5 novembre 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-23.606

Troisième chambre civile - Formation restreinte RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2020:C310444

Texte de la décision

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 5 novembre 2020




Rejet non spécialement motivé


M. CHAUVIN, président



Décision n° 10444 F

Pourvoi n° B 19-23.606




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 NOVEMBRE 2020

1°/ M. U... E..., domicilié [...] ,

2°/ M. W... E..., domicilié [...] ,

3°/ Mme S... E..., domiciliée [...] ) (États-Unis),

tous trois agissant en qualité d'ayants droit de N... et A... E..., décédés,

ont formé le pourvoi n° B 19-23.606 contre l'arrêt rendu le 2 septembre 2019 par la cour d'appel de Nancy (1re chambre civile), dans le litige les opposant à M. B... T..., domicilié [...] , intervenant aux lieu et place de M. M..., en qualité de mandataire liquidateur de la société GH entreprise, dont le siège est [...] , défendeur à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Renard, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat des consorts E..., l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Renard, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.


1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les consorts E... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES à la présente décision

Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour les consorts E....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR condamné in solidum M. W... E..., M. U... E..., Mme S... E... à payer à Me T..., ès qualités de mandataire liquidateur de la société GH Entreprise, la somme de 144 021,52 euros au titre du solde dû sur les chantiers de [...], [...] et [...], déduction faite des préjudices des appelants, et D'AVOIR débouté les appelants de leurs demandes au titre des préjudices de jouissance, de non-réception des travaux et de l'absence d'assurance et de documents contractuels ;

