5 novembre 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-17.164

Deuxième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2020:C201151

Titres et sommaires

SECURITE SOCIALE, REGIMES COMPLEMENTAIRES - Risques couverts - Risques décès, risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, risques d'incapacité ou d'invalidité - Garantie - Versement des prestations immédiates ou différées - Cessation de la relation de travail - Effets - Maintien des garanties à titre gratuit - Bénéficiaires - Salariés licenciés à la suite de la liquidation judiciaire de leur ancien employeur

L'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale, créé par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, permet aux salariés garantis collectivement dans les conditions prévues à l'article L. 911-1 du même code contre les risques décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité, de bénéficier du maintien à titre gratuit de cette couverture en cas de cessation du contrat de travail, non consécutive à une faute lourde, ouvrant droit à prise en charge par l'assurance chômage, selon des conditions qu'il détermine. Ces dispositions, qui revêtent un caractère d'ordre public en application de l'article L. 911-14 du code de la sécurité sociale, n'opèrent aucune distinction entre les salariés des entreprises ou associations in bonis et les salariés dont l'employeur a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire et ne prévoient aucune condition relative à l'existence d'un dispositif assurant le financement du maintien des couvertures santé et prévoyance. Dès lors, justifie légalement sa décision une cour d'appel qui, ayant relevé qu'il n'était pas justifié de la résiliation d'un contrat collectif d'assurance complémentaire santé souscrit par une société avant sa mise en liquidation judiciaire, ordonne à l'assureur de maintenir ce contrat postérieurement au prononcé de la liquidation judiciaire et d'assurer la portabilité des droits correspondants au profit des anciens salariés de la société souscriptrice, selon les modalités prévues par ce contrat et les dispositions de l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale, après avoir retenu que ces dispositions ne prévoient aucune exclusion de la portabilité pour les salariés licenciés à la suite de la liquidation judiciaire de leur ancien employeur

ASSURANCE DE PERSONNES - Assurance de groupe - Assurance de groupe souscrite par l'employeur au profit du salarié - Garantie collective - Garantie collective complémentaire de celles qui résultent de l'organisation de la sécurité sociale - Bénéficiaires - Salariés, anciens salariés et leurs ayants droit - Cessation de la relation de travail - Effets - Maintien des garanties à titre gratuit - Bénéficiaires - Salariés licenciés à la suite de la liquidation judiciaire de leur ancien employeur

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 26 JUILLET 2005) - Liquidation judiciaire - Effets - Protection sociale complémentaire - Risques décès, risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, risques d'incapacité ou d'invalidité - Garantie - Garantie collective - Maintien à titre gratuit au profit du salarié précédemment licencié

Texte de la décision

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 5 novembre 2020




Rejet


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 1151 FS-P+B+I

Pourvoi n° Z 19-17.164




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 NOVEMBRE 2020

La société Groupama Gan vie, société anonyme, dont le siège est 8-10 rue d'Astorg, 75008 Paris, a formé le pourvoi n° Z 19-17.164 contre l'arrêt rendu le 28 mars 2019 par la cour d'appel de Lyon (3e chambre A), dans le litige l'opposant à M. R... V..., domicilié [...] , pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société Déménagements transports Pupier, défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, les observations et la plaidoirie de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Groupama Gan vie, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen rapporteur, M. Besson, conseiller, Mme Bouvier, M. Martin, conseillers, M. Talabardon, M. Ittah, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 28 mars 2019), la société Déménagements transports Pupier (la société DTP) a souscrit, le 1er décembre 2012, un contrat collectif d'assurance complémentaire santé au bénéfice de ses salariés auprès de la société Groupama Gan vie (l'assureur).

2. Par jugement du 17 mai 2016, la société DTP a été placée en liquidation judiciaire, avec désignation de M. V... en qualité de liquidateur.

3. M. V..., es qualités, a sollicité de l'assureur la mise en oeuvre, au bénéfice des salariés licenciés de la société DTP, du dispositif de maintien des garanties prévu par l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale.

