4 novembre 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 16-28.281

Chambre commerciale financière et économique - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2020:CO00681

Titres et sommaires

PROPRIETE INDUSTRIELLE - Perte du droit sur la marque - Action en déchéance - Déchéance - Effets - Actes de contrefaçon intervenus avant la déchéance - Indemnisation du préjudice subi avant la déchéance

Par l'arrêt CJUE, arrêt du 26 mars 2020, Cooper International Spirits e. a., C-622/18, la CJUE a dit pour droit que l'article 5, § 1, sous b), l'article 10, § 1, alinéa 1, et l'article 12, § 1, alinéa 1, de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, lus conjointement avec le considérant 6 de celle-ci, doivent être interprétés en ce sens qu'ils laissent aux Etats membres la faculté de permettre que le titulaire d'une marque déchu de ses droits à l'expiration du délai de cinq ans à compter de son enregistrement pour ne pas avoir fait de cette marque un usage sérieux dans l'Etat membre concerné pour les produits ou les services pour lesquels elle avait été enregistrée conserve le droit de réclamer l'indemnisation du préjudice subi en raison de l'usage, par un tiers, antérieurement à la date d'effet de la déchéance, d'un signe similaire pour des produits ou des services identiques ou similaires prêtant à confusion avec sa marque, précisant, à cet égard, qu'il convient d'apprécier, au cours de la période de cinq ans suivant l'enregistrement de la marque, l'étendue du droit exclusif conféré au titulaire, en se référant aux éléments résultant de l'enregistrement de la marque et non pas par rapport à l'usage que le titulaire a pu faire de cette marque pendant cette période. Par conséquent, la déchéance d'une marque, prononcée en application de l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, tels qu'interprété à la lumière des articles 5, § 1, sous b), 10 et 12 de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008, ne produisant effet qu'à l'expiration d'une période ininterrompue de cinq ans sans usage sérieux, son titulaire est en droit de se prévaloir de l'atteinte portée à ses droits sur la marque qu'ont pu lui causer les actes de contrefaçon intervenus avant sa déchéance

PROPRIETE INDUSTRIELLE - Marques - Protection - Contrefaçon - Contrefaçon par usage - Cas - Usage par un tiers antérieur à la date d'effet de la déchéance

UNION EUROPEENNE - Marque - Directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 - Déchéance d'une marque - Effets - Portée - Détermination

Texte de la décision

COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 4 novembre 2020




Cassation


Mme MOUILLARD, président



Arrêt n° 681 FS-P+B

Pourvoi n° W 16-28.281









R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 4 NOVEMBRE 2020

M. O... B..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° W 16-28.281 contre l'arrêt rendu le 13 septembre 2016 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 1), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Cooper International Spirits, dont le siège est [...],

2°/ à la société Etablissements Gabriel Boudier, société anonyme, dont le siège est [...] ,

3°/ à la société St Dalfour, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Darbois, conseiller, les observations de la SCP Ortscheidt, avocat de M. B..., de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat des sociétés Cooper International Spirits, Etablissements Gabriel Boudier et St Dalfour, et l'avis de Mme Beaudonnet, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 septembre 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Darbois, conseiller rapporteur, M. Guérin, conseiller doyen, Mmes Poillot-Peruzzetto, Champalaune, Daubigney, Michel-Amsellem, M. Ponsot, Mme Boisselet, M. Mollard, conseillers, Mmes Le Bras, de Cabarrus, Lion, Lefeuvre, Bessaud, M. Boutié, Mmes Tostain, Bellino, conseillers référendaires, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 septembre 2016), M. B... était titulaire de la marque française semi-figurative « Saint Germain » n° 3 395 502, déposée le 5 décembre 2005 pour désigner, en classes 30, 32 et 33, notamment les boissons alcooliques (à l'exception des bières), cidres, digestifs, vins et spiritueux, extraits ou essences alcooliques.

2. Ayant appris que la société Cooper International Spirits distribuait une liqueur de sureau sous la dénomination « St-Germain », fabriquée par la société St Dalfour et un sous-traitant de cette dernière, la société Etablissements Gabriel Boudier, M. B... a, le 8 juin 2012, assigné ces trois
sociétés en contrefaçon de marque.

