12 novembre 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-15.179

Troisième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2020:C300966

Titres et sommaires

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE - baux commerciaux - code de commerce - articles l. 145-33 et l. 145-34, alinéa 1 - articles 2, 6, 13 et 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen - caractère sérieux - défaut - non-lieu à renvoi

Texte de la décision

CIV. 3

COUR DE CASSATION



MF


______________________

QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________





Audience publique du 12 novembre 2020




NON-LIEU A RENVOI


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 966 FS-P+B+I

Pourvoi n° N 20-15.179





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 NOVEMBRE 2020

Par mémoire spécial présenté le 14 août 2020, Me Le Prado, avocat de M. V... S..., M. H... S... et Mme W... S..., a formulé une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi n° N 20-15.179 qu'ils ont formé contre l'arrêt rendu le 11 février 2020 par la cour d'appel de Limoges (chambre économique et sociale), dans l'instance mettant en cause :

1°/ M. V... S..., domicilié [...] ,

2°/ M. H... S...,

3°/ Mme W... S...,

domiciliés tous deux [...],
4°/ la société Elhil, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,

5°/ M. C... G..., domicilié [...] , pris en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Elhil.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Parneix, conseiller, les observations de Me Le Prado, avocat de MM. V... et H... S... et de Mme W... S..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Elhil et de M. G..., ès qualités, et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 novembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Parneix, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mme Andrich, MM. Barbieri, Jessel, David, conseillers, Mme Collomp, MM. Béghin, Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, conseillers référendaires, Mme Morel-Coujard, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon bail du 25 février 1997, renouvelé le 26 juillet 2007, la société Elhil est locataire, moyennant un loyer mensuel de 1 436,55 euros, d'un immeuble à usage commercial appartenant à M. et Mme S... et à leur fils, M. V... S... (les consorts S...).

2. Le 11 juillet 2018, les consorts S..., exerçant leur droit de repentir, ont consenti au renouvellement du bail.

3. Par arrêt du 11 février 2020, la cour d'appel de Limoges a fixé à la somme de 12 000 euros le loyer annuel du bail renouvelé.

Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité

4. A l'occasion du pourvoi formé contre cet arrêt, les consorts S..., soutenant que l'absence de limite à la baisse du montant du loyer portait atteinte au droit de propriété et au principe d'égalité ont, par mémoire distinct, posé la question prioritaire de constitutionnalité suivante :

« Les articles L. 145-33 et L. 145-34 alinéa 1er du code de commerce sont-ils contraires au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et au principe d'égalité garanti notamment par les articles 6 et 13 du même texte fondamental et par l'article 3 de la Constitution de 1958 ? »

Examen de la question prioritaire de constitutionnalité

5. Les dispositions contestées sont applicables au litige qui porte sur la fixation du loyer du bail renouvelé à la valeur locative.

6. Elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

7. D'une part, la question posée, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.

8. D'autre part, en premier lieu, cette question, en ce qu'elle invoque une atteinte au droit de propriété, ne présente pas un caractère sérieux.

9. D'abord, les dispositions contestées ne sont pas d'ordre public et les parties peuvent les écarter afin de fixer d'un commun accord le prix du loyer du nouveau bail.

10. Ensuite, à l'issue d'une période de trois ans, le bailleur peut demander la révision du loyer et compenser ainsi partiellement ou totalement la perte de revenu subie lors du renouvellement du bail.

11. Enfin, la fixation du loyer à la valeur locative, y compris à la baisse, correspond au juste prix du bail, déterminé si nécessaire après expertise contradictoire et sous le contrôle du juge, compte tenu des caractéristiques matérielles du bien et de l'état du marché locatif.

12. En deuxième lieu, la question posée ne présente pas davantage un caractère sérieux en ce qu'elle invoque une atteinte au principe d'égalité.

13. En effet, le bailleur et le preneur ne sont pas dans une situation identique, de sorte que le législateur était fondé à les soumettre à un traitement différent afin d'assurer la protection du preneur contre la surélévation du loyer en cas de dégradation de l'environnement économique du bail.

14. Cette différence de traitement est limitée, proportionnée et en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit.

15. Par suite, la fixation du loyer à la valeur locative, sans plancher à la baisse, n'est pas contraire au principe d'égalité.

16. En troisième lieu, la fixation du loyer lors du renouvellement du bail ne constituant pas une charge publique, la question posée, en ce qu'elle invoque une méconnaissance de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, est inopérante.

17. En conséquence, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille vingt.

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