4. L'assureur ayant soutenu que le régime de portabilité des droits ne pouvait s'appliquer en cas de liquidation judiciaire de l'adhérent, M. V..., ès qualités, l'a assigné devant un tribunal de commerce.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. L'assureur fait grief à l'arrêt de lui ordonner de maintenir le contrat complémentaire santé versé aux débats, référencé sous Régime n° 158 - Contrat n°9545/0 et ses additifs tel que signé le 11 janvier 2013, souscrit par la société DTP le 11 janvier 2013, postérieurement au prononcé de la liquidation judiciaire et d'assurer la portabilité des droits correspondants au profit des anciens salariés de la société DTP consécutivement à la liquidation judiciaire selon les modalités prévues par les contrats souscrits et les dispositions de l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale, alors « que l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale permet aux salariés garantis collectivement dans les conditions prévues à l'article L. 911-1 du même code contre les risques décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité, de bénéficier du maintien à titre gratuit de cette couverture en cas de cessation du contrat de travail, non consécutive à une faute lourde, ouvrant droit à prise en charge par l'assurance-chômage, selon les conditions qu'il détermine ; que, toutefois, le maintien des garanties est subordonné à l'existence d'un dispositif assurant le financement du maintien des couvertures santé et prévoyance lorsque l'entreprise souscriptrice est placée en liquidation judiciaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que la loi ne subordonnait la portabilité des droits au profit des salariés licenciés qu'à « l'existence et l'application d'un contrat collectif de complémentaire au jour où le licenciement du salarié est intervenu et ne crée qu'une seule exclusion au bénéfice de la portabilité touchant les salariés licenciés pour faute lourde » (arrêt, p. 5 § 1) ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée (concl., p. 18 et 19), s'il existait un dispositif assurant le financement du maintien de la couverture santé et prévoyance souscrite par la société DTP, ce que contestait la société Groupama Gan Vie qui faisait valoir que le financement du dispositif de portabilité reposait sur un système de mutualisation pesant sur l'employeur et les salariés demeurant dans l'entreprise, et non sur l'assureur, qui ne pouvait s'appliquer en cas de liquidation judiciaire de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

6. L'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale, créé par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, permet aux salariés garantis collectivement dans les conditions prévues à l'article L. 911-1 du même code contre les risques décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité, de bénéficier du maintien à titre gratuit de cette couverture en cas de cessation du contrat de travail, non consécutive à une faute lourde, ouvrant droit à prise en charge par l'assurance chômage, selon des conditions qu'il détermine.

7. Ces dispositions, qui revêtent un caractère d'ordre public en application de l'article L. 911-14 du code de la sécurité sociale, n'opèrent aucune distinction entre les salariés des entreprises ou associations in bonis et les salariés dont l'employeur a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire et ne prévoient aucune condition relative à l'existence d'un dispositif assurant le financement du maintien des couvertures santé et prévoyance.

8. Ayant, par motifs propres et adoptés, relevé qu'il n'était pas justifié de la résiliation du contrat collectif d'assurance en cause, puis retenu que les dispositions de l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale ne prévoyant aucune exclusion de la portabilité pour les salariés licenciés par suite d'une liquidation judiciaire de leur ancien employeur, il n'y avait pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas et énoncé, enfin, que les observations de l'assureur sur le financement de la couverture mutuelle des salariés licenciés ne se rapportaient pas à un critère ou à une condition d'application de l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la recherche inopérante visée par le moyen, a légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Groupama Gan vie aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Groupama Gan vie.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société Groupama Gan vie

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné à la société Groupama Gan Vie de maintenir le contrat complémentaire santé versé aux débats, référencé sous Régime n°158 - Contrat n°9545/0 et ses additifs tel que signé le 11 janvier 2013, souscrit par la société Déménagements Transports Pupier le 11 janvier 2013, postérieurement au prononcé de la liquidation judiciaire et d'assurer la portabilité des droits correspondants au profit des anciens salariés de la société Déménagements Transports Pupier consécutivement à la liquidation judiciaire selon les modalités prévues par les contrats souscrits et les dispositions de l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale ;