3. Ayant été déchu de ses droits sur la marque « Saint Germain » pour les produits précités à compter du 13 mai 2011, par un arrêt, devenu irrévocable, rendu dans une autre instance le 11 février 2014, M. B... a maintenu ses demandes pour la période non couverte par la prescription et antérieure à la déchéance, soit entre le 8 juin 2009 et le 13 mai 2011.

4. Par un arrêt du 26 septembre 2018, la Cour de cassation a saisi la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) d'une question préjudicielle portant sur l'interprétation des articles 5, paragraphe 1, sous b), 10 et 12 de la directive n° 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. M. B... fait grief à l'arrêt du rejet de ses demandes, alors « qu'au cours de la période de cinq ans qui suit l'enregistrement d'une marque, le titulaire de la marque peut interdire aux tiers de faire usage, dans la vie des affaires, d'un signe identique ou similaire à sa marque et susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque, sans devoir démontrer un usage sérieux de ladite marque pour ces produits ou ces services ; qu'en retenant que M. B... ne pouvait se prévaloir ni d'une atteinte à la fonction de garantie d'origine de la marque « Saint Germain », ni d'une atteinte portée au monopole d'exploitation conféré par sa marque, ni même d'une atteinte à la fonction d'investissement de la marque, motifs pris qu'il avait échoué à démontrer que sa marque avait été réellement exploitée, cependant qu'il pouvait interdire aux tiers de faire usage, dans la vie des affaires, d'un signe identique ou similaire à sa marque et susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque, sans devoir démontrer un usage sérieux de la marque « Saint Germain » et, partant, sans démontrer qu'elle était effectivement exploitée, la cour d'appel a violé les articles L. 713-3 et L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 713-3, b) et L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, tels qu'interprétés à la lumière des articles 5, paragraphe 1, sous b), 10 et 12 de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques :

6. Le premier de ces textes interdit, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public, l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement.

7. Le second de ces textes sanctionne par la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la déchéance ne pouvant prendre effet avant l'expiration de ce délai.

8. Répondant à la question préjudicielle précitée, la CJUE, par un arrêt du 26 mars 2020 (Cooper International Spirits e. a., C-622/18), a dit pour droit que « l'article 5, paragraphe 1, sous b), l'article 10, paragraphe 1, premier alinéa, et l'article 12, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États membres sur les marques, lus conjointement avec le considérant 6 de celle-ci, doivent être interprétés en ce sens qu'ils laissent aux États membres la faculté de permettre que le titulaire d'une marque déchu de ses droits à l'expiration du délai de cinq ans à compter de son enregistrement pour ne pas avoir fait de cette marque un usage sérieux dans l'État membre concerné pour les produits ou les services pour lesquels elle avait été enregistrée conserve le droit de réclamer l'indemnisation du préjudice subi en raison de l'usage, par un tiers, antérieurement à la date d'effet de la déchéance, d'un signe similaire pour des produits ou des services identiques ou similaires prêtant à confusion avec sa marque. »

9. A cet égard, la CJUE a précisé qu'il convenait d'apprécier, au cours de la période de cinq ans suivant l'enregistrement de la marque, l'étendue du droit exclusif conféré au titulaire, en se référant aux éléments résultant de l'enregistrement de la marque et non pas par rapport à l'usage que le titulaire a pu faire de cette marque pendant cette période (arrêt précité, points 38 et 39).

10. Par conséquent, la déchéance d'une marque, prononcée en application de l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle, ne produisant effet qu'à l'expiration d'une période ininterrompue de cinq ans sans usage sérieux, son titulaire est en droit de se prévaloir de l'atteinte portée à ses droits sur la marque qu'ont pu lui causer les actes de contrefaçon intervenus avant sa déchéance.

11. Pour rejeter les demandes formées par M. B..., l'arrêt retient que celui-ci ne justifie d'aucune exploitation de la marque depuis son dépôt et en déduit que, faute pour la marque d'avoir été mise en contact avec le consommateur, son titulaire ne peut arguer ni d'une atteinte à sa fonction de garantie d'origine, ni d'une atteinte portée au monopole d'exploitation conférée par ladite marque, ni encore d'une atteinte à sa fonction d'investissement.