AUX MOTIFS QU'« au titre du rapport d'expertise, les premiers juges ont exclu toute organisation d'une contre-expertise, eu égard au délai de neuf ans pris par l'expert D... pour déposer son rapport, ainsi qu'à l'ancienneté du litige initié en avril 2006 ; que les consorts E... forment de nombreuses contestations à l'égard de ce rapport, notamment en ce qu'il n'aurait pas respecté le principe du contradictoire, M. D... n'ayant pas apporté de réponses au dire du 8 juillet 2015, lequel reprenait des remarques de leur conseil du 10 juin 2007 ; que le rapport « complémentaire » a été déposé par M. D... le 20 août 2015 ; que les appelants n'en tirent cependant, aucune conséquence procédurale, si ce n'est la critique de ses conclusions concernant le compte entre les parties ; que par conséquent, ces éléments seront appréciés dans le cadre des moyens de fond qu'ils ont développés contre le jugement déféré ; qu'au titre des relations contractuelles entre les parties, aux termes de l'article 1134 du code civil alors applicable aux éléments de la cause, « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; elles doivent être exécutées de bonne foi » ; que les consorts E... contestent l'existence d'un contrat conclu avec la société GH Entreprise, tout en sollicitant dans le même temps la confirmation du jugement déféré « en ce qu'il acte des règlements des époux E... à la société GH Entreprise à hauteur de 335 491,45 euros, pour les seuls immeubles de [...], ainsi qu'en ce qu'il retient la responsabilité de la société GH Entreprise dans la réalisation des désordres et dans le coût économique généré par l'abandon de chantier » ; qu'ainsi tel que relevé par l'expert et repris dans le jugement déféré, certes « il n'existe aucune pièce contractuelle qui indique la nature des travaux, les quantités et prix convenus, dès lors que les travaux sont payés à l'avancement, en l'absence de tout marché préalable, devis descriptif et quantitatif » ; que cependant, l'absence de contrat écrit, dont l'intérêt est probatoire, ne contredit pas l'existence d'actes matériels de construction, ainsi que d'acquiescement du fait du maître de l'ouvrage qui, au demeurant, s'est partiellement acquitté des factures qui ont été établies par la société Me T..., ès qualité de mandataire liquidateur de GH Entreprise ; que la réalité du contrat est par conséquent démontrée ; que reste à en déterminer les contours, s'agissant des obligations mises à la charge de la société GH Entreprise dont les consorts E... réclament l'exécution ; aussi la charge de la preuve lui incombe ; qu'ainsi les appelants affirment que la créance est indéterminée et que les chiffres avancés ne sont pas justifiés par les parties, en relevant que le rapport d'expertise mentionne qu'il n'existe pas de correspondance entre les situations de travaux présentées par GH Entreprise et les sommes payées par M. E... que les appelants précisent en outre qu'il n'y a pas eu de réception des travaux et que l'entreprise a failli à ses obligations légales et réglementaires les privant de toute garantie ; qu'ils évaluent alors leur préjudice selon les différents immeubles, eu égard aux travaux à réaliser et quant à la perte de chance manifeste de se voir réellement indemnisés du préjudice subi ; qu'en réponse, l'intimé affirme la présence de relations contractuelles comme l'a justifié le jugement de première instance et il allègue que les consorts E... sont toujours redevables de la somme de 144 182,60 euros dans la mesure où l'expertise judiciaire a déduit les coûts des malfaçons, non façons, dégradations, désordres et préjudices économiques ; qu'il résulte des éléments synthétisés par l'expert, ainsi que des pièces produites notamment par la société GH Entreprise que les travaux confiés par N... E... à [...] comprenant deux bâtiments (A et B selon l'expert) (1er trimestre 2001), [...], (1er semestre 2001) puis [...] (octobre 2003) sont intervenus de manière consécutive et régulière, sans rédaction d'aucun écrit ; qu'il en résulte que les parties se trouvaient dans des relations contractuelles suivies et régulières, dans un climat de confiance (absence d'écrit) et sans heurts (succession des chantiers) ; que ces relations n'ont pris fin que du fait du dépôt de bilan de la société GH Entreprise en avril 2004 ; qu'en outre, à l'exception de [...], chantier pour lequel M. I... a été missionné comme maître d'oeuvre, c'est N... E..., notaire de profession, qui remplissait les fonctions de maître d'oeuvre ; qu'il apparaît ainsi que les deux chantiers de [...] ont été menés à terme si ce n'est avec des réserves s'agissant de travaux que l'expert qualifie « de finition » tout comme celui d'[...] ; qu'ils n'ont pas fait l'objet de réception ; que par conséquent ils relèvent de la responsabilité contractuelle de droit commun, s'agissant des malfaçons et nonfaçons énoncées par l'expert dans son rapport de 2007 ; que dans leurs conclusions les appelants contestent cette appréciation, en se fondant sur le constat amiable qu'ils ont fait diligenter, confié à Me K..., huissier de justice ; qu'ainsi ce dernier constate le 12 janvier 2004, soit avant l'arrêt des travaux, que le bâtiment B à [...] présente notamment, un sol et des murs bruts en béton, les fenêtres en applique qui ne sont pas rejointoyées, des traces d'infiltrations qui sont visibles sur le mur du pignon nord, ainsi qu' un escalier brut en béton ; qu'en revanche les couvertures sont réalisées ; que cette description ne diffère guère des images du rapport de l'expert aux pages 27/28 de son rapport de 2006 ; qu'il ne relève cependant que la présence de peu de malfaçons (valorisées à 791,27 euros) mais d'importants travaux restant à réaliser (d'une valeur de plus de 45 000 euros) ; que par conséquent, s'il est constant qu'en l'absence de devis ou contrats signés avant travaux, pour les quatre chantiers confiés successivement à la société GH Entreprise, il n'est aucunement aberrant comme l'avançait le conseil des appelants, de procéder ainsi, pas plus que ne l'est le fait d'engager des chantiers d'envergure, sans maître d'oeuvre ou sans devis précis ; que dès lors les conclusions expertales seront validées ; que le décompte des paiements produits par la société Me T..., ès qualité de mandataire liquidateur de GH Entreprise ainsi que par les consorts E... et repris par l'expert, apparaît comme non contesté et porte sur une somme totale de 355 491,45 euros (pièce jointe n° 5) ; que dans son rapport complémentaire, l'expert a été missionné afin d'effectuer un décompte chantier par chantier, portant sur les travaux réalisés, et en tenant compte des travaux de reprise rendus nécessaires, consécutivement aux malfaçons et non façons qui avaient été listées par l'expert dans son premier rapport en pages 17 à 29 ; que quatre tableaux ont été établis le 03 juillet 2011 et actualisés le 25 avril 2015 ; qu'il en résulte la situation suivante : bâtiment A [...] : 7 factures ont été établies le 16 décembre 2003 pour un total de 405 714,29 euros ; que déduction faite des malfaçons (12 085,03) des non-façons (7 596) et des dégradations constatées contradictoirement (1 200), le solde exigible se réduit ainsi à la somme de 384 833,26 euros ; qu'ainsi après imputation des paiements pour ce chantier (325 491,45) et du coût lié à l'abandon du chantier (2 088,10), le solde exigible est de 57 253,71 euros ; qu'en effet la somme de 22 969,13 euros sollicitée par les appelants au titre des malfaçons n'est pas justifiée et sera écartée ; bâtiment B à [...] : 4 factures ont été établies en novembre 2003 pour une somme totale de 124 268,63 euros ; que déduction faite des malfaçons (21 522), non façons (21 379,58) constatées contradictoirement, le coût des travaux est de 81 367,05 euros ; qu'après imputation des paiements effectués (33 000), des pertes financières locatives (13 000) et celles liées à l'abandon du chantier (4 290,16), le solde est de 31 076.89 euros en faveur de Me T..., ès qualité de mandataire liquidateur de GH Entreprise ; qu'en effet la somme de 60 191,74 euros sollicitée par les appelants au titre des malfaçons n'est pas justifiée et sera écartée ; bâtiment à [...] : les travaux ont été chiffrés à 10 697,70 euros déduction faite de malfaçons évaluées à 3 228,30 euros ; qu'après imputation du coût économique de l'abandon de chantier (129,13 euros) le solde exigible se calcule à 10 568,57 euros ; qu'en effet la somme de 10 826,83 euros sollicitée par les appelants au titre des malfaçons n'est pas justifiée et sera écartée ; qu'enfin pour le chantier de [...], les travaux chiffrés à 45 945,25 euros sont réduits à 45 154 euros au titre des malfaçons (791,25) ; qu'après imputation du coût économique de l'abandon de chantier (31.65 euros) et en l'absence de tout paiement, le solde est réduit à la somme de 45 122,35 euros ; qu'en effet la somme de 822.90 euros sollicitée par les appelants au titre des malfaçons n'est pas justifiée et sera écartée ; qu'ainsi le solde résultant de cette réactualisation des comptes entre les parties, déduction faite des malfaçons, non façons, préjudices financier et économique et après imputation des acomptes payés pour chacun d'entre eux, s'élève à la somme de 144 021,52 euros ; que le jugement déféré sera infirmé à cet égard et l'appel incident de Maître T... ès qualités, admis dans cette limite ; que sur la compensation, les appelants affirment qu'à défaut de créance au bénéfice de la société, celle-ci ne peut avoir lieu et ils rejettent la solidarité en raison des conditions de la succession ; que l'intimé ès qualités, estime qu'il ne peut y avoir compensation ordonnée après l'ouverture d'une procédure collective sous peine d'être qualifiée de paiement privilégié alors prohibé ; qu'il indique alors que la société qu'il représente a déposé son bilan le 3 février 2004 et a été déclarée en liquidation judiciaire le 20 avril de la même année ; qu'une compensation légale ne saurait être retenue en raison de l'absence de certitude quant au critère de l'exigibilité et de liquidités des articles 1290 et 1291 du code civil ; que de plus la créance des consorts E... n'a pas été déclarée au passif de la procédure collective ; que par conséquent elle est inopposable à la société GH Entreprise, société en liquidation judiciaire représentée par son mandataire liquidateur ; que cependant, en l'espèce la notion de compensation sur laquelle les premiers juges ont effectué des développements conséquents, n'a pas lieu d'être invoquée au cas d'espèce, dès lors que la demande tant des appelants principaux que de l'appelant incident, porte sur l'établissement d'un compte entre les parties, en tenant compte des sommes exigibles, au vu des travaux réalisés, de ceux à effectuer, de ceux mal réalisés ainsi que des préjudices tenant à des préjudices accessoires que sont le coût de l'abandon de chantier ainsi que, le cas échéant de la perte locative ; que ce compte a ainsi été établi dans les développements précédents, ce qui exclut le débat tenant à l'existence de contre-créances et donc de compensation » ;

