21 octobre 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-10.635

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2020:SO00918

Texte de la décision

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 21 octobre 2020




Cassation


Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 918 F-D

Pourvoi n° C 19-10.635




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 OCTOBRE 2020

M. V... E..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° C 19-10.635 contre l'arrêt rendu le 31 août 2018 par la cour d'appel de Rennes (8e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. B... K..., domicilié [...] , pris en qualité de mandataire liquidateur de la société Phone boutique,

2°/ à l'UNEDIC Délégation AGS CGEA de Rennes, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Gilibert, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. E..., après débats en l'audience publique du 8 septembre 2020 où étaient présentes Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Gilibert, conseiller rapporteur, Mme Capitaine, conseiller, Mme Grivel, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 31 août 2018), M. E... a été engagé le 7 février 2010 en qualité de directeur commercial par la société Phone boutique (la société).

2.Par jugement du 21 mai 2014, le tribunal de commerce de Vannes a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société, puis a prononcé sa liquidation judiciaire le 24 juin 2015, M. K... étant désigné en qualité de mandataire liquidateur.

3. M. E... a saisi, le 15 octobre 2015, la juridiction prud'homale pour voir fixer au passif de la liquidation judiciaire diverses sommes à titre d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

4. M. E... fait grief à l'arrêt de dire que le contrat de travail conclu le 7 février 2010 a pris fin par sa démission le 30 septembre 2011 et de le débouter par conséquent de ses demandes, alors :

« 1° /que la démission ne se présume pas et ne peut résulter que d'une manifestation claire et non équivoque de volonté du salarié de rompre le contrat de travail ; que les mentions portées par l'employeur sur le registre unique du personnel ne peuvent valablement réputer démissionnaire un salarié qui n'a pas énoncé une volonté claire et non équivoque de rompre le contrat de travail ; que pour dire que le contrat de travail conclu en février 2010 avait pris fin par la démission du salarié en septembre 2011, l'arrêt retient que le mandataire liquidateur verse aux débats le registre unique des entrées et sorties du personnel dont il résulte que la mention « démission » a été apposée à côté du nom du salarié à la date du 30 septembre 2011, que le registre unique des entrées et sorties du personnel est régi par les articles L. 1221-13 et D. 1221-23 à 1221-27 du code du travail et qu'il en résulte que les mentions qui y sont inscrites sont indélébiles et que les événements y sont mentionnés au fur et à mesure où ils surviennent ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à établir la volonté claire et non équivoque de démissionner, la cour d'appel a violé l'article L. 1237-1 du code du travail ;

2°/ que la démission ne se présume pas et ne peut résulter que d'une manifestation claire et non équivoque de volonté du salarié de rompre le contrat de travail ; que pour dire que le contrat de travail conclu en février 2010 avait pris fin par la démission du salarié en septembre 2011, l'arrêt retient que cette démission est corroborée par l'absence d'établissement d'un bulletin de salaire pour le mois d'octobre 2011 ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à établir la volonté claire et non équivoque de démissionner, la cour d'appel a violé l'article L. 1237-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1237-1 du code du travail :

5. Il résulte de ce texte que la démission ne peut résulter que d'une manifestation claire et non équivoque de volonté du salarié de rompre le contrat de travail.

6. Pour dire que le contrat de travail conclu le 7 février 2010 a pris fin par la démission du salarié le 30 septembre 2011 et débouter ce dernier de ses demandes de résiliation judiciaire de ce contrat, et de ses demandes subséquentes, l'arrêt retient que la démission peut être verbale, que le mandataire liquidateur verse aux débats le registre unique des entrées et sorties du personnel dont il résulte que la mention ''démission'' a été apposée à côté de son nom à la date du 30 septembre 2011, que le registre des entrées et sorties du personnel est régi par les articles L. 1221-13 et D. 1221-23 à 1221-27 du code du travail, que les mentions qui y sont inscrites sont indélébiles et que les événements y sont mentionnés au fur et à mesure où ils surviennent, et que la démission est corroborée par l'absence d'établissement d'un bulletin de salaire pour le mois d'octobre 2011.

