3 décembre 2020
Cour d'appel de Paris
RG n° 18/04402

Pôle 6 - Chambre 5

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 03 DÉCEMBRE 2020



(n° 2020/ , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/04402 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5LX4



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Décembre 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F14/16296





APPELANT



Monsieur [I] [F]

[Adresse 3]

[Localité 6]

né le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 8] (99)



Représenté par Me Ahmadou SYLLA, avocat au barreau de PARIS, toque : C1688





INTIMEES



SAS COMATEC prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège sis

[Adresse 4]

[Localité 7]



Représentée par Me Gabriel RENY, avocat au barreau de PARIS, toque : C1801



Compagnie d'assurances AG2R REUNICA PRÉVOYANCE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège sis

[Adresse 2]

[Localité 5]



Représentée par Me Muriel DELUMEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : B0967





COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 29 Septembre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre,

Madame Nelly CAYOT, Conseillère



qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Catherine BRUNET, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.



Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats





ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, prorogé à ce jour,

- signé par Madame Catherine BRUNET, Présidente et par Madame Cécile IMBAR, Greffière, présente lors de la mise à disposition.






EXPOSE DU LITIGE



Le contrat de travail de M. [I] [F] a été repris par la société Comatec à compter du 1er janvier 1986 avec une reprise d'ancienneté au 3 septembre 1973. M. [F] exerçait les fonctions d'agent de nettoyage.



Il a été placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 19 décembre 2001 jusqu'au 31 janvier 2005



Par un premier avis du 6 février 2006, le médecin du travail l'a déclaré 'inapte à tous les postes dans l'entreprise à revoir dans 15 jours' ; par un second avis du 21 février 2006, il l'a déclaré 'inapte à tous les postes dans l'entreprise (avis définitif ; 2ème visite)'.



Considérant notamment que le contrat de travail devait être résilié et sollicitant des sommes tant au titre de l'exécution que des prestations retraite et de prévoyance, M. [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 19 décembre 2017 auquel la cour renvoie pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties a :



- déclaré la demande de M. [F] irrecevable ;

- débouté la société Comatec de sa demande reconventionnelle ;

- débouté la société AG2R Réunica Prévoyance de sa demande reconventionnelle ;

- condamné M. [F] aux dépens de l'instance.



M. [F] a relevé appel de ce jugement le 20 mars 2018.



Par conclusions transmises et notifiées par le réseau privé virtuel des avocats (RPVA) le 20 août 2020 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [F] soutient notamment que ses actions ne sont pas prescrites, que le contrat de travail n'a pas été rompu par la société et qu'il doit être résilié, que des prestations retraite et prévoyance lui sont dues. En conséquence, il demande à la cour de :



in limine litis, sur les exceptions d'irrecevabilité et d'incompétence,

sur la compétence,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé le conseil de prud'hommes incompétent pour statuer sur les demandes relatives aux prestations de prévoyance des articles L. 1411-1 et L. 1411-4 du code du travail ;

- évoquer l'affaire afin d'y donner une solution définitive en application de l'article 568 du code de procédure civile ;

sur la prescription,

- dire et juger que la prescription a été à la fois suspendue et interrompue ;

- dire et juger qu'il est bien fondé et recevable en toutes ses actions fondées sur le contrat de travail le liant à la société Comatec ;

sur le fond,

à titre principal,

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail,

subsidiairement,

- condamner la société Comatec à lui payer au titre des chefs de demandes ci-après :

* 325 192,32 euros au titre des salaires impayés sur la période de suspension du contrat de travail du 19 décembre 2001 au 1er janvier 2013 en application de l'article L. 1226-4 du code du travail,

* 126 463,68 euros au titre provisionnel des salaires impayés sur la période du 1er janvier 2013 à la date de prononcé de la résiliation du contrat par la cour en application de l'article L. 1226-4 du code du travail,

* 53 765,04 euros au titre du rappel des indemnités des congés payés sur la période de suspension du contrat de travail en application de l'article L. 1226-4 du code du travail,