AUX MOTIFS PROPRES QU' au visa de l'article 1134 ancien, devenu 1103, du code civil, disposition ancienne seule applicable au litige en application de l'article 9 de l'ordonnance du 10 février 2016 du fait de la date du contrat litigieux signé le 1 décembre 2012, elle met en avant l'article 3 de l'annexe 2 des conditions générales du contrat signé par la société DTP qui stipule : « En outre, les garanties maintenues étant celles applicables aux salariés en activité de la contractante affiliés au contrat, le maintien des garanties cesse de plein droit en cas de cessation totale d'activité de l'entreprise contractante par suite de liquidation judiciaire » ; que M. V... relève avec pertinence que les dispositions de l'article L 911-8 du code de la sécurité sociale, rappelées ci-après, sont d'ordre public en application de l'article L 914-1 du même code : « Les salariés garantis collectivement, dans les conditions prévues à l'article L 911-1, contre le risque décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité bénéficient du maintien à titre gratuit de cette couverture en cas de cessation du contrat de travail, non consécutive à une faute lourde, ouvrant droit à prise en charge par le régime d'assurance chômage, selon les conditions suivantes :
1 Le maintien des garanties est applicable à compter de la date de cessation du contrat de travail et pendant une durée égale à la période d'indemnisation du chômage, dans la limite de la durée du dernier contrat de travail ou, le cas échéant, des derniers contrats de travail lorsqu'ils sont consécutifs chez le même employeur. Cette durée est appréciée en mois, le cas échéant arrondie au nombre supérieur, sans pouvoir excéder douze mois ;
2 Le bénéfice du maintien des garanties est subordonné à la condition que les droits à remboursements complémentaires aient été ouverts chez le dernier employeur ;
3 Les garanties maintenues au bénéfice de l'ancien salarié sont celles en vigueur dans l'entreprise ;
4 Le maintien des garanties ne peut conduire l'ancien salarié à percevoir des indemnités d'un montant supérieur à celui des allocations chômage qu'il aurait perçues au titre de la même période ;
5 L'ancien salarié justifie auprès de son organisme assureur, à l'ouverture et au cours de la période de maintien des garanties, des conditions prévues au présent article ;
6 L'employeur signale le maintien de ces garanties dans le certificat de travail et informe l'organisme assureur de la cessation du contrat de travail mentionnée au premier alinéa.
Le présent article est applicable dans les mêmes conditions aux ayants droit du salarié qui bénéficient effectivement des garanties mentionnées au premier alinéa à la date de la cessation du contrat de travail.» ; que, contrairement à ce qu'affirme la société Groupama, ce texte conduit uniquement à conditionner la portabilité à l'existence et à l'application d'un contrat collectif de complémentaire au jour où le licenciement du salarié est intervenu et ne crée qu'une seule exclusion du bénéfice de la portabilité touchant les salariés licenciés pour faute lourde ; que la référence faite par le 3 de cet article «aux garanties en vigueur dans l'entreprise» doit uniquement conduire à vérifier que le contrat de complémentaire santé n'est pas résilié au moment de la demande de portabilité ; que cet alinéa ne prévoit pas la condition de concomitance à tort mise en avant par la société appelante ni même le maintien d'un paiement de cotisations par l'employeur ; que le caractère d'ordre public de ce texte ne permet pas à la société Groupama de déroger contractuellement aux conditions légales qu'il édicte, la clause 3 de l'annexe 2 des conditions générales du contrat devant être réputée non écrite ; que les digressions de la société Groupama sur le financement même de la couverture mutuelle des salariés licenciés sont inopérantes, en ce qu'elles ne constituent en rien un critère ou une condition d'application prévus par l'article L 911-8 ; que ce texte n'édicte en effet que le principe et les modalités du maintien de la couverture mutuelle, maintenant clairement une obligation à la charge de l'assureur, et ne précise pas son financement ; que l'absence de résiliation du contrat collectif ne permet ainsi pas à l'assureur, qui se prévaut de l'effet obligatoire des conventions, de dénier être toujours débiteur de ses obligations contractuelles ; qu'en l'absence d'une disposition spéciale, la décision de liquidation judiciaire est ainsi sans incidence sur la mise en oeuvre de l'article L 911-8 et la société Groupama n'est pas fondée à invoquer une caducité qui en résulterait ; que la décision entreprise qui a fait droit aux demandes de Me V... concernant le contrat complémentaire santé signé le 11 janvier 2013 doit en conséquence être confirmée sur l'obligation de maintenir la garantie (arrêt, p. 4 et 5) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE sur la portabilité, les parties versant au débat, de part et d'autre, de nombreuses jurisprudences contraires sur l'interprétation des différents textes afférents à la portabilité de la protection sociale complémentaire et à sa mise en oeuvre en cas de liquidation judiciaire, le tribunal examinera le litige entre les parties sous des angles différents :
a) Sous l'angle des contrats en cours (article L 641-11-1 du code de commerce) :
La société Déménagements Transports Pupier a souscrit à un contrat santé N°158 /9545/0 à date d'effet du 01 décembre 2012. Par jugement du 16 mai 2013, le tribunal ouvrait une procédure de sauvegarde à l'égard de l'adhérent et, par jugement du 17 mai 2016, il prononçait la résolution du plan et l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire.