12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

13. M. B... fait le même grief à l'arrêt, alors « que le juge ne peut dénaturer le contenu des documents qui lui sont soumis ; qu'en retenant que « les pièces produites par M. B... pour justifier que la liqueur de sureau supportant le signe « St-Germain » a été commercialisée sont, à l'exception d'une seule, postérieures au 13 mai 2011 », cependant que M. B... produisait un nombre très important de pièces, en l'occurrence des bons de commande, bons de livraison et de factures datés de mai 2009 à mai 2011, chaque document portant la mention « St-Germain » et étant relatif à la vente de bouteilles d'alcool sous ce nom en France, démontrant ainsi sans équivoque que la société SAEGB avait fabriqué et vendu en France les liqueurs issues de sa fabrication à la société Cooper International Spirits, et à compter de 2009 à la société française St Dalfour et que la société St Dalfour avait fabriqué et vendu en France les produits « St-Germain » à la société Cooper International Spirits en France, la cour d'appel a dénaturé le contenu clair et précis des pièces produites par M. B... en méconnaissance de l'obligation, pour le juge, de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis. »

Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

14. Pour rejeter les demandes formées par M. B..., l'arrêt retient encore que les pièces produites par celui-ci pour justifier que la liqueur de sureau supportant le signe « St-Germain » avait été commercialisée par les sociétés poursuivies durant la période considérée sont, à l'exception d'une seule, postérieures au 13 mai 2011, date d'effet de la déchéance de ses droits sur la marque « Saint Germain », et en déduit que la réalité de l'atteinte alléguée n'est pas démontrée.

15. En statuant ainsi, alors que M. B... produisait plusieurs pièces comptables, datées de mai 2009 à mai 2011, portant la mention « St-Germain » et relatives à la vente de bouteilles d'alcool sous cette dénomination, la cour d'appel, qui a dénaturé ces documents, a violé le principe susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

16. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée sur le bien-fondé de l'action entraîne, par voie de conséquence, celle du chef de dispositif de l'arrêt relatif à la procédure abusive, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 septembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne les sociétés Cooper International Spirits, St Dalfour et Etablissements Gabriel Boudier aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Cooper International Spirits, St Dalfour et Etablissements Gabriel Boudier et les condamne à payer à M. B... la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour M. B....

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de M. B... tendant à voir constater qu'en faisant usage du signe ST-GERMAIN entre le 8 juin 2009 et le 13 mai 2011 pour désigner une liqueur de sureau, et notamment en fabriquant et offrant à la vente cette liqueur en France, ainsi qu'en l'exportant ou l'important, les sociétés Cooper International Spirits, SAEGB et ST Dalfour avaient commis des actes de contrefaçon de la marque française SAINT GERMAIN n° 05 3 395 502 constituant une atteinte aux droits de M. B... sur cette marque et, en conséquence, tendant à les voir solidairement condamnés à payer à M. B... la somme de 908.915 euros en application de l'alinéa second de l'article L. 716-14 de Code de la propriété intellectuelle, somme calculée en retenant le chiffre d'affaires réalisé par Cooper Spirits et en appliquant un taux de redevance indemnitaire de 5% ;

