu de ces éléments, l'ordonnance du 6 juillet 2017 mérite la réformation pour les salariés qui dépendent d'établissements non situés dans les zones touristiques internationales ;
Sur le travail de nuit au sein de l'établissement Monoprix Pelleport soumis à l'accord du décembre 2013 : l'accord du 20 décembre 2013 prévoit le recours au travail de nuit dans les mêmes cas que l'accord du 9 décembre 2016, seules les modalités d'organisation étant différentes ; qu'il vise les deux cadres de recours au travail de nuit, à savoir :
- l'ouverture à la clientèle entre 21h et 22h pour répondre aux besoins de la clientèle et préserver son positionnement commercial et concurrentiel ;
-le travail avant 6h, pour tenir compte des contraintes logistiques liées à la réception des livraisons notamment des produits frais, et d'assurer la préparation des marchandises ;
Qu'au regard des justifications du recours au travail de nuit visées par l'article L 3122-1, la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale, le travail après 21 h n'est pas conforme au principe d'ordre public posé par le texte ; que s'agissant du travail avant 6 h, l'accord du 20 décembre 2013 ne prévoit aucune mesure en vue de faciliter l'articulation entre l'activité professionnelle nocturne et les responsabilités familiales ; que l'article 4-2 prévoit seulement que l'établissement mettra en place des outils facilitant les échanges d'horaires de travail ponctuels entre collaborateurs volontaires, dans le délai de 18 mois ; que cette disposition n'étant pas conforme à l'article L 3122-15 du code du travail, l'accord du 20 décembre 2013 est manifestement contraire aux dispositions légales et la réformation de l'ordonnance du 6 juillet 2017 est également justifiée à ce titre ;
Sur le travail de nuit dans les établissements situés dans les zones touristiques internationales : cinq des magasins parisiens sont exploités dans une zone touristique internationale à savoir les établissements situés [...], [...], [...], [...], [...], avec cette précision que l'établissement Richelieu Drouot [...] est soumis à un accord distinct signé le 22 novembre 2013 ; que l'article L. 3122-4 du code du travail organise une dérogation à l'article L. 3122-2, pour les établissements de vente au détail qui mettent à disposition des biens et des services et qui sont situés dans les zones mentionnées à l'article L. 3132-24, à savoir les zones touristiques internationales ; que dans ces zones, la période de travail de nuit, si elle débute après 22 heures, est d'au moins sept heures consécutives comprenant l'intervalle entre minuit et 7 heures ; qu'en outre l'alinéa 2 de l'article L. 3122-4 énonce que dans ces établissements, seuls les salariés volontaires ayant donné leur accord par écrit à leur employeur peuvent travailler entre 21 heures et minuit ; que chacune des heures de travail effectuée durant la période fixée entre 21 heures et le début de la période de travail de nuit est rémunérée au moins le double de la rémunération normalement due et donne lieu à un repos compensateur équivalent en temps ; que les articles L. 3122-10 à L. 3122-14 sont applicables aux salariés qui travaillent entre 21 heures et minuit, dès lors qu'ils accomplissent durant cette période le nombre minimal d'heures de travail prévu à l'article L. 3122-5 ; que lorsque, au cours d'une même période de référence mentionnée au 2° de l'article L. 3122-5, le salarié a accompli des heures de travail entre 21 heures et le début de la période de nuit en application des deux premiers alinéas du présent article et des heures de travail de nuit en application du même article L. 3122-5, les heures sont cumulées pour l'application de l'avantdernier alinéa du présent article et dudit article L. 3122-5 ; qu'en l'espèce l'accord du 9 décembre 2016 n'est pas spécifique aux établissements situés dans les zones touristiques internationales mais le régime dérogatoire prévu par l'article L. 3122-4 permet d'examiner les conditions du recours au travail en soirée au regard de ces dispositions plus souples ; qu'à cet égard, pour le travail organisé par l'accord avant 6h, la situation de l'établissement en ZTI n'a pas d'impact quant aux garanties et modalités de mise en oeuvre du travail qui, pour les mêmes motifs que ceux précédemment énoncés concernant l'absence de mesures suffisantes pour la garde d'enfants et les moyens de transport, apparaissent manifestement contraires aux exigences légales ; que pour le travail effectué en soirée, de 21h à 24h, l'article L. 3122-4 du code du travail écarte les justifications de principe posées par l'article L. 3122-2 pour leur substituer le critère de mise à disposition des biens et des services dans les établissements de vente au détail situés dans les ZTI ; que par suite, l'ouverture des magasins jusqu'à 22h, justifié selon les termes de l'accord dans le but de répondre à la demande de la clientèle urbaine, apparaît conforme aux conditions du travail en soirée dans les ZTI ; que les modalités et garanties du recours au travail de nuit doivent faire l'objet d'un contrôle de conformité manifeste aux textes et en particulier à l'article L. 3122-19 qui fixe les dispositions minimales qui doivent être organisées par l'accord collectif ; qu'au soutien de leur contestation, les syndicats font valoir que l'accord du 9 décembre 2016 est manifestement insuffisant au regard des exigences légales minimales pour permettre le recours au travail en soirée; que l'accord prévoit des compensations salariales inférieures au montant fixé par l'article L.3122-4 alinéa 3 qui prévoit le doublement de la rémunération et un repos compensateur équivalent en temps alors que l'accord conclu ne prévoit qu'une majoration de 25% entre 21h et 21h15 et entre 5h et 6h, de 50% entre 21h15 et 22h30 et de 70% entre 22h30 et 5h du matin ; que le salarié ne peut obtenir de compensation en temps qu'à la condition de renoncer à la majoration salariale ; que l'accord ne prévoit aucun moyen de transport pris en charge par l'employeur et lui permettant de regagner son domicile ; que le système de prêt pour l'achat d'un véhicule n'est pas conforme ; que l'accord ne prévoit aucune mesure de compensation sur la prise en charge des personnes dépendantes et les dépenses liées à la garde des enfants ont été limitées aux seuls enfants dont l'âge est inférieur à dix ans ; que la réversibilité du volontariat doit être effectivement garantie alors qu'elle n'est prévue que pour les salariés qui travailleraient