7.En statuant ainsi, sans caractériser la volonté claire et non équivoque du salarié de mettre fin aux relations contractuelles, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 août 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ;

Condamne M. K..., en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Phone boutique, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. K..., ès qualités, à payer à M. E... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. E...


Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le contrat de travail conclu le 7 février 2010 avait pris fin par la démission du salarié le 30 septembre 2011 et, par conséquent, d'AVOIR débouté le salarié de ses demandes.

AUX MOTIFS QUE la démission est la manifestation de la volonté claire et non équivoque du salarié de rompre le contrat de travail ; qu'elle ne se présume pas ; qu'il appartient à celui qui l'invoque de l'établir ; que M. E... conteste avoir démissionné en se retranchant derrière l'absence de courrier mais la démission peut être verbale ; que le mandataire liquidateur verse aux débats le registre unique des entrées et sorties du personnel dont il résulte que la mention « démission » a été apposée à côté de son nom à la date du 30 septembre 2011 ; que le registre unique des entrées et sorties du personnel est régi par les articles L. 1221-13 et D. 1221-23 à 1221-27 du code du travail ; qu'il en résulte que les mentions qui y sont inscrites sont indélébiles et que les événements y sont mentionnés au fur et à mesure où ils surviennent ; que la démission est corroborée par l'absence d'établissement d'un bulletin de salaire pour le mois d'octobre 2011 (cf. la pièce 4 de l'appelant) ; que la démission claire et non équivoque emportant rupture définitive du contrat de travail, M. E... n'est pas fondé à reprocher au mandataire liquidateur de ne pas l'avoir licencié pour motif économique avec les autres salariés de l'entrepris.

1° ALORS QUE la démission ne se présume pas et ne peut résulter que d'une manifestation claire et non équivoque de volonté du salarié de rompre le contrat de travail ; que les mentions portées par l'employeur sur le registre unique du personnel ne peuvent valablement réputer démissionnaire un salarié qui n'a pas énoncé une volonté claire et non équivoque de rompre le contrat de travail ; que pour dire que le contrat de travail conclu en février 2010 avait pris fin par la démission du salarié en septembre 2011, l'arrêt retient que le mandataire liquidateur verse aux débats le registre unique des entrées et sorties du personnel dont il résulte que la mention « démission » a été apposée à côté du nom du salarié à la date du 30 septembre 2011, que le registre unique des entrées et sorties du personnel est régi par les articles L. 1221-13 et D. 1221-23 à 1221-27 du code du travail et qu'il en résulte que les mentions qui y sont inscrites sont indélébiles et que les événements y sont mentionnés au fur et à mesure où ils surviennent ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à établir la volonté claire et non équivoque de démissionner, la cour d'appel a violé l'article L. 1237-1 du code du travail.

2° ALORS QUE la démission ne se présume pas et ne peut résulter que d'une manifestation claire et non équivoque de volonté du salarié de rompre le contrat de travail ; que pour dire que le contrat de travail conclu en février 2010 avait pris fin par la démission du salarié en septembre 2011, l'arrêt retient que cette démission est corroborée par l'absence d'établissement d'un bulletin de salaire pour le mois d'octobre 2011 ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à établir la volonté claire et non équivoque de démissionner, la cour d'appel a violé l'article L. 1237-1 du code du travail.

3° ALORS QU'il appartient à l'employeur qui l'invoque de prouver la démission du salarié ; qu'en reprochant au salarié de ne pas produire le bulletin de paie d'octobre 2011, alors que le mandataire liquidateur était dans l'incapacité de produire le moindre document établissant la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil devenu l'article 1353, ensemble l'article L. 1237-1 du code du travail.

4° ALORS QU'en tout cas, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en retenant que la démission était corroborée par l'absence d'établissement d'un bulletin de salaire pour le mois d'octobre 2011, sans inviter les parties à formuler leurs observations sur ce moyen soulevé d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.

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