Le mandataire judiciaire par courrier des 31 mai, 23 et 24 juin 2016 informait Groupama Gan Vie de la procédure ouverte et demandait la mise en oeuvre de la portabilité des garanties santé pour les salariés licenciés. Le tribunal constate que la société Groupama Gan Vie ne justifie pas avoir dénoncé le contrat en cours, qu'il n'est fait état d'aucune cotisation impayée et qu'en l'absence de dénonciation formalisée, c'est donc sous le seul prétexte de la liquidation judiciaire de la société Déménagements Transports Pupier, que la société Groupama Gan Vie a mis fin au contrat au mépris des dispositions de l'article L 641-11-1 du code de commerce alors que le principe du maintien des contrats en cours à la demande de l'Administrateur Judiciaire est d'ordre public. Le tribunal constate que Groupama Gan Vie ne conteste pas ce point.
b) Sous l'angle du droit social :
L'article L 911-8 du code de la sécurité sociale dispose que les salariés garantis collectivement, dans les conditions prévues à l'article L 911-1 contre le risque décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité bénéficient du maintien à titre gratuit de cette couverture en cas de cessation du contrat de travail, non consécutive à une faute lourde, ouvrant droit à prise en charge par le régime d'assurance chômage, selon les conditions suivantes :
- le maintien des garanties est applicable à compter de la date de cessation du contrat de travail et pendant une durée égale à la période d'indemnisation du chômage, dans la limite de la durée du dernier contrat de travail ou, le cas échéant, des derniers contrats de travail lorsqu'ils sont consécutifs chez le même employeur. Cette durée est appréciée en mois, le cas échéant arrondie au nombre supérieur, sans pouvoir excéder douze mois ;
- le bénéfice du maintien des garanties est subordonné à la condition que les droits à remboursements complémentaires aient été ouverts chez le dernier employeur,
- les garanties maintenues au bénéfice de l'ancien salarié sont celles en vigueur dans l'entreprise ; le maintien des garanties ne peut conduire l'ancien salarié à percevoir des indemnités d'un montant supérieur à celui des allocations chômage qu'il aurait perçues au titre de la même période,
- l'ancien salarié justifie auprès de son organisme assureur, à l'ouverture et au cours de la période de maintien des garanties, des conditions prévues au présent article,
- l'employeur signale le maintien de ces garanties dans le certificat de travail et informe l'organisme assureur de la cessation du contrat de travail mentionnée au premier alinéa.
Que, dans cette affaire, c'est sur la lecture du point 3 que la défense fonde une partie de son argumentation, en soutenant que comme il y disparition de l'entreprise (la société Déménagements Transports Pupier étant en liquidation judiciaire), il n'y a plus « de garanties en vigueur dans l'entreprise » et que faute de salariés, ceux qui ont été licenciés ne peuvent bénéficier d'une garantie devenue de fait inexistante dans l'entreprise. Cette argumentation ne peut prospérer car bien qu'en liquidation, la société bénéficie d'une existence légale jusqu'au jugement de clôture de la liquidation. Dans l'affaire qui nous préoccupe le jour où, par jugement du tribunal, la société a été placée en liquidation judiciaire et que les salariés ont été licenciés, il existait de fait un contrat en vigueur dans l'entreprise et la société Déménagements Transports Pupier était belle et bien une personne morale. Par ailleurs, le tribunal, faisant ici plein usage de son pouvoir souverain d'appréciation dit que le législateur a voulu par cette loi renforcer la protection du salarié et que cette notion de « en vigueur » ne doit pas s'interpréter comme « contrat étant existant ou non » à un moment donné mais comme « une chance égalitaire donnée au salarié licencié de bénéficier des mêmes avantages en terme de prestations et de garanties que ceux dont il aurait bénéficié en qualité de salarié ( exemples forfaits optiques, plafonds dentaires, appareillage auditif etc... ) » ; que les dispositions de l'article L 911-8 du code de la sécurité sociale ne prévoyant pas une quelconque exclusion de la portabilité pour les salariés licenciés par suite d'une liquidation judiciaire de leur ex-employeur, il n'y a pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas. Le moyen soutenu par l'assureur sur cette notion de « en vigueur dans l'entreprise » ne peut prospérer
c) Sous l'angle du droit des assurances :
En défense, une argumentation est développée sur le mécanisme du financement de la portabilité, ce que confirment les conditions générales dans lesquelles il est stipulé que « le maintien des garanties au titre de la portabilité des droits est financé par mutualisation, c'est-à-dire par un cofinancement de l'ensemble des salariés en activité dans l'entreprise (part salariale) et par l'entreprise adhérente (part patronale) ». Groupama Gan Vie soutient que l'article L911-8 du code de la sécurité sociale ne peut créer une obligation à la charge de l'assureur c'est-à-dire que les cotisations versées par l'employeur et les salariés en activité sont immédiatement utilisées pour financer des garanties des anciens salariés et qu'en l'absence de cotisations de salariés actifs dans l'entreprise, le coût de la portabilité resterait à la charge de l'organisme assureur ce qui entrainerait une hausse des cotisations, le risque de défaillance de l'entreprise n'étant pas pris en compte dans la tarification. Cette analyse se heurte également à la pratique car tous les salariés ne sont pas tenus d'adhérer à l'assurance proposée par leur employeur pour autant que leur conjoint assure une couverture commune dans une autre entreprise. Par ailleurs si dans une entreprise in bonis de 100 personnes, nous avons 99 salariés licenciés qui vont bénéficier de la portabilité, le seul salarié actif restant ne va pas pour autant devoir supporter les cotisations des salariés licenciés. Donc le système de répartition est à prendre dans un contexte global macro-économique et non être restreint à une société adhérente. En conséquence la problématique du financement de la portabilité ne peut faire obstacle au principe de gratuité qui implique que le contrat de prévoyance ne saurait avoir perdu son objet par le départ du dernier salarié de sorte que l'assureur doit assurer aux anciens salariés la portabilité de leurs garanties dans le dernier état des conditions en vigueur dans l'entreprise, peu important le fait que l'entreprise conserve ou non des salariés après le jugement de liquidation.