AUX MOTIFS QUE sur la contrefaçon de la marque SAINT GERMAIN n° 3 395 502, M. B... soutient qu'il y a eu contrefaçon de sa marque par reproduction ou à tout le moins par imitation ; qu'il argue que c'est à tort que le tribunal a considéré qu'aucune atteinte n'a pu être porté à sa marque au motif que la preuve d'une exploitation effective de ladite marque n'était pas rapportée au cours de la période comprise entre le 8 juin 2009 (point de départ du délai de prescription de l'action en contrefaçon, l'assignation étant du 8 juin 2012) et le 13 mai 2011 (date d'effet de la déchéance) ; qu'il fait valoir qu'il a au moins été porté atteinte au monopole d'exploitation et à la fonction d'investissement de la marque et qu'en tout état de cause, la marque SAINT GERMAIN a exercé sur le public sa fonction essentielle de garantie d'origine puisqu'elle a été apposée sur un produit qui a été offert au public ; que les sociétés intimées opposent en substance i) qu'aucune atteinte n'a pu être porté aux fonctions essentielles de la marque SAINT GERMAIN, à défaut d'exploitation de celle-ci, ii) que, subsidiairement, compte tenu des différences existant entre la marque opposée et le signe litigieux et entre les produits concernés, seul l'article L.713-3 du code de la propriété intellectuelle est susceptible d'être appliqué et qu'il appartient alors au titulaire de la marque opposée d'établir l'existence d'un risque de confusion, iii) qu'en l'espèce, le risque de confusion allégué ne peut pas être apprécié, faute d'exploitation de la marque ; que les sociétés COOPER et ST DALFOUR observent, qu'en tout état de cause, faute d'exploitation de la marque, l'atteinte portée à celle-ci serait purement formelle, ne pouvant donner lieu qu'à une indemnisation symbolique ; que l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle prohibe, sauf autorisation du propriétaire, la reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, même avec l'adjonction de mots tels que : "formule, façon, système, imitation, genre, méthode", ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement ; qu'en l'espèce, ce texte ne peut recevoir application dès lors que, comme le relèvent justement les sociétés intimées, la marque invoquée SAINT GERMAIN, constituée des termes "SAINT GERMAIN" écrits en lettres manuscrites noires minuscules, à l'exception des lettres "S" et "G", ne se trouve pas reproduite à l'identique par la dénomination litigieuse qui est constituée des tenues "ST-GERMAIN" en lettres majuscules beiges bordées d'une couleur dorée, apposées sur une étiquette bleu marine aux liserés dorés comprenant le dessin stylisé d'un cycliste ; que la dénomination contestée ne reproduit donc pas tous les éléments constituant la marque de M. B... ; que les différences relevées au plan visuel ne sont pas si insignifiantes qu'elles pourraient passer inaperçues aux yeux du consommateur moyen ; que la contrefaçon alléguée ne peut donc être appréhendée qu'au regard de l'article L. 7133 du code de la propriété intellectuelle qui interdit, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public, l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ; que l'appréciation du risque de confusion dans l'esprit du public, qui doit s'opérer globalement en considération de l'impression d'ensemble produite par les marques, suppose que la marque invoquée ait fait l'objet d'une exploitation la mettant au contact des consommateurs ; qu'en l'espèce, la marque de M. B... a fait l'objet d'une déchéance à compter du 13 mai 2011, le tribunal de grande instance de Nanterre, approuvé par la cour d'appel de Versailles, ayant estimé qu'il n'avait pas fait la démonstration d'un usage sérieux de la marque au cours de la période du 12 mai 2006 (publication de l'enregistrement de la marque) jusqu'au 13 mai 2011 ; que M. B... soutient cependant que sa marque SAINT GERMAIN a été effectivement exploitée ou, à tout le moins, a fait l'objet d'un commencement d'exploitation et qu'il a été porté atteinte à sa fonction d'origine, expliquant que ce n'est pas parce que les actes d'usage de la marque SAINT GERMAIN ont été considérés comme insuffisants durant la période examinée par le tribunal de grande instance de Nanterre pour le maintien de la marque en vigueur que ces actes d'usage ne doivent pas être pris en considération pour examiner si la marque a exercé une fonction d'origine ; qu'à ce titre, M. B... produit une étude de marché réalisée en juillet 2006 par la société Repère relative au lancement de la crème de cognac SAINT GERMAIN, des pièces concernant des travaux facturés (novembre 2005/octobre 2006) par la société de design industriel BRONSON pour développer l'identité visuelle et le packaging de la crème de cognac et des courriels (novembre 2006) échangés avec une société ALKO International BV, relatifs à l'amélioration de la formule de la crème de cognac et à un rendez vous avec un embouteilleur ; qu'il verse encore aux débats des factures de salons professionnels VINEXPO de juillet 2007, OMAYE (cadeaux d'entreprise) de mai 2007, SPIRIT (juillet 2007) qui ne font pas mention de la crème de cognac SAINT GERMAIN ; qu'il fournit enfin l'attestation de M. H... qui certifie, en novembre 2011, avoir réglé, lors d'un salon SHOW OFF (salon d'art contemporain tenu en octobre 2006), des consommations au bar "Part des Anges" s'agissant notamment de "2 " verres de crème de cognac "SAINT GERMAIN", l'attestation de M. U..., barman, qui relate avoir utilisé entre 2006 et 2008 de la crème de cognac SAINT GERMAIN pour la préparation de cocktails dans le cadre de ses prestations "Ultimate Bar" et celle de Mme V... qui indique que, cliente régulière de PART DES ANGES depuis 2007, elle a eu l'occasion de consommer à plusieurs reprises, entre 2007 et 2009, de la crème de cognac SAINT GERMAIN ; que ces éléments, s'ils établissent la réalité de préparatifs en vue du lancement de la crème de cognac SAINT GERMAIN et la participation de la société PART DES ANGES de M. B... à des salons professionnels en 2007, ne suffisent cependant pas à démontrer que la marque SAINT GERMAIN a été effectivement mise au contact du public, les témoignages versés étant vagues et peu circonstanciés, comme l'a relevé la cour d'appel de Versailles dans son arrêt précité du 11 février 2014, et donc peu probants et ne répondant pas, pour deux d'entre, eux aux prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile ; que M. B... échouant ainsi à démontrer que sa marque a été réellement exploitée, il ne peut arguer utilement d'une atteinte à la fonction de garantie d'origine de cette marque qui, ainsi que le tribunal de première instance l'a rappelé, vise essentiellement à garantir aux consommateurs la provenance du produit ou service fourni en le distinguant de ceux proposés par la concurrence, ce qui suppose que la marque ait été en contact avec ces consommateurs ; que pour la même raison, M. B... ne peut se prévaloir d'une atteinte portée au monopole d'exploitation conféré par sa marque ; que M. B... invoque enfin, pour la première fois en appel, une atteinte à la fonction d'investissement de sa marque, se référant à l'arrêt INTERFLORA rendu par la CJUE le 22 septembre 2011 (aff. C-323/09) qui énonce notamment que "Outre sa fonction d'indication d'origine et, le cas échéant, sa fonction publicitaire, une marque peut également être employée par son titulaire pour acquérir ou conserver une réputation susceptible d'attirer et de fidéliser des consommateurs" ; que