entre 21h00 et 22h30 ou qui débutent leur travail entre 5h et 6h alors que l'accord doit couvrir les salariés qui travaillent jusqu'à minuit; que l'accord n'a pas d'effet contraignant pour l'employeur qui peut s'opposer à la demande du salarié en invoquant des contraintes d'organisation pour retarder le retour à des horaires de jour, sans jamais en fixer aucun terme ; que si le travail en soirée est autorisé sous conditions dans les zones touristiques internationales, le travail entre minuit et 6h du matin ne l'est pas du tout ; qu'en réplique, la société Monoprix Exploitation soutient qu'aucun trouble manifestement illégal n'est démontré par les appelants, l'accord collectif ayant été signé au terme d'une négociation régulière au cours de laquelle le médecin du travail a été convié ; que les compensations salariales sont conformes et cumulées avec le repos compensateur ; qu'un prêt pour l'achat d'un véhicule est prévu, que les organisations syndicales représentatives ont estimé suffisant comme la prise en charge des frais de garde pour les enfants de moins de dix ans, conformément à la loi qui n'a pas prévu d'âge limite pour cette mesure ; que la réversibilité de l'accord des salariés n'est prévue que pour le travail jusqu'à 22h30 qui est l'heure la plus tardive des horaires des magasins situés en ZTI ; que l'accord comporte un engagement de la société de répondre positivement à la demande du salarié qui souhaite reprendre un travail de jour ; que le syndicat SNEC CFE-CGC maintient les mêmes observations formulées au titre du travail de nuit hors ZTI, considérant que le travail de nuit est licite dès lors qu'il est organisé par un accord collectif régulièrement négocié et signé, qui respecte le volontariat des salariés ; que le respect du volontariat et la signature d'un accord collectif ne font pas obstacle à la compétence de la juridiction de référé qui peut être saisie de contestations portant sur la contrariété manifeste de l'accord aux dispositions légales-dont la réalité doit être prouvée par celui qui agit en justice ; qu'ainsi, le titre 2 de l'accord pose un principe de volontariat des salariés travaillant en soirée, qui se concrétise par une fiche écrite, et peut donner lieu à un droit de rétractation exprimé sans limitation de temps, auquel la direction doit répondre dans un délai raisonnable, au regard des contraintes d'organisation du magasin ; qu'au vu des exigences de l'article L. 3122-4 du code du travail, ces dispositions conventionnelles ne sont pas manifestement contraires aux dispositions légales, ce qui ne permet pas de s'opposer au travail des salariés jusqu'à 22h30 ; qu'en revanche, l'article L. 3122-4 du code du travail dont les dispositions sont d'ordre public, prévoit le doublement de la rémunération normalement due durant la période fixée entre 21h et le début de la période de travail de nuit, et cette majoration salariale s'ajoute au repos compensateur ; que l'accord du 9 décembre 2016, dans son article 1er du titre 2, prévoit une majoration progressive de 25% à 70% du salaire de 21 h à 5h, et par ailleurs dispose que les salariés à temps complet doivent faire le choix entre la majoration salariale et le repos compensateur, de telles dispositions étant manifestement contraires à l'article L. 3122-4 du code du travail ; que par ailleurs, en application de l'article L. 3122-19, l'accord collectif doit prévoir la mise à disposition d'un moyen de transport au bénéfice des salariés, ce qui n'est pas le cas du dispositif de prêt financier prévu par l'accord, et des mesures de compensation concernant notamment les charges liées à la garde d'enfants ou des personnes dépendantes, dispositions bien plus larges que la seule compensation financière de 500 euros par an prévue par l'accord pour la garde des enfants de moins de 10 ans ; qu'au vu de ces constatations, il y a lieu de considérer que l'accord du 9 décembre 2016 ne prévoit pas des modalités de recours au travail en soirée des salariés travaillant dans les magasins exploités à Paris en ZTI, conformes aux exigences légales ; que le travail de nuit dans ces conditions apparaît manifestement illicite, et il convient également d'accueillir la contestation des syndicats appelants et réformer l'ordonnance du 6 juillet 2017 dans ses dispositions qui concernent les salariés qui travaillent à Paris dans les établissements situés dans les zones touristiques internationales et qui relèvent de l'accord du 9 décembre 2016 ;
Sur le travail de nuit au sein de l'établissement Richelieu Drouot situé en zone ZTI et soumis à l'accord du 22 novembre 2013 : les parties soulèvent les mêmes moyens concernant l'accord du 22 novembre 2013 qui organise le travail de nuit au sein de l'établissement Richelieu Drouot situé en zone ZTI, que ceux développés pour l'accord du 9 décembre 2016 ; que le titre IV de l'accord du 22 novembre 2013 qui organise les mesures salariales et sociales du travail de nuit, prévoit dans son article 1 des majorations progressives du salaire de 25% à 35% de 21h à 5h, et dispose que la majoration salariale peut être remplacée par le repos compensateur, de telles dispositions étant manifestement contraires à l'article L. 3122-4 du code du travail ; qu'en outre, le dispositif du prêt financier pour l'achat d'un véhicule et l'absence totale de mesures destinées à compenser les charges liées à la garde d'enfants ou des personnes dépendantes, sont manifestement contraires à l'article L. 3122-19 du code du travail ; que par suite, le travail en soirée dans cet établissement est également manifestement contraire aux dispositions légales et l'ordonnance du 6 juillet 2017 sera donc infirmée dans son intégralité ; qu'en définitive, et au vu de l'ensemble de ces constatations, il convient d'accueillir la demande des appelants aux fins d'enjoindre à la société Monoprix Exploitation de cesser d'employer des salariés dans ses établissements parisiens entre 21h et 6h, sous astreinte de 30.000 euros par infraction constatée sur ces périodes de travail ; Sur l'indemnité provisionnelle accordée aux syndicats appelants : les syndicats appelants qui exercent l'action pour la défense de l'intérêt collectif des salariés de la profession qu'ils représentent, sont bien fondés à obtenir chacun la somme de 3.000 euros dès lors que la société Monoprix Exploitation met en oeuvre depuis plusieurs années le travail de nuit dans ses établissements parisiens dans des conditions ou selon des modalités manifestement illicites ;