1°) ALORS QUE le juge a l'interdiction de dénaturer les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, dans leurs conclusions d'appel, les consorts E... soulignaient les nombreuses irrégularités et carences du rapport d'expertise de M. D... (conclusions d'appel, p. 8 à 15) ; qu'ils soutenaient que ce document portait atteinte aux droits de la défense, en raison de l'absence de réponse aux dires des exposants, de l'absence de respect du contradictoire, et de la non prise en compte des éléments produits par les consorts E... (ibid., en particulier p. 14 § 6) ; qu'ils en déduisaient que ces irrégularités devaient conduire à « écarter d'office » le rapport (conclusions d'appel, p. 14 § 6) ; que dès lors, en jugeant que les consorts E... ne tiraient aucune conséquence procédurale des irrégularités du rapport et notamment de l'absence de respect du principe du contradictoire (arrêt attaqué, p. 8 § 6), la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel des consorts E... et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°) ALORS, en tout état de cause, QU'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée (conclusions d'appel, p. 8 à 15, p. 18 à 21, et en partic. p. 14), si les multiples irrégularités, carences et inexactitudes du rapport d'expertise, détaillées par les consorts E..., qui revêtaient une particulière gravité et qui avaient été relevées par les premiers juges, lesquels avaient notamment souligné le caractère « intrinsèquement obscur, voir incohérent » du décompte sur lequel s'était fondé l'expert, ne privaient pas de crédibilité le rapport d'expertise précité et ne devaient pas conduire à lui dénier toute force probante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1315 (devenu 1353) du code civil ;

