12 novembre 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-25.449

Première chambre civile - Formation restreinte RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2020:C110472

Texte de la décision

CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 12 novembre 2020




Rejet non spécialement motivé


Mme BATUT, président



Décision n° 10472 F

Pourvoi n° J 18-25.449







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 NOVEMBRE 2020

M. X... Y..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° J 18-25.449 contre l'arrêt n° RG : 18/03594 rendu le 5 octobre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 2), dans le litige l'opposant à la société ABC News Intercontinental Inc., dont le siège est [...] (Royaume-Uni), défenderesse à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Girardet, conseiller, les observations écrites de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de M. Y..., de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société ABC News Intercontinental Inc., après débats en l'audience publique du 22 septembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Girardet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.


1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour M. Y...

Il est fait grief à la décision attaquée d'avoir déclaré irrecevables les demandes formées par M. X... Y... au titre du droit d'auteur ;

aux motifs que « Sur l'application à l'espèce de la loi française et l'irrecevabilité des demandes soulevées : A titre subsidiaire, la société ABC News sollicite que, dans le cas où l'application de la loi française serait retenue, l'action de monsieur Y... soit déclarée irrecevable aux motifs: - de l'absence de preuve qu'il est l'auteur des oeuvres litigieuses, - de l'absence de preuve de l'originalité des oeuvres invoquées par monsieur Y..., - du défaut de mise en cause des autres co-auteurs, - du fait de la prescription de l'action intentée au titre des droits d'auteur. L'article L 111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que « l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous » indépendamment de toute considération sur les mérites de la création comme l'énonce l'article L.112-1 du même code : « les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les oeuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination ». Il revient à celui qui se prévaut d'un droit d'auteur dont l'existence est contestée de définir et d'expliciter les contours de l'originalité qu'il allègue. Seul l'auteur est en mesure d'identifier les éléments traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole, et le défendeur doit pouvoir, en application du principe de la contradiction, connaître précisément les caractéristiques qui fondent l'atteinte qui lui est imputée et apporter la preuve qui lui incombe de l'absence d'originalité. L'originalité d'une oeuvre doit s'apprécier de manière globale de sorte que la combinaison des éléments qui la caractérise du fait de leur agencement particulier lui confère une physionomie propre qui démontre l'effort créatif et le parti pris esthétique portant l'empreinte de la personnalité de l'auteur. Il lui appartient avant même de définir l'originalité de l'oeuvre au demandeur à l'action en contrefaçon d'identifier les oeuvres qu'il revendique et sur lesquelles il reproche une atteinte à son droit d'auteur. L'article 6 du code de procédure civile énonce : « à l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder »; Or la cour constate que les conclusions prises par monsieur Y... exposent des généralités pour décrire le travail qui est le sien, l'estime dont il bénéficie parmi les professionnels et le public, le courage dont il a fait preuve pour tourner des scènes de guerre, au demeurant non contestés par la société intimée, pour conclure qu'il est demandé à la cour de lui reconnaître la qualité d'auteur sur l'ensemble des reportages et documentaires sur lesquels il est intervenu depuis 1978 [sic] dans le cadre de ses fonctions de journaliste reporter d'images exercées en exécution du contrat de travail conclu en France avec la société ABC News. Ainsi les oeuvres ne sont ni listées, ni identifiées et leur originalité n'est a fortiori pas décrite. Le dispositif de ces écritures ne mentionnent pas les oeuvres revendiquées et se borne à demander qu'il soit jugé qu'il dûment justifié de sa qualité d'auteur « sur les oeuvres revendiquées ». Par 5 sur 23 ailleurs, il ressort des écritures des parties que les oeuvres revendiquées dans leur ensemble par monsieur Y... sont des « oeuvres audiovisuelles » constituées de reportages à la réalisation desquels plusieurs personnes ont concourues. L'article L.113-7 du code de la propriété intellectuelle énonce que « ont la qualité d'auteurs d'une oeuvre audiovisuelle la ou les personnes physiques qui réalisent la création intellectuelle de cette oeuvre ». L'oeuvre audiovisuelle doit ainsi être qualifiée d'oeuvre de collaboration. Monsieur Y... ne conteste d'ailleurs pas l'existence de coauteurs sur certaines oeuvres qu'il revendique, tels notamment messieurs O... et V... qu'il cite expressément comme co-auteurs de certains reportages. Or, l'article L.113-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que «L'oeuvre de collaboration est la propriété commune des coauteurs. Les coauteurs doivent exercer leurs droits d'un commun accord. En cas de désaccord, il appartient à la juridiction civile de statuer ». Une exception à cette règle prévue au dernier alinéa de l'article L.113-3 « Lorsque la participation de chacun des coauteurs relève de genres différents, chacun peut, sauf convention contraire, exploiter séparément sa contribution personnelle, sans toutefois porter préjudice à l'exploitation de l'oeuvre commune ». Cette exception n'a pas vocation à s'appliquer ici, monsieur Y... n'ayant pas apporté la démonstration que sa contribution pour chaque oeuvre serait détachable et dans un genre différent de celles des autres co-auteurs. Aussi, il sera fait droit à l'exception d'irrecevabilité soulevée par la société des demandes formées au titre du droit d'auteur par monsieur Y... » ;