1. ALORS QU'aux termes de l'article L. 3122-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, le recours au travail de nuit est justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale ; qu'en vertu de l'article L. 3122-5 du code du travail, un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord collectif de branche peut mettre en place, dans une entreprise ou un établissement, le travail de nuit ; que cette convention ou cet accord collectif prévoit : 1° Les justifications du recours au travail de nuit mentionnées à l'article L. 3122-1 ; 2° La définition de la période de travail de nuit, dans les limites mentionnées aux articles L. 3122-2 et L. 3122-3 ; 3° Une contrepartie sous forme de repos compensateur et, le cas échéant, sous forme de compensation salariale ; 4° Des mesures destinées à améliorer les conditions de travail des salariés ; 5° Des mesures destinées à faciliter, pour ces mêmes salariés, l'articulation de leur activité professionnelle nocturne avec leur vie personnelle et avec l'exercice de responsabilités familiales et sociales, concernant notamment les moyens de transport ; 6° Des mesures destinées à assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, notamment par l'accès à la formation ; 7° L'organisation des temps de pause ; qu'il en résulte qu'aucun trouble manifestement illicite n'est caractérisé en présence d'un accord d'entreprise, régulièrement conclu et n'ayant fait l'objet d'aucune opposition ni demande en annulation, prévoyant la possibilité de recourir au travail de nuit en mentionnant les justifications d'un tel travail telles que prévues à l'article L.3122-1 du code du travail, dès lors qu'il ne prévoit un tel travail que sur la base du strict volontariat et de façon très limitée puisque pour permettre l'ouverture de certains magasins jusqu'à 22h d'une part, et de 5h à 6h d'autre part, que l'accord permet en outre au salarié de revenir sur sa décision de travailler sur ces plages horaires et oblige la direction à répondre positivement à une telle demande dans un délai raisonnable, qu'il prévoit une compensation salariale ou en repos au choix du salarié, ainsi qu'une prise en charge financière pour la garde d'enfants de moins de 10 ans et un prêt de l'employeur pour l'acquisition d'un véhicule ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 809 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 3122-1 et L. 3122-15 du code du travail ;