3°) ALORS, de troisième part, QUE celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté l'absence de tout contrat écrit (arrêt attaqué, p. 8) ; que le liquidateur de la société GH Entreprise réclamait le paiement de factures afférentes à des travaux prétendument réalisés à la demande du client, mais dont l'existence et/ou la commande étaient vivement contestées par les consorts E... (conclusions d'appel adverses, p. 4 à 6 ; conclusions d'appel, en partic. p. 8 à 16 et p. 18 à 20) ; qu'il incombait donc au liquidateur de prouver les obligations contractuelles dont il réclamait l'exécution, et dont l'existence même était contestée par les exposants ; qu'en jugeant néanmoins que la charge de la preuve des contours du contrat pesait sur le maître de l'ouvrage – et donc sur les consorts E... , la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé l'article 1315 (devenu 1353) du code civil ;

4°) ALORS, de quatrième part, QUE la preuve d'un marché de travaux d'un montant supérieur à 1 500 euros doit résulter d'un écrit ou d'un commencement de preuve par écrit ; qu'en l'espèce, en se bornant, pour condamner les consorts E... à payer des soldes de travaux au titre de chantiers dont le montant excédait 1 500 euros, à affirmer que l'« intérêt [d'un contrat écrit] » était seulement « probatoire », sans constater, pour chacun des chantiers concernés, l'existence d'un écrit ou d'un commencement de preuve par écrit émanant des consorts E..., la cour d'appel violé l'article 1341 du code civil dans sa rédaction applicable au litige ;