d) Sous l'angle contractuel :
Une convention liait les parties et garantissait le remboursement des frais médicaux et chirurgicaux engagés par les bénéficiaires (salariés) dans la limite des garanties et du niveau choisi par l'entreprise adhérente, à savoir la société Déménagements Transports Pupier. Dans les conditions générales il est stipulé clairement dans l'annexe 2 « Maintien des garanties aux anciens salariés dans le cadre de l'article L91 1-8 du Code de la Sécurité sociale » que « La cessation du contrat de travail ouvrant droit à prise en charge par le régime de l'assurance chômage, quelle que soit l'origine de cette cessation ». Il n'est nullement fait état de la situation de l'entreprise adhérente, les seuls faits générateurs étant d'une part la rupture du contrat et d'autre part l'éligibilité à l'assurance chômage.
Par ailleurs, au point 2 « Prise d'effet et durée du maintien des garanties » des mêmes conditions générales, il est stipulé « la durée de ce maintien est égale à celle de la période d'indemnisation de l'affilié par l'assurance chômage dans la limite de la durée du dernier contrat de travail ....La durée de ce maintien ne peut toutefois excéder 12 mois ». Là encore il n'est nullement fait état de la situation de l'entreprise, les faits générateurs étant la durée du contrat de travail avant le licenciement et la perception d'indemnités au titre de l'assurance chômage. Cette disposition ne peut exprimer plus clairement l'engagement pris par l'assureur. En outre les conditions du maintien des garanties prévoient que les garanties du contrat sont maintenues pour « tout licenciement sauf en cas de faute lourde » sans qu'il soit précisé si le licenciement a été fait dans le cadre d'une procédure judiciaire (ou non) ouverte à l'endroit de l'adhérent. Si l'assureur était certain de son bon droit il n'aurait pas manqué de faire état d'une différentiation de traitement de la portabilité en fonction de la situation juridique de l'adhérent ce qui aurait pour conséquence de clarifier la situation mais également d'introduire ouvertement un cas de discrimination de traitements entre les chômeurs ce qui serait antinomique à la loi de « justice du XXème siècle » votée le 12 octobre 2016 (la prohibition des discriminations étant la conséquence d'un principe d'égalité de traitement).
e) Sous l'angle législatif :
La société Groupama Gan Vie évoque l'article 4 de la loi du 14 juin 2013 et verse au débat copie de la proposition de loi relative au maintien de la garantie complémentaire des salariés licenciés à la suite de la liquidation judiciaire de leur employeur, ainsi que différents rapports ou échanges relatifs au même sujet.
Il est vrai que la loi de sécurisation de l'emploi prévoyait bien dans son article 4 que le gouvernement devait remettre au parlement avant le 1 er mai 2014, un rapport sur les modalités de prise en charge du maintien des couvertures santé et prévoyance, pour les salariés d'une entreprise placée en liquidation judiciaire mais que d'une part force est de constater qu'à ce jour un tel mécanisme de financement n'a pas été instauré et que d'autre part ledit amendement portait uniquement sur les modalités de prise en charge au travers de son financement et non sur le principe même du maintien des garanties des salariés.
Concernant les différents rapports et extraits de débats parlementaires sur la problématique de la portabilité en cas de liquidation judiciaire qui sont versés au débat, il est effectivement patent de constater que le financement de la portabilité pose problème mais sans qu'il soit, pour autant, fait état d'une remise en cause de la gratuité de la portabilité pour les salariés d'une entreprise en liquidation judiciaire. Il appartient en fait aux assureurs d'intégrer dans l'économie globale des contrats proposés l'aléa lié à une possible liquidation judiciaire de l'employeur.
En synthèse :
Le tribunal, faisant ici plein usage de son pouvoir souverain d'appréciation, dit que les dispositions de l'article L 911 .8 du code de la sécurité sociale sont applicables aux anciens salariés licenciés d'un employeur qui remplissent les conditions fixées par ce texte quelle que soit la situation juridique de l'adhérent ; la procédure de liquidation judiciaire n'apparaissant pas, en tant que telle, de nature à priver d'objet le dispositif de maintien des garanties institué par cet article. En conséquence la position de la société Groupama Gan Vie relativement au refus d'assurer la portabilité des garanties santé aux salariés licenciés de la société Déménagements Transports Pupier est erronée.
En conséquence :
Le tribunal ordonne à la société Groupama Gan Vie SA sous astreinte de 5 000 € par infraction constatée de maintenir le contrat complémentaire santé versé au débat, référencé sous Régime N° 158 - Contrat n° 9545 / 0 et ses additifs tel que signé le 11 janvier 2013 , souscrit par la société Déménagements Transports Pupier le 11 janvier 2013, postérieurement au prononcé des liquidations judiciaires et d'assurer la portabilité des droits correspondants au profit des anciens salariés de la société Déménagements Transports Pupier consécutivement à la liquidation judiciaire selon les modalités prévues par les contrats souscrits et les dispositions de l'article L 911-8 du code de la sécurité sociale.
Le tribunal dit que la portabilité ne peut concerner uniquement le seul contrat santé versé au débat et référencé sous Régime N° 158 - Contrat n° 9545/ 0 et ses additifs tel que signé le 11 janvier 2013.
Le tribunal rappelle que la portabilité ne pourra intervenir que dans le cadre strict de l'article L 911-8 du code de la sécurité sociale (jugement, p. 4 et 5) ;