2. ALORS QU'aux termes de l'article L. 3122-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, le recours au travail de nuit est justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale ; que le recours au travail de nuit décidé par voie de conventions ou d'accords collectifs est présumé justifié par l'un des motifs visés à l'article L. 3122-1 de sorte qu'il appartient à celui qui le conteste de démontrer qu'il est étranger à toute nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale ; qu'en l'espèce, le préambule de l'accord d'entreprise du 9 décembre 2016 conclu au sein de l'UES Monoprix prévoit notamment que l'ouverture de certains magasins jusqu'à 22 h au plus tard vise à « répondre à une demande grandissante de la clientèle urbaine, par ce service d'utilité sociale, et d'assurer ainsi la continuité de l'activité économique » dès lors que « dans les grandes villes (...), de nombreux consommateurs quittent leur travail tard et ont besoin de faire leurs achats notamment alimentaires sur ces horaires tardifs », que « ces horaires d'ouverture envisagés permettent à Monoprix de faire face à ses multiples concurrents en centre-ville fermant leurs portes très largement après 21 h », que « le commerce électronique a également considérablement modifié les attentes des clients et constitue un facteur de concurrence supplémentaire pour notre enseigne » et qu'ainsi « l'accroissement de la concurrence oblige Monoprix à s'adapter afin d'assurer la continuité de son activité économique et développer son chiffre d'affaires et en conséquence de préserver et développer l'emploi » ; que l'accord d'établissement du 20 décembre 2013 concernant l'établissement Monoprix Pelleport et celui du 22 novembre 2013 concernant l'établissement Monoprix Richelieu-Drout prévoient en substance les mêmes justifications ; qu'en affirmant que l'accord collectif organisant les modalités du recours au travail de nuit était soumis aux justifications du recours mentionnées à l'article L. 3122-1, et qu'il appartenait à l'employeur de rapporter la justification du travail en soirée quand c'est à celui qui conteste un tel accord d'établir l'absence de toute justification du recours au travail de nuit au regard de ce texte, la cour d'appel a violé le huitième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'accord d'entreprise du 9 décembre 2016 et les accords d'établissement des 20 décembre 2013 et 22 novembre 2013, l'article L. 3122-1 du code du travail et l'article L. 3122-15 du même code dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 ;