5°) ALORS, de cinquième part, QUE dans leurs conclusions d'appel, les consorts E... contestaient vivement avoir commandé ou accepté les travaux qui avaient été réalisés et/ou facturés par la société GH Entreprise, en soulignant que l'entrepreneur adressait systématiquement des factures à N... et A... E... après avoir réalisé des travaux sans autorisation préalable, et que nombre des factures établies étaient fictives et ne correspondaient pas même à des travaux réalisés ou à du matériel acheté (conclusions d'appel, p. 8 à 16, et en partic. p. 16) ; que dès lors, en se bornant, pour condamner les consorts E... à payer l'ensemble des factures éditées par la société GH Entreprise et retenues par l'expert judiciaire, à relever que les parties « se trouvaient dans des relations contractuelles suivies et régulières, dans un climat de confiance (absence d'écrit) et sans heurts (succession des chantiers » (arrêt attaqué, p. 9), sans rechercher si chacun des travaux concernés avait été préalablement commandé à la société GH Entreprise ou accepté par les consorts E..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1315 et 1787 du code civil dans leur rédaction applicable au litige ;

6°) ALORS, en tout état de cause, QU'en se bornant, pour condamner les consorts E... à payer des soldes de travaux au titre des chantiers litigieux, à affirmer que les parties « se trouvaient dans des relations contractuelles suivies et régulières, dans un climat de confiance (absence d'écrit) et sans heurts (succession des chantiers » (arrêt attaqué, p. 9), sans préciser les obligations qui auraient soi-disant été convenues par les parties dans le cadre de chacun des chantiers, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au litige ;

7°) ALORS, en toute hypothèse, QUE dans leurs conclusions d'appel, les consorts E... contestaient les sommes réclamées en faisant valoir que l'expert judiciaire s'était appuyé sur des factures fictives établies par la société GH Entreprise après l'abandon des chantiers, au sujet desquels l'expert avait lui-même relevé qu'elles « ne correspond[aient] pas au déroulement réel des travaux » (conclusions d'appel, p. 19 §§ 4 s.) ; que dès lors, en se fondant sur les factures établies par l'entrepreneur pour statuer (arrêt attaqué, p. 10), sans répondre au moyen précité, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

8°) ALORS, de huitième part, QUE dans leurs écritures d'appel, les consorts E... contestaient vivement le décompte des paiements produit par l'expert judiciaire pour un montant de 355 491,45 euros, en faisant valoir, de manière détaillée et éléments de preuve à l'appui, que ce décompte incluait les seuls paiements relatifs à l'immeuble situé à [...], et qu'il ne tenait pas compte des paiements importants effectués pour les immeubles d'[...] et de [...] (conclusions d'appel, p. 12 antépénultième § et s., p. 13, et p. 20 in fine à p. 21) ; que dès lors, en jugeant que ce décompte portant sur somme totale de 355 491,45 euros n'était pas contesté (arrêt attaqué, p. 10 § 4), et en se fondant sur ce décompte pour calculer le solde soi-disant dû par les consorts E... (arrêt attaqué, p. 11 § 3), la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

9°) ALORS, de neuvième part, QUE dans leurs écritures d'appel, les consorts E... contestaient le montant qui leur était réclamé par le liquidateur de la société GH Entreprise, en faisant valoir que le premier mandataire liquidateur de cette société, Me M..., avait lui-même reconnu dans un courrier du 21 juin 2004, produit aux débats, que compte tenu des paiements effectués par les consorts E..., ces derniers ne restaient devoir qu'une somme de 1 616,90 euros (conclusions d'appel, p. 12 in fine, et p. 20 in fine) ; que dès lors, en condamnant les époux E... à payer une somme de 144 021 euros au titre du solde des travaux prétendument dus, sans répondre au moyen précité, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

10°) ALORS, de dixième part, QUE dans leurs conclusions d'appel, les consorts E... faisaient valoir de manière circonstanciée que le rapport d'expertise ne tenait pas compte de l'ensemble des malfaçons et de non-façons qui affectaient les immeubles, et qu'il ne valorisait pas celles qu'il retenait à leur juste valeur (conclusions d'appel, p. 10 à 12, et p. 17) ; qu'à l'appui de leur démonstration, ils se prévalaient en particulier d'un rapport d'un ingénieur béton réalisé en juin 2004 par la société 2A Ingénierie, au sujet de l'immeuble de [...], dont il résultait notamment que la cheminée de l'immeuble A menaçait de s'écrouler et que l'immeuble B devait être intégralement repris (production n° 4 ; conclusions d'appel, p. 10-11, et p. 21 in fine, et p. 23-24) ; que dès lors, en affirmant que les sommes de 22 969,13 euros et 60 191,74 euros sollicitées par les consorts E... au titre des malfaçons affectant le chantier de [...] n'étaient pas justifiées, sans analyser, même sommairement, le rapport ingénieur béton précité, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