cependant M. B... n'établissant pas avoir exploité sa marque, il ne peut se plaindre de l'usage par un concurrent d'un signe identique à cette marque - à supposer cette identité avérée - qui en aurait gêné "de manière substantielle" (même arrêt, pt. 62) l'emploi ; qu'en tout état de cause, que la cour, après le tribunal, relève que les pièces produites par M. B... pour justifier que la liqueur de sureau supportant le signe ST- GERMAIN a été commercialisée sont, à l'exception d'une seule, postérieures au 13 mai 2011, date d'effet de la déchéance de la marque SAINT GERMAIN, de sorte que la réalité de l'atteinte alléguée n'est pas démontrée ; qu'il y a lieu, par conséquent, d'approuver le tribunal qui a jugé qu'aucune atteinte n'a pu viser la marque SAINT GERMAIN, laquelle n'a jamais exercé sur le public une quelconque fonction, et de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. B... de l'ensemble de ses demandes ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE Sur la marque française SAINT GERMAIN n°3 395 502, ainsi qu'il a été exposé, Monsieur O... B... a, le 5 décembre 2005, déposé la marque SAINT GERMAIN n°3 395 502 pour désigner en classes 30, 32 et 33 les produits Boissons alcooliques (à l'exception des bières) cidres, digestifs. Vins, spiritueux, extraits ou essences alcooliques. Bières, eaux minérales et gazeuses boissons de fruits et fils de fruits sirop et autres préparations pour faire des boissons. Limonades, nectars de fruits, sodas, apéritifs sans alcool. Pâtisserie et confiserie, glaces comestibles. Boissons à hase de cacao, chocolat ou de thé ; que par jugement du 28 février 2013 du Tribunal de grande instance de NANTERRE, les droits de Monsieur B... sur cette marque ont été déchus à compter du 13 mai 2011 pour les produits boissons alcooliques (à l'exception des bières), cidres, digestifs, vins, spiritueux, extraits ou essences alcooliques, dans le cadre d'un litige l'opposant à la société de droit américain OSEZ VOUS ? ; que par arrêt du 22 février 2014, la Cour d'appel de VERSAILLES a confirmé ce jugement en toutes ses dispositions, de sorte que celui-ci est devenu définitif ; qu'ainsi, la marque invoquée est aujourd'hui déchue pour tous les produits pouvant être concernés par le présent litige ; que sur la contrefaçon de la marque SAINT GERMAIN n°3 395 502, Monsieur B... considère qu'en utilisant le signe ST-GERMAIN pour fabriquer et commercialiser de la liqueur de sureau. les sociétés défenderesses ont commis des actes de contrefaçon de la marque SAINT GERMAIN dont il est titulaire ; que soulignant que ses droits n'étaient pas déchus au moment où il a introduit la présente action, il fait valoir que cette action reste fondée pour les actes commis antérieurement à la déchéance du 13 mai 201 I et non prescrits, soit postérieurs au 8 juin 2009 ; que par ailleurs, pour répondre à l'argument des défenderesses tiré de l'absence d'atteinte à la fonction essentielle de la marque, il expose que sa crème de cognac SAINT GERMAIN a bien été en contact avec le consommateur, puisqu'elle a été testée, présentée au public et commercialisée au salon d'art contemporain d'octobre 2006, ainsi qu'aux salons Vinexpo de juin 2007, Moyagué de septembre 2007 et Spirit de novembre 2007, et verse aux débats des attestations d'un barman professionnel et d'une cliente qui affirment avoir utilisé ou consommé cette crème de cognac entre 2006 et 2008 pour l'un, 2007 et 2009 pour l'autre ; qu'en effet, les sociétés COOPER et ST DALFOUR contestent qu'il puisse y avoir une quelconque contrefaçon quand une marque n'a pas été exploitée, puisque lorsqu'une marque n'est pas utilisée, elle ne remplit pas sa fonction essentielle qui est de garantir au consommateur l'identité d'origine du produit ou du service ; que de même, la SAEGB estime que dans la mesure où la marque revendiquée est frappée de déchéance depuis le mois de mai 2011, soit à une date antérieure à la présente action, le demandeur est privé de tout droit sur elle ; qu'elle précise que si le titulaire d'une marque est habilité à interdire tout usage d'un signe la reproduisant ou l'imitant, c'est à la condition que l'usage du signe en question puisse affecter une des fonctions de la marque, en particulier sa fonction essentielle qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit ; qu'elle soutient que, dans la mesure de la marque SAINT GERMAIN n'a jamais fait l'objet de la moindre exploitation, l'usage litigieux du signe ne peut pas renvoyer le consommateur à cette marque et ne lui porte donc pas atteinte ; que de fait, il est constant que si une marque a pour finalité d'assurer à son titulaire un monopole d'exploitation sur le signe représenté et remplit plusieurs fonctions à savoir garantir la qualité du produit vendu ou du service fourni, ou encore permettre des investissements en particulier de communication, elle vise essentiellement à garantir aux consommateurs la provenance de ce produit ou de ce service, pour les distinguer de ceux qui sont proposés par la concurrence ; qu'il convient dès lors, lorsqu'une atteinte à une marque est alléguée, de vérifier si cette atteinte est susceptible de concerner cette fonction d'origine, ce qui nécessite que la marque invoquée ait été effectivement exploitée, puisqu'une marque qui n'a jamais été en contact avec le public ne remplit aucune fonction auprès des consommateurs ; qu'or, si la marque dont s'agit a fait l'objet d'une déchéance, c'est justement parce que son titulaire s'est trouvé dans l'incapacité de démontrer une quelconque exploitation, et si cette déchéance n'a pris effet qu'à compter du 13 mai 2011, c'est seulement parce qu'une telle déchéance n'est encourue qu'après cinq ans d'existence, et non parce qu'il y aurait eu une véritable exploitation de 2006 à 2011 ; que Monsieur B... soutient aujourd'hui que sa marque SAINT GERMAIN a réellement été exploitée antérieurement à 2011, et produit à cette fin d'une part des factures de plusieurs salons professionnels, d'autre part deux attestations ; que cependant, ainsi que le relève à juste titre la SAEGB, le fait que la société du demandeur LA PART DES ANGES ait participé à certains salons professionnels en 2006 ou 2007 ne prouve nullement que la marque en cause ait fait l'objet d'un usage réel, alors que les deux attestations en question, déjà présentées aux juges de la déchéance, ont été considérées par la Cour d'appel comme étant « vagues et peu circonstanciées » ; qu'en outre, aucun catalogue, aucune facture, aucune coupure de presse et aucun document comptable ne sont versés aux débats, ce qui confirme bien qu'aucune exploitation de la marque dont s'agit n'est intervenue ; qu'en conséquence, aucune atteinte n'a pu viser la marque SAINT GERMAIN qui n'a jamais exercé sur le public une quelconque fonction et est maintenant déchue ; que surabondamment, il sera relevé que les pièces produites par le demandeur pour justifier que la liqueur de sureau des défendeurs supportant le signe ST-GERMAIN a été offerte à la vente, en particulier tarifs, procès-verbal de constat et procès-verbal de saisie-contrefaçon, sont tous postérieurs à la déchéance du 13 mai 2011, à l'exception d'un seul bordereau de livraison, de la SAEGB à la Maison du Whisky, daté du 12 décembre 2010, de sorte que rien ne vient démontrer la réalité de l'atteinte alléguée au cours de la période visée par le demandeur, c'est-à- dire juin 2009 — 13 mai 2011 ; que toutes les demandes de Monsieur B... seront donc rejetées ;