* 44 804,16 euros au titre de dommages et intérêts pour le licenciement sans cause réelle ni sérieuse en vertu de l'article L. 1235-5 du code du travail,

* 11 576,46 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement en application de l'article 7 de la convention collective,

* 7 672,50 euros au titre de la prime conventionnelle d'ancienneté en application de l'article 25 de la convention collective,

* 3 733,68 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis en application de l'article 4 de la convention collective,

* 5 600,52 euros au titre de l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement en application des articles L. 1232-2 du code du travail,

* 11 201,05 au titre de l'indemnité de départ à la retraite en application de l'article 8 de la convention collective,

* 115 536,24 euros au titre des dommages et intérêts en réparation de la perte des droits à la retraite au taux plein,

* condamner conjointement et solidairement la société Comatec et la société d'assurance AG2R Réunica Prévoyance à lui payer les sommes suivantes :

. 94 847,75 euros au titre de la pension d'invalidité permanente conventionnelle en application de l'article 24 de la convention collective,

. 27 099,36 euros au titre du capital décès anticipé dû en application de l'article 24 de la convention collective,

* 10 000 euros au titre du préjudice de la perte de jouissance des sommes dues ;

* 5 000 euros au titre des frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

* condamner aux entiers dépens de l'article 699 du code de procédure civile.



Par conclusions transmises et notifiées par le RPVA le 31 août 2020 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société Comatec soutient notamment qu'elle a licencié M. [F] le 21 mars 2006, que compte tenu de ce licenciement survenu antérieurement, il ne peut pas solliciter la résiliation de son contrat de travail ; que plusieurs de ses demandes sont soit prescrites soit irrecevables. En conséquence, elle demande à la cour de :



- juger :

* irrecevables faute d'avoir été mentionnées dans le dispositif de ses conclusions notifiées dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile les demandes de Monsieur [I] [F] d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité conventionnelle de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, de rappel de salaire de la somme de 325 192,32 euros au titre de la période du 19 décembre 2001 au 1er janvier 2013, de rappel de prime d'ancienneté et d'indemnité pour perte de jouissance,

* que Monsieur [I] [F] a été licencié le 21 mars 2006 sans que ce licenciement ni la procédure y ayant abouti, compte tenu du délai prescriptif, ne puissent plus être remis en cause,

* que les demandes de Monsieur [I] [F] de rappel de salaires et de congés payés antérieures au licenciement du 21 mars 2006 sont toutes infondées en raison de ses absences à son poste de travail (arrêts de travail, absences non payées, congés payés réglés par la caisse des congés payés, congés sans solde, absences irrégulières) et en raison de leur caractère prescrit,



* que les demandes de Monsieur [I] [F] de rappel de salaires et de congés payés postérieures au licenciement du 21 mars 2006 sont toutes infondées en raison de la rupture de son contrat de travail et en raison de leur caractère prescrit,

* que Monsieur [I] [F] ne justifie pas de la prime d'ancienneté qu'il sollicite qui est en tout état de cause prescrite,

*que Monsieur [I] [F] a été reconnu en invalidité et a été licencié avant que les salariés de la société Comatec ne bénéficient d'un régime de prévoyance complémentaire et qu'en tout état de cause, ses demandes à ce titre sont prescrites,

* que Monsieur [I] [F] ne justifie pas la responsabilité de la société Comatec dans sa prétendue absence de retraite à taux plein,

En conséquence,

- débouter M. [F] de ses demandes

- confirmer le jugement ;

A titre subsidiaire, si la cour jugeait que le licenciement de Monsieur [I] [F] n'a pas été valablement prononcé et en temps prescrit et que l'ensemble de ses demandes seraient recevables,

- limiter à la somme de 3 711 euros l'indemnité pour licenciement injustifié en cas de résiliation judiciaire ;

- limiter à la somme de 7 422 euros l'indemnité pour licenciement injustifié en cas de licenciement ;

- condamner M. [F] à lui verser la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [F] en tous les dépens.