alors 1°/ qu'il n'est pas permis au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que l'exposant produisait régulièrement au débat deux tableaux intitulés : « tableau récapitulatif des reportages effectués par M. Y..., vendus sur le site « abcnews.com » et diffusés sur la chaîne ABC News » (pièce n° 50) et « tableau récapitulatif listant les reportages effectués par M. Y... en vente à la découpe sur les sites de ABC News » (pièce n° 110) recensant les oeuvres à propos desquelles M. Y... revendiquait ses droits d'auteur ; qu'en considérant que les oeuvres pour lesquelles l'exposant revendiquait des droits d'auteur n'auraient été ni listées ni identifiées, la cour d'appel a dénaturé ces deux tableaux par omission, en violation de l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

alors 2°/ qu'il n'est pas permis au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que M. Y... évoquait expressément, dans ses conclusions et à titre d'exemple, cinq documentaires pour lesquels il démontrait, pour chacun et preuves à l'appui, l'originalité de son intervention en tant qu'auteur, faisant valoir, à propos du reportage « Test of courage : Tour de France » « l'implication de sa personne et » son « initiative créatrice » puisqu'il était « totalement libre et autonome dans ses choix de ses prises de son et interviews » (conclusions, p. 55, § 2), qu'il avait obtenu deux prix pour la prise de son du documentaire « Answering kids question special september 2001 », le prix « A... E...-Colombia University Awar » en 2001 et 6 sur 23 le prix « I... Award » également en 2001 (conclusions, p. 55, § 4), qu'il avait également reçu deux prix pour son intervention dans la création du reportage « The New Millenium Highlight » et du reportage « The Making of a Summit Series » (conclusions, p. 55 in fine) et qu'il était l'auteur des prises de son des documentaires « Jesus Mary and T... » et « unlocking T... Code : the full story » (conclusions p. 57) ; qu'en considérant que M. Y... n'aurait ni listé, ni identifié les oeuvres sur lesquelles il revendiquait des droits d'auteur, et qu'il n'aurait pas décrit leur originalité, la cour d'appel a dénaturé les écritures de l'exposant, en violation de l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

alors 3°/ que la cour d'appel est tenue de statuer sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties ; que dans le dispositif de ses conclusions d'appel, l'exposant demandait à la cour d'appel de « Dire et juger que Monsieur X... Y... a dûment justifié de sa qualité d'auteur sur les oeuvres revendiquées », les oeuvres revendiquées étant très nombreuses et énumérées dans des tableaux, régulièrement versés au débat ; qu'en considérant que les demandes de M. Y... seraient irrecevables, au prétexte que le dispositif de ses conclusions ne mentionne pas les oeuvres revendiquées et se limiterait à demander à la cour d'appel de juger qu'il a justifié de sa qualité d'auteur sur ces oeuvres, la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile ;

alors 4°/ que les juges ne peuvent porter une atteinte excessive au droit d'accès à un tribunal ; qu'en considérant que les demandes de M. Y... seraient irrecevables, au prétexte que le dispositif de ses conclusions ne mentionne pas les oeuvres revendiquées et demande seulement à la cour d'appel de juger qu'il a justifié de sa qualité d'auteur sur ces oeuvres, quand l'exposant demandait à la cour d'appel, dans le dispositif de ses conclusions de « Dire et juger que Monsieur X... Y... a dûment justifié de sa qualité d'auteur sur les oeuvres revendiquées » et produisait régulièrement au débat deux tableaux présentant la liste, très longue, des oeuvres sur lesquelles il revendiquait ses droits d'auteur, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

alors 5°/ que le coauteur d'une oeuvre de collaboration peut agir seul pour la défense de son droit moral, quand sa contribution peut être individualisée ; qu'en considérant que M. Y... n'aurait pas apporté la démonstration que sa contribution pour chaque oeuvre serait détachable et dans un genre différent de celle des co-auteurs sans rechercher comme elle y était invitée (cf. conclusions, pp. 54 et s) si M. Y... n'était pas le seul auteur des prises de son des reportages intitulés « Test of courage : Tour de France », « Answering kids question special september 2001 », « The New Millenium Highlight », « The Making of a Summit Series », « Jesus Mary and T... » et « Unlocking da Vinci Code : the full story », dont certains avaient donné lieu à l'attribution de prix pour le son, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-3 du code de la propriété intellectuelle.

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