11°) ALORS, de onzième part, QUE dans leurs écritures d'appel, les consorts E... faisaient valoir que le décompte sur lequel s'était fondé l'expert ne pouvait être retenu, dans la mesure où il était intrinsèquement obscur et incohérent ainsi que l'avaient relevé les premiers juges (conclusions d'appel, en partic. p. 14) ; qu'en se fondant sur ce décompte pour condamner les exposants (arrêt attaqué, p. 10-11), sans répondre au moyen précité, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

12°) ALORS, de dernière part, QUE dans leurs conclusions d'appel (p. 10 à 12, et p. 21 à 25), les exposants faisaient valoir que le rapport d'expertise avait omis de tenir compte de nombreuses malfaçons ; qu'ils soulignaient que l'expert aurait pu réparer ces manquements s'il avait répondu aux dires cruciaux des consorts E..., produits aux débats ; qu'ils ajoutaient qu'il résultait du rapport d'ingénieur béton de la société 2A Ingénierie – également produit aux débats – que, contrairement à ce qu'avait retenu l'expert, les malfaçons ne touchaient pas seulement les finitions s'agissant de l'immeuble A de [...], et que l'immeuble B devait être entièrement repris ; qu'ils signalaient encore certaines malfaçons et certains postes de dépenses qui n'avaient pas été pris en compte par l'expert ; que dès lors, en se bornant, en l'état de cette argumentation détaillée, à affirmer que les sommes sollicitées par les consorts E... au titre des malfaçons affectant les quatre chantiers n'étaient pas justifiées, sans répondre au moyen précité, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté les appelants de leurs demandes au titre des préjudices de jouissance, de non-réception des travaux et de l'absence d'assurance et de documents contractuels ;

AUX MOTIFS QUE « sur l'indemnisation des préjudices des consorts E..., l'indemnisation des préjudices tenant à la perte de loyers ainsi qu'au coût économique de l'abandon de chantier a d'ores et déjà été évaluée au titre du compte de chaque chantier ; que toute demande supplémentaire sur ce point sera par conséquent écartée ; que M. W... E..., M. U... E..., Mme S... E... sollicitent également une indemnisation au titre du préjudice subi du fait de l'absence de réception des travaux et « de documents contractuels » ainsi qu'au titre de l'absence d'assurance construction obligatoire ; que sur ce premier point, il y a lieu de se référer à la décision des premiers juges qui ont ainsi considéré que ces postes de préjudices, ont d'ores et déjà été indemnisés au titre des travaux de reprise du chantier et du coût de leur abandon ; que sur le dernier point, il y a lieu de considérer également qu'il s'agit d'une perte de chance de ne pas contracter ; cette perte de chance n'est que théorique, eu égard à la multiplicité des chantiers et à la nature des relations des parties, qui ont contracté sans documents y compris les devis ; que par conséquent cette demande sera écartée ; que les consorts E... réclament une somme totale de 497 100 euros au titre des troubles de jouissance ; qu'à l'appui de leur demande, ils indiquent qu'ils n'ont pas bénéficié de la garde juridique de leurs immeubles de la période de décembre 2003 (période de livraison prévue) à décembre 2018 ; qu'ils considèrent qu'ils ont ainsi été privés de leur jouissance pendant cette période, de la possibilité de les mettre en sécurité et de procéder à l'achèvement des travaux ; que sur ce dernier point, il y a lieu de constater tout comme l'avaient fait les premiers juges, que ce chef de préjudice n'est pas imputable à la société qui a elle-même abandonné le chantier ; qu'enfin, la perte de jouissance est une conséquence de l'abandon de chantier par la société GH Entreprise, dont le coût économique a d'ores et déjà été indemnisé ; que ce chef de demande sera dès lors rejeté comme non fondé » ;