3. ALORS en toute hypothèse QU'est justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale le travail de nuit des salariés résultant de l'ouverture jusqu'à 22h de magasins situés en centre-ville, afin de répondre aux besoins notamment alimentaires des clients qui quittent tardivement leur travail, et de faire face à l'accroissement de la concurrence des magasins fermant leurs portes largement après 21h et du commerce électronique ; qu'en affirmant que l'ouverture des magasins jusqu'à 22 h ne répondait pas aux exigences de l'article L. 3122-1 du code du travail dès lors que la continuité de l'activité économique de l'entreprise n'était pas mise en cause par l'organisation du travail dans le respect des dispositions de l'article L. 3122-2 du code du travail permettant d'effectuer le travail de jour jusqu'à 21h et que le besoin de la clientèle ne pouvait pas correspondre à la justification d'effectuer un service d'utilité sociale, la cour d'appel a violé l'article L. 3122-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ;

4. ALORS QUE l'accord collectif du 9 décembre 2016 prévoit la mise en place d'une prise en charge pour la garde d'enfants de moins de 10 ans « sur présentation d'une facture pro-forma justifiant du nombre d'heures réalisées après 21 h correspondant au planning du collaborateur concerné » ; qu'en visant les heures réalisées « après 21 h », l'accord inclut toutes les heures de travail et nuit et notamment celles réalisées de 5 à 6 h ; qu'en jugeant le contraire, pour en déduire que l'accord n'était pas conforme aux exigences de l'article L. 3122-15 du code du travail, la cour d'appel a violé cet accord ;

5. ALORS en toute hypothèse QUE la seule insuffisance, dans l'accord collectif organisant le recours au travail de nuit, des mesures destinées à faciliter l'articulation entre l'activité professionnelle nocturne et les responsabilités familiales et des mesures destinées à faciliter les moyens de transport pour les salariés devant travailler de 5 à 6 h n'est pas constitutive d'un trouble manifestement illicite ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que l'accord collectif du 9 décembre 2016 ne prévoyait pas, pour les salariés devant travailler avant 6 h, de mesures suffisantes destinées à faciliter l'articulation entre l'activité professionnelle nocturne et les responsabilités familiales ni de mesures suffisantes destinées à faciliter les moyens de transport, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et privé sa décision de base légale au regard de l'article 809 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 3122-15 du code du travail ;

6. ALORS QUE si, aux termes de l'article L. 3122-4 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, lorsque le début de la période de nuit a été reportée dans un établissement de vente au détail mettant à disposition des biens et des services situé dans une zone touristique internationale, chacune des heures de travail effectuée durant la période fixée entre 21 heures et le début de la période de travail de nuit est rémunérée au moins le double de la rémunération normalement due et donne lieu à un repos compensateur équivalent en temps, le seul fait que l'accord collectif prévoie une compensation inférieure ne caractérise pas un trouble manifestement illicite faisant obstacle à la mise en oeuvre du travail après 21 h mais autorise seulement le cas échéant les salariés à solliciter le bénéfice des avantages prévus par la loi ; qu'en jugeant le contraire pour enjoindre à la société Monoprix exploitation de cesser d'employer des salariés dans tous ses établissements parisiens entre 21h et 6h sous astreinte, quand au surplus seuls 5 des établissements parisiens étaient situés en zone touristique internationale, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble l'article 809 du code de procédure civile ;

7. ALORS QUE l'insuffisance, dans l'accord collectif organisant le recours au travail après 21h dans des établissements de vente au détail mettant à disposition des biens et des services situés dans une zone touristique internationale, des mesures de mise à disposition d'un moyen de transport pris en charge par l'employeur et des mesures de compensation des charges liées à la garde d'enfants ne caractérise pas un trouble manifestement illicite faisant obstacle à la mise en oeuvre du travail après 21 h ; qu'en jugeant le contraire pour enjoindre à la société Monoprix exploitation de cesser d'employer des salariés dans tous ses établissements parisiens entre 21h et 6h sous astreinte, quand au surplus seuls 5 des établissements parisiens étaient situés en zone touristique internationale, la cour d'appel a violé l'article L. 3122-19 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, ensemble l'article 809 du code de procédure civile ;

8. ALORS QUE la cassation de l'arrêt en ce qu'il a enjoint à la société Monoprix exploitation de cesser d'employer des salariés dans ses établissements parisiens entre 21h et 6h sous astreinte de 30 000 € par infraction constatée sur ces périodes de travail entraînera, par voie de conséquence, la censure de l'arrêt en ce qu'il a condamné la société Monoprix exploitation à payer au syndicat Sud commerce et services Ile-de-France, à l'Union syndicale CGT du commerce, de la distribution et des services de Paris, au syndicat des employés du commerce et des interprofessionnels (SECI), au syndicat commerce indépendant et démocratique (SCID) et au syndicat CGT-FO des employés et cadres du commerce de Paris chacun une indemnité provisionnelle de 3 000 € à valoir sur la réparation du préjudice subi du fait du recours illicite au travail de nuit, en application de l'article 624 du code de procédure civile.

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