ALORS QUE l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale permet aux salariés garantis collectivement dans les conditions prévues à l'article L. 911-1 du même code contre les risques décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité, de bénéficier du maintien à titre gratuit de cette couverture en cas de cessation du contrat de travail, non consécutive à une faute lourde, ouvrant droit à prise en charge par l'assurance-chômage, selon les conditions qu'il détermine ; que, toutefois, le maintien des garanties est subordonné à l'existence d'un dispositif assurant le financement du maintien des couvertures santé et prévoyance lorsque l'entreprise souscriptrice est placée en liquidation judiciaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que la loi ne subordonnait la portabilité des droits au profit des salariés licenciés qu'à « l'existence et l'application d'un contrat collectif de complémentaire au jour où le licenciement du salarié est intervenu et ne crée qu'une seule exclusion au bénéfice de la portabilité touchant les salariés licenciés pour faute lourde » (arrêt, p. 5 § 1) ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée (concl., p. 18 et 19), s'il existait un dispositif assurant le financement du maintien de la couverture santé et prévoyance souscrite par la société DTP, ce que contestait la société Groupama Gan Vie qui faisait valoir que le financement du dispositif de portabilité reposait sur un système de mutualisation pesant sur l'employeur et les salariés demeurant dans l'entreprise, et non sur l'assureur, qui ne pouvait s'appliquer en cas de liquidation judiciaire de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale.

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