1°) ALORS QU'en cause d'appel, les consorts E... demandaient à être indemnisés du préjudice que l'absence de souscription par la société GH Entreprise des assurances construction obligatoires, et en particulier d'une assurance responsabilité décennale, leur causait ; qu'ils soulignaient l'ampleur des malfaçons non couvertes par l'assurance qui aurait dû être souscrite, dont certaines compromettaient la solidité des immeubles ; qu'ils ajoutaient qu'en raison de l'absence de souscription d'une assurance responsabilité décennale, ils n'avaient pu, depuis 2004, faire réaliser les travaux nécessaires à la mise en sécurité définitive des immeubles et à l'achèvement des travaux (conclusions d'appel, p. 21 à 26) ; que ni les consorts E..., ni le liquidateur de la société GH Entreprise, n'ont fait valoir que le préjudice causé par la faute de l'entrepreneur consistant dans l'absence de souscription des assurances construction obligatoires aurait consisté dans une simple perte de chance de ne pas contracter ; que dès lors, en jugeant, au sujet de ce préjudice, qu'il ne « s'agi[ssait] que d'une perte de chance de ne pas contracter » (arrêt attaqué, p. 12 § 3), sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations sur ce moyen qu'elle relevait d'office, la cour d'appel a modifié l'objet du litige à la faveur de ce moyen relevé d'office, en violation des articles 4, 5 et 16 du code de procédure civile ;

2°) ALORS, en tout état de cause, QUE la cour d'appel a considéré que le préjudice causé aux époux E... par l'absence de souscription, par la société GH Entreprise, d'une assurance construction obligatoire, consistait dans une perte de chance de ne pas contracter avec le constructeur (arrêt attaqué, p. 12 § 3) ; qu'en refusant d'évaluer et d'indemniser le préjudice dont elle consistait ainsi l'existence, au motif que cette perte de chance n'était « que théorique » (ibid.), la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil dans sa rédaction applicable au litige ;

3°) ALORS, de troisième part, QUE dans leurs conclusions d'appel, les consorts E... faisaient valoir que le préjudice de jouissance, consistant notamment dans une perte de loyers, devait être actualisé par la cour d'appel, dans la mesure où les immeubles litigieux n'étaient toujours pas exploitables en raison des malfaçons et des non-façons qui les affectaient (conclusions d'appel, p. 21 à 26) ; que ce préjudice ne pouvait, par hypothèse, avoir été pris en compte dans le cadre du rapport d'expertise, déposé avant les dernières conclusions des appelants, et qui ne pouvait pas déterminer à quelle date les immeubles deviendraient exploitables ni quand le préjudice de jouissance cesserait ; que dès lors, en se bornant à juger que l'indemnisation du préjudice tenant à la perte de loyers avait déjà été évaluée au titre du compte de chaque chantier, et que la perte de jouissance était une conséquence de l'abandon de chantier par la société GH Entreprise dont le coût économique avait d'ores et déjà été indemnisé dans le cadre des comptes entre les parties réalisés sur le fondement du rapport d'expertise (arrêt attaqué, p. 12 § 4, et p. 10-11), sans répondre au moyen précité, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°) ALORS, de quatrième part, QUE la cour d'appel a elle-même constaté que la société GH Entreprise avait purement et simplement abandonné les différents chantiers, par hypothèse non terminés (arrêt attaqué, p. 10 à 12) ;

que dès lors, en jugeant que la propre faute du constructeur tenant à l'abandon du chantier l'autorisait à s'exonérer de son obligation d'achever les travaux, et par conséquent à échapper à sa responsabilité au titre du préjudice que l'absence d'achèvement des travaux avait causé aux consorts E... (arrêt attaqué, p. 12 § 4), la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable au litige ;

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