13 octobre 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-84.360

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2020:CR02351

Texte de la décision

N° J 20-84.360 F-D

N° 2351




13 OCTOBRE 2020

EB2





RENVOI







M. SOULARD président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 13 OCTOBRE 2020



M. J... V... a présenté, par mémoires spéciaux reçus le 1er septembre 2020, quatre questions prioritaires de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier, en date du 30 juin 2020, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de tentatives de vol en bande organisée, usage de faux et association de malfaiteurs, a ordonné la prolongation de sa détention provisoire.

Sur le rapport de M. Violeau, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. J... V..., et les conclusions de M. Desportes, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 13 octobre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Violeau, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.



1. La première question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« L'article 18 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 méconnaît-il l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui garantit le droit à un recours juridictionnel effectif, lequel implique qu'en matière de privation de liberté, le juge judiciaire soit tenu de statuer dans les plus brefs délais, en ce qu'il augmente d'un mois les délais impartis à la chambre de l'instruction pour statuer sur l'appel formé contre une ordonnance ayant prolongé la détention provisoire de la personne mise en examen ? »

2. La deuxième question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« L'article 16-1 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020, introduit par la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020, méconnaît-il l'article 66 de la Constitution en ce qu'il prévoit que, pour les titres de détention arrivant à échéance entre le 11 mai et le 11 juin 2020, la juridiction compétente dispose d'un délai d'un mois après l'expiration du titre de détention pour ordonner la prolongation de la détention provisoire, le titre de détention se trouvant automatiquement prorogé d'autant sans que la personne placée en détention soit remise en liberté ? »

3. La troisième question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« L'article 16-1 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020, introduit par la loi n°2020-546 du 11 mai 2020, méconnaît-il l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en ce qu'il autorise, pour les titres de détention arrivant à échéance entre le 11 mai et le 11 juin 2020, les juridictions amenées à statuer sur la prolongation de la détention provisoire à se prononcer dans un délai d'un mois à compter de l'échéance du titre de détention ? »

4. La quatrième question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« L'article 5 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 méconnaît-il l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui garantit les droits de la défense, en ce qu'il prive, même passé un délai d'un an, la personne placée en détention provisoire de la possibilité de comparaître physiquement devant le juge appelé à statuer sur cette détention ? »

Sur la première question prioritaire de constitutionnalité

5. L'article 18 précité de l'ordonnance du 25 mars 2020, qui intervient dans une matière, la détention provisoire, relevant du domaine législatif, doit être regardé comme une disposition législative au sens de l'article 61-1 de la Constitution depuis l'expiration du délai de l'habilitation fixé au 24 juin 2020 (décision n° 2020-843 QPC du 28 mai 2020 ; décision n°2020-851/852 QPC du 3 juillet 2020).

6. La disposition législative contestée est applicable à la procédure et n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

7. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.

8. La question posée ne présente pas un caractère sérieux pour la raison qui suit.

9. En prévoyant l'allongement d'un mois des délais impartis à la chambre de l'instruction pour statuer sur tout recours en matière de détention provisoire jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire, l'article 18 susvisé de l'ordonnance du 25 mars 2020 déroge, pour un temps limité, aux dispositions des articles 194 et 197 du code de procédure pénale, dans un souci de bonne administration de la justice, notamment pour assurer un retour au fonctionnement normal des juridictions.

10. Ainsi, les dispositions critiquées opèrent une conciliation équilibrée entre le droit au recours juridictionnel effectif et l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice.

Sur les deuxième et troisième questions prioritaires de constitutionnalité

11. L'article 16-1 précité de l'ordonnance du 25 mars 2020, introduit par la loi n°2020-546 du 11 mai 2020, est applicable à la procédure, dès lors que la détention provisoire de M. V... a été prolongée par ordonnance du juge des libertés et de la détention du 20 mai 2020.

12. La disposition n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

13. Les questions, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, ne sont pas nouvelles.

14. Les questions posées ne présentent pas un caractère sérieux pour les raisons qui suivent.

15. En premier lieu, le texte critiqué ne remet en cause ni la compétence du juge des libertés et de la détention, ni les droits de la défense, ni les dispositions du code de procédure pénale qui garantissent un examen en droit et en fait de la situation des personnes détenues provisoirement.

16. En deuxième lieu, la disposition contestée ne concerne que les seules mesures de détention provisoire dont l'échéance, calculée selon les règles de droit commun du code de procédure pénale, intervient entre la date de son entrée en vigueur et le 11 juin 2020 et prévoit, pendant cette période de transition et pour assurer un retour au fonctionnement normal des juridictions, l'intervention d'un juge dans le plus court délai possible au sens de la décision du Conseil constitutionnel n°2020-851/852 QPC du 3 juillet 2020.

Sur la quatrième question prioritaire de constitutionnalité

17. L'article 5 précité de l'ordonnance du 25 mars 2020, qui intervient dans une matière, la détention provisoire, relevant du domaine législatif, doit être regardé comme une disposition législative au sens de l'article 61-1 de la Constitution depuis l'expiration du délai de l'habilitation fixé au 24 juin 2020 (décision n° 2020-843 QPC du 28 mai 2020-décision n°2020-851/852 QPC du 3 juillet 2020).

18. La disposition législative contestée est applicable à la procédure et n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

19. La question posée présente un caractère sérieux, en ce que la disposition contestée avait pour conséquence de permettre au juge d'imposer à l'intéressé, lorsqu'il devait être entendu en vue de la prolongation de sa détention, le recours à des moyens de télécommunication audiovisuelle, y compris lorsque ce recours n'etait pas justifié par des risques graves de troubles à l'ordre public ou d'évasion.

20. En conséquence, il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité portant sur les articles 16-1 et 18 de l'ordonnance du 25 mars 2020 ;

RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article 5 de ladite ordonnance.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du treize octobre deux mille vingt.

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