25 novembre 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-17.195

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2020:C100727

Texte de la décision

CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 novembre 2020




Cassation


Mme BATUT, président



Arrêt n° 727 F-D

Pourvoi n° G 19-17.195






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 NOVEMBRE 2020

Mme B... X..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° G 19-17.195 contre l'arrêt rendu le 28 mars 2019 par la cour d'appel de Chambéry (2e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Pégase et particule Allevard, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,

2°/ au groupement La Réunion aérienne, dont le siège est [...] ,

3°/ à la Mutuelle générale de l'éducation nationale, dont le siège est [...] , ayant un établissement [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Kerner-Menay, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme X..., de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Pégase et particule Allevard et du groupement La Réunion aérienne, après débats en l'audience publique du 6 octobre 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Kerner-Menay, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 28 mars 2019), le 16 juillet 2012, Mme X... (la victime) a été victime d'un accident de parapente, lors d'un vol effectué avec l'école de parapente exploitée par la société Pégase et particule Allevard (le club sportif), laquelle est assurée auprès du groupement La Réunion aérienne (l'assureur).

2. Par acte du 29 avril 2013, la victime, blessée aux jambes et au dos, a assigné le club sportif et son assureur en responsabilité et sollicité une expertise médicale pour l'évaluation de son préjudice corporel et le paiement d'une provision. Elle a mis en cause la Mutuelle générale de l'éducation nationale.

3. Par jugement du 27 avril 2015, confirmé par un arrêt du 16 juin 2016, la responsabilité contractuelle du club sportif a été retenue, sur le fondement de l'article L. 321-4 du code du sport, en l'absence de preuve qu'il avait informé la victime de l'intérêt que présentait la souscription d'un contrat d'assurance de personnes couvrant les dommages corporels auxquels sa pratique sportive pouvait l'exposer, une expertise médicale a été ordonnée et le club sportif et son assureur ont été condamnés au paiement d'une provision.

4. Sur la base des conclusions de l'expert ayant déposé son rapport le 19 février 2016, la victime a sollicité l'indemnisation de son préjudice.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé


5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

6. La victime fait grief à l'arrêt de limiter le montant de son indemnisation au titre de sa perte de chance de conclure une assurance individuelle accident à la somme de 8 662,50 euros, alors, « qu'ayant retenu que le préjudice en lien avec la faute résidait dans la perte de chance de souscrire une assurance individuelle accident, les juges du fond se devaient de rechercher quelle était la probabilité que la victime souscrive une assurance, autre que celle agréée par la fédération et proposée par le club, lui offrant une couverture plus étendue ; que, faute de l'avoir fait, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 1147 ancien [1231-1 nouveau] du code et L. 321-4 du code du sport et ensemble le principe de réparation intégrale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et L. 321-4 du code du sport et le principe d'une réparation intégrale, sans perte ni profit pour la victime :

7. Pour fixer l'indemnisation allouée à la victime en fonction des garanties prévues par l'assurance individuelle accident agréée par la fédération et proposée par le club de sport, l'arrêt retient que le défaut d'information lui a fait perdre une chance, évaluée à 50 %, de souscrire cette assurance et qu'il ne peut être reproché au club de sport de ne pas l'avoir invitée à rechercher par elle-même