La société AG2R Réunica Prévoyance a constitué avocat le 9 juillet 2018 mais n'a pas conclu.



L'ordonnance de clôture est intervenue le 1er septembre 2020.




MOTIVATION



A titre liminaire, la cour relève que le conseil de prud'hommes n'a pas statué sur son incompétence pour statuer sur le contrat de prévoyance soulevée par la société AG2R Réunica Prévoyance et que cette incompétence n'est pas soulevée devant la cour. Elle retient en conséquence qu'il n'y a pas lieu à statuer sur la compétence.



La société Comatec oppose à certaines des demandes de M. [F] une fin de non recevoir tirée de leur non-formulation dans ses conclusions déposées dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile et une fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action.



Sur l'irrecevabilité des demandes non formulées dans les conclusions déposées dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile



La société fait valoir pour plusieurs demandes qu'elles n'apparaissaient pas dans les premières conclusions de M. [F] déposées le 17 juin 2018 dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile et elle en déduit que ces demandes sont irrecevables.



Sur la demande de rappel de salaire pour la période de suspension du contrat de travail du 19 décembre 2001 au 1er janvier 2013



M. [F] sollicite à ce titre une somme de 325 192,32 euros.



La société fait valoir que cette demande de M. [F] pour cette période n'apparaissait pas dans ses premières conclusions car il sollicitait alors le paiement de la somme de 273 173,10 euros à ce titre.









Il résulte de l'article 910-4 du code de procédure civile que les parties doivent présenter, à peine d'irrecevabilité relevée d'office dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond.



Aux termes de ses premières conclusions transmises à la cour d'appel par RPVA le 17 juin 2018, M. [F] sollicitait au même titre la somme de 273 173,10 euros pour la période du 1er janvier 2001 au 1er janvier 2013 de sorte que, s'agissant d'une simple élévation du montant sollicité, la prétention examinée est recevable.



Sur les demandes au titre du préjudice de la perte de jouissance des sommes dues, à titre de rappel de prime d'ancienneté et au titre du préjudice lié à l'absence de retraite à taux plein



Comme le fait valoir la société Comatec, il résulte des conclusions de M. [F] transmises et notifiées par RPVA le 17 juin 2018 que ces demandes ne figuraient pas à leur dispositif. Dès lors par application des dispositions précitées de l'article 910-4 du code de procédure civile, ces demandes de M. [F] seront déclarées irrecevables.



Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription



Il convient en premier lieu de statuer sur l'existence ou non d'un licenciement afin de répondre à la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action en contestation de ce licenciement.



Sur le licenciement



M. [F] soutient qu'il n'a pas été licencié. La société Comatec fait valoir qu'elle a procédé à son licenciement le 21 mars 2006 comme le démontrent le certificat de travail remis au salarié, l'attestation ASSEDIC, un bulletin de salaire du mois de mars 2006 ainsi que la lettre que le conseil de M. [F] lui a adressé le 30 septembre 2014.



La cour constate que dans le cadre d'un contentieux distinct, le conseil de M. [F] a demandé à la société Comatec par courrier du 30 septembre 2014 un document retraçant le déroulement normal de sa carrière et a qualifié ce dernier d'ancien salarié de la société comme elle le souligne à juste titre. En outre, est joint à cet envoi un certificat de travail établi par la société Comatec le 21 mars 2006 indiquant que M. [F] a été employé de la société du 1er janvier 1986 au 21 mars 2006.



Il résulte de ces éléments que M. [F] a été destinataire de ce certificat de travail indiquant comme date de sortie de la société le 21 mars 2006 et qu'il se qualifiait lui-même d'ancien salarié. La rupture du contrat de travail fixée au 21 mars 2006 est encore corroborée par la production de l'attestation ASSEDIC mentionnant comme fin de la période d'emploi le 21 mars 2006 et indiquant que la rupture intervenue est un licenciement pour inaptitude ainsi que par le bulletin de salaire établi pour la période du 1er au 21 mars 2006 mentionnant une indemnité de licenciement et son paiement par chèque du 3 avril 2006.