1°) ALORS QU' au cours de la période de cinq ans qui suit l'enregistrement d'une marque, le titulaire de la marque peut interdire aux tiers de faire usage, dans la vie des affaires, d'un signe identique ou similaire à sa marque et susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque, sans devoir démontrer un usage sérieux de ladite marque pour ces produits ou ces services ; qu'en retenant que M. B... ne pouvait se prévaloir ni d'une atteinte à la fonction de garantie d'origine de la marque SAINT GERMAIN, ni d'une atteinte portée au monopole d'exploitation conféré par sa marque, ni même d'une atteinte à la fonction d'investissement de la marque, motifs pris qu'il avait échoué à démontrer que sa marque avait été réellement exploitée, cependant qu'il pouvait interdire aux tiers de faire usage, dans la vie des affaires, d'un signe identique ou similaire à sa marque et susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque, sans devoir démontrer un usage sérieux de la marque SAINT GERMAIN et, partant, sans démontrer qu'elle était effectivement exploitée, la cour d'appel a violé les articles L. 713-3 et L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle ;

2°) ALORS QU' en retenant, pour débouter M. B... de son action en contrefaçon, que la preuve d'actes de commercialisation de produits de la marque ST-GERMAIN portant atteinte aux droits de la marque SAINT GERMAIN n'était pas rapportée, après avoir pourtant constaté que le bordereau de livraison de la société SAEGB à la maison du Whisky, daté du 12 décembre 2010, établissait que le produit litigieux était effectivement exploité, ce dont il s'inférait que des actes de contrefaçon avaient été constatés, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et a violé les articles L. 716-1 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;