Les deux avis d'inaptitude en date des 6 et 26 février 2006 produits sont cohérents avec une date de licenciement au 21 mars 2006.



Il ressort de ces éléments que le contrat de travail de M. [F] a été rompu par un licenciement le 21 mars 2006.



Dès lors, M. [F] sera débouté de sa demande au titre d'une résiliation du contrat de travail présentée pour la première fois le 3 juillet 2017, de sa demande au titre d'un montant provisionnel de salaires impayés pour la période du 1er janvier 2013 à la date du prononcé de la résiliation du contrat de travail soit la somme de 126 463,68 euros, de sa demande d'indemnité de départ à la retraite, le contrat de travail ayant été rompu par un licenciement.



La décision des premiers juges sera infirmée en ce qu'ils ont déclaré irrecevable la demande de M. [F] au titre de l'indemnité de départ à la retraite.





Sur la prescription de l'action en contestation du licenciement



La société Comatec soutient que l'action relative au licenciement est prescrite depuis le 19 juin 2013 en faisant valoir que jusqu'au 18 juin 2008, la prescription pour contester un licenciement était de 30 ans, puis qu'elle a été réduite à 5 ans et qu'à compter du 17 juin 2013, elle a été réduite à 2 ans.



M. [F] soutient que son action n'est pas prescrite en invoquant plusieur moyens.



En premier lieu se fondant sur les dispositions de l'article L. 1471-1 du code du travail, il fait valoir que la prescription d'une action relative à la rupture d'un contrat de travail ne commence à courir qu'à compter de la connaissance des faits permettant l'exercice des droits et de la notification du licenciement et qu'en l'espèce, ces deux exigences sont liées à la notification des motifs du licenciement. Il en déduit qu'en l'absence de preuve par la société de la notification du licenciement et de ses motifs, la prescription n'a pas commencé à courir.



La société soutient que le licenciement lui a été notifié.



Il a été retenu précédemment que M. [F] a été destinataire du certificat de travail puisqu'il le produit et qu'il a perçu une indemnité de licenciement. Ces deux éléments suffisent à retenir qu'il a été informé de la rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur qui constituait de ce fait un licenciement. La société affirme sans le démontrer qu'elle a adressé au salarié une lettre de licenciement qu'elle ne détient plus compte tenu de l'ancienneté de la rupture. Elle ne démontre donc pas avoir adressé au salarié une lettre de licenciement. Mais il ne peut pas se déduire de l'absence d'envoi d'une lettre de licenciement et donc d'énonciation de motifs, que la prescription n'a pas commencé à courir alors que précisément, la rupture étant certaine, M. [F] disposait dès la réception de son certificat de travail et de l'indemnité de licenciement de tous les éléments lui permettant d'engager une action à l'encontre de son employeur au titre d'un licenciement intervenu dans ces conditions.



Ce premier moyen sera rejeté.



En second lieu se fondant sur les dispositions de l'article 2234 du code civil, M. [F] soutient que son action n'est pas prescrite car son état de santé constitue un cas de force majeure, car il correspond à la notion de handicap définie par la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 et la Cour de Justice de l'Union Européenne en ce que 'la déficience physique ou mentale peut constituer une impossibilité d'agir, suivant les circonstance de l'espèce.'



La société soutient que son état de santé n'a pas d'incidence sur la prescription.



Aux termes de l'article 2234 du code civil, la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.



M. [F] produit aux débats un rapport d'expertise établi le 9 novembre 2012. Si ce document démontre que M. [F] était atteint de pathologies physiques, aucun élément de ce document ne révèle qu'il était psychiquement dans l'impossibilité absolue d'agir, sa pathologie étant survenue après l'extraction de deux dents et entraînant outre des préjudices patrimoniaux, des préjudices extra-patrimoniaux parmi lesquels un déficit fonctionnel permanent de 25 % entrainant des troubles particulièrement graves dans les conditions d'existence constitués par une perte prématurée de sa profession, une perte d'autonomie pour l'alimentation en raison des dyskénies et de l'impossibilité de réhabilitation prothétique, une dégradation des relations familiales et un retentissement social de son état.



En conséquence, ce moyen sera écarté.



En troisième lieu se fondant sur les dispositions de l'article 2233 du code civil, M. [F] fait valoir que la société n'a pas exécuté les deux conditions faisant courir la prescription à savoir la notification du licenciement et le fait de lui porter les créances de salaire.



Aux termes de cet article, la prescription ne court pas :

1° A l'égard d'une créance qui dépend d'une condition, jusqu'à ce que la condition arrive ;

2° A l'égard d'une action en garantie, jusqu'à ce que l'éviction ait lieu ;

3° A l'égard d'une créance à terme, jusqu'à ce que ce terme soit arrivé.



La cour a précédemment retenu que la société a notifié à M. [F] la rupture du contrat de travail et qu'elle lui a payé une indemnité de licenciement.



Ce moyen sera écarté.



En quatrième lieu au visa de l'article L. 1134-5 du code du travail, M. [F] soutient que son licenciement étant selon lui discriminatoire, la prescription n'a couru qu'à compter de la date à laquelle il a eu connaissance du motif discriminatoire de son licenciement par les conclusions de la société indiquant qu'il avait été licencié pour inaptitude ce dont il résulte qu'il a été licencié en raison de son état de santé.



La société fait valoir que son licenciement n'est en rien discriminatoire.



Aux termes de cet article, l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination. Les dommages et intérêts réparent l'entier préjudice résultant de la discrimination, pendant toute sa durée.

Il en résulte que ce délai de prescription s'applique uniquement à l'action en réparation d'une discrimination et non à l'action en contestation du licenciement fût-il discriminatoire, le salarié pouvant dans le délai de 5 ans à compter de la révélation de la discrimination engager une action en réparation de son entier préjudice.



Ce moyen sera donc écarté.



En cinquième lieu, M. [F] soutient que l'exception de nullité est opposable perpétuellement à toute prescription en considérant que cette exception est constituée par le licenciement discriminatoire qu'il invoque.



La règle 'Quae temporalia' qu'il invoque, est reprise par l'article 1185 du code civil aux termes duquel l'exception de nullité ne se prescrit pas si elle se rapporte à un contrat qui n'a reçu aucune exécution ce dont il se déduit que la partie qui a perdu la possibilité d'intenter une action en nullité d'un contrat en raison de la prescription de son action, peut se prévaloir de cette nullité à l'encontre de celui qui prétend se prévaloir de ce contrat. Cependant, en l'espèce la société ne se prévaut pas d'un contrat et c'est M. [F] qui soulève la nullité du licenciement en sa qualité de demandeur à l'action. Dès lors, ce moyen sera écarté.



En sixième lieu, il invoque une suspension de la prescription résultant de la garantie d'emploi disposée par la convention collective de la manutention ferroviaire et travaux connexes applicable.



La société fait valoir que l'éventuel non respect de cette disposition n'empêche pas la prescription de courir.



Il résulte de l'article 20 que 'le contrat de travail du salarié absent pour longue maladie est suspendu pendant toute la durée de son arrêt de travail.' Il s'en déduit que cette disposition ne suspend pas la prescription au sens des dispositions de l'article 2254 visées par M. [F].



En conséquence, M. [F] ayant saisi le conseil de prud'hommes le 22 Décembre 2014, la cour retient que son action en contestation du licenciement est prescrite. Dès lors, ses demandes au titre d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une indemnité conventionnelle de licenciement, d'une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement et d'une indemnité compensatrice de préavis seront déclarées irrecevables.



Sur la demande au titre de la pension d'invalidité permanente conventionnelle



M. [F] soutient que conformément aux dispositions de l'article 24 du régime de prévoyance des salariés non cadres en son 4°, il devait bénéficier mensuellement d'une pension d'invalidité égale à 70% du salaire de référence en sus de la prestation de sécurité sociale dès lors qu'il bénéficiait d'une pension de la sécurité sociale au titre de l'assurance invalidité de 2ème et de 3ème catégorie.



La société soulève la prescription de cette action dans la mesure où elle est afférente à la période du mois de décembre 2001 au mois de décembre 2006 et que M. [F] a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande à ce titre le 22 décembre 2014 de sorte que sa demande portant sur la période antérieure au 22 décembre 2009 est prescrite.



En réponse à cette fin de non-recevoir, M. [F] fait valoir en premier lieu que la prescription est de dix ans par application des dispositions de l'article L. 932-13 du code de la sécurité sociale.



Aux termes de l'article L. 932-13, alinéa 1, du code de la sécurité sociale, l'action tendant à obtenir d'une institution de prévoyance le bénéfice de la garantie invalidité, est soumise à la prescription biennale.

Toutefois, ce délai ne court :

1° En cas de réticence, omission, déclaration fausse ou inexacte sur le risque couru, que du jour où l'institution de prévoyance en a eu connaissance ;

2° En cas de réalisation du risque, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s'ils prouvent qu'ils l'ont ignorée jusque-là.



M. [F] fait valoir que la prescription n'a pas commencé à courir dans la mesure où en premier lieu, il se trouvait dans l'incapacité d'agir dans la mesure où il ne connaissait pas le nom de l'assureur et que la société a violé les dispositions de la loi n°89-1009 du 31 décembre 1989. Il ajoute que la société ne l'a pas inclus dans la liste des salariés en arrêt de travail lors du transfert d'assurance de la société d'assurance Réunica à la société d'assurance AG2R la Mondiale.



La société fait valoir que l'existence de l'assurance a été prévue par un avenant à la convention collective entré en vigueur postérieurement au licenciement de M. [F].



L'incapacité d'agir de M. [F] en raison de son état de santé a été précédemment écartée. Il a été placé en invalidité de 2ème catégorie le 18 janvier 2005 à effet du 19 décembre 2004. Il avait donc connaissance de ce risque le 18 janvier 2005. Enfin, l'article 12 de la loi du 31 décembre 1989 fixe à la charge de l'employeur l'obligation d'informer les salariés de la souscription d'une assurance. Cependant, en l'espèce, il convient de relever que la société Comatec n'a souscrit un contrat collectif d'assurance qu'après le licenciement de M. [F] comme le révèle le courrier de la société AG2R La Mondiale qu'il produit. En outre, l'avenant N° 11 à la convention collective instaurant un régime minimum obligatoire de prévoyance complémentaire du 17 mars 2006 n'était pas en vigueur avant le licenciement de M. [F] puisqu'il est entré en vigueur le premier jour du mois qui suit l'arrêté d'extension du 27 février 2007. Il s'en déduit qu'en l'absence de souscription par la société d'un contrat d'assurance collective avant le licenciement du salarié, elle n'avait pas l'obligation de l'en informer de sorte que le cours de la prescription biennale n'a pas été suspendu et que l'action de M. [F] au titre d'une pension d'invalidité permanente conventionnelle est irrecevable comme prescrite.



La décision des premiers juges sera confirmée à ce titre.







Sur le rappel de salaires sur la période de suspension du contrat de travail du 19 décembre 2001 au 1er mars 2013 et sur le rappel de congés payés en application de l'article L. 1226-4 du code du travail



Au titre de la période du 21 mars 2006 au 1er mars 2013



Comme le fait valoir la société, aucun rappel de salaire ni indemnité de congés payés n'est dû à M. [F] pour la période postérieure à son licenciement. Il sera débouté de sa demande à ce titre et la décision des premiers juges qui ont considéré cette demande irrecevable, sera infirmée.



Au titre de la période du 19 décembre 2001 au 21 mars 2006



Pour la période antérieure au licenciement, la société soutient que, la prescription étant quinquennale, ces deux demandes sont prescrites depuis le 21 mars 2011 soit antérieurement à la saisine par M. [F] du conseil de prud'hommes le 22 décembre 2014.



Conformément aux dispositions de la loi du 17 juin 2008, M. [F] disposait d'un délai de 5 ans pour introduire une action en paiement de salaire à compter du jour où il a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. Il a été précédemment retenu que M. [F] ne se trouvait pas dans l'impossibilité d'agir en raison de son état de santé, qu'il ne pouvait pas valablement invoquer les dispositions de l'article 2233 du code civil, étant précisé qu'un bulletin de salaire a été établi jusqu'au 21 mars 2006, date de son licenciement, de sorte qu'il avait connaissance de l'intégralité des sommes qui lui ont été payées pendant l'ensemble de sa période d'emploi et que l'article 20 de la convention collective applicable ne suspendait pas la prescription.



Dès lors, la cour retient que M. [F] disposait de tous les éléments pour introduire une action en paiement de son salaire à compter du 21 mars 2006 et qu'ayant saisi pour la première fois le conseil de prud'hommes le 22 décembre 2014, son action en paiement de salaires et d'indemnité compensatrice de congés payés pour la période antérieure au 21 mars 2006 est prescrite et ses demandes à ce titre irrecevables.



La décision des premiers juges sera confirmée à ce titre.



Sur le capital décès anticipé



M. [F] soutient que ce capital décès lui est dû sur le fondement de l'article 24 de l'avenant N° 11 précité.



La société fait valoir à titre principal que cet avenant n'était pas applicable, M. [F] ayant quitté l'entreprise antérieurement à son entrée en vigueur.



La cour a précédemment retenu que cet avenant est entrée en vigueur le premier jour du mois qui suit l'arrêté d'extension du 27 février 2007 de sorte qu'il n'était pas applicable à la situation de M. [F] qui a quitté l'entreprise à la suite de son licenciement le 21 mars 2006.



M. [F] sera en conséquence débouté de sa demande à ce titre.



La décision des premiers juges sera infirmée en ce qu'ils ont déclaré irrecevable la demande de M. [F] au titre du capital décès.



Sur les dépens et les frais irrépétibles



Partie perdante, M. [F] sera condamné au paiement des dépens exposés en cause d'appel. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a mis les dépens à sa charge.



Aucune circonstance de l'espèce ne conduit à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. La décision des premiers juges sera confirmée à ce titre.





PAR CES MOTIFS





La cour statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,



DIT que M. [I] [F] a été licencié le 21 mars 2006,



CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de M. [I] [F] au titre de l'indemnité de départ à la retraite, du capital décès anticipé, du rappel de salaire et d'indemnité compensatrice de congés payés pour la période du 21 mars 2006 au 1er mars 2013,



Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,



REJETTE la fin de non recevoir afférente aux demandes de rappel de salaire et d'indemnité compensatrice de congés payés du 21 mars 2006 au 1er mars 2013,



DÉBOUTE M. [I] [F] de ses demandes au titre de l'indemnité de départ à la retraite, du capital décès anticipé, du rappel de salaire et d'indemnité compensatrice de congés payés pour la période du 21 mars 2006 au 1er mars 2013,



CONFIRME le jugement pour le surplus;



Y ajoutant,



DÉCLARE irrecevables les demandes de M. [I] [F] au titre du préjudice de la perte de jouissance des sommes dues, du rappel de prime d'ancienneté, du préjudice lié à l'absence de retraite à taux plein, d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une indemnité conventionnelle de licenciement, d'une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, d'une indemnité compensatrice de préavis,



DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,



DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires,



CONDAMNE M. [I] [F] aux dépens.





LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE

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