3°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU' en retenant, pour décider que l'atteinte alléguée n'était pas démontrée, que les « les pièces produites par M. B... pour justifier que la liqueur de sureau supportant le signe ST-GERMAIN a été commercialisée sont, à l'exception d'une seule, postérieures au 13 mai 2011», cependant que ce n'est pas la date des moyens de preuves utilisés, en l'occurrence la date à laquelle une saisie-contrefaçon ou un procès-verbal a été établi, qui doit être pris en considération mais les éléments de preuve révélés par ces moyens de preuve, les saisies-contrefaçons ou les procès-verbaux produits aux débats ayant permis de prouver des actes de contrefaçon – en l'occurrence des actes de commercialisation – antérieurs au moi de mai 2011, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 716-1 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;

4°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE le juge ne peux dénaturer le contenu des documents qui lui sont soumis ; qu'en retenant que « les pièces produites par M. B... pour justifier que la liqueur de sureau supportant le signe ST- GERMAIN a été commercialisée sont, à l'exception d'une seule, postérieures au 13 mai 2011», cependant que M. B... produisait un nombre très important de pièces, en l'occurrence des bons de commande, bons de livraison et de factures datés de mai 2009 à mai 2011, chaque document portant la mention ST-GERMAIN et étant relatif à la vente de bouteilles d'alcool sous ce nom en France (cf. productions 5 et 6), démontrant ainsi sans équivoque que la société SAEGB avait fabriqué et vendu en France les liqueurs issues de sa fabrication à la société Cooper international Spirits, et à compter de 2009 à la société française ST Dalfour et que la société ST Dalfour avait fabriqué et vendu en France les produits ST-GERMAIN à la société Cooper International Spirits en France, la cour d'appel a dénaturé le contenu clair et précis des pièces produites par M. B... en méconnaissance de l'obligation, pour le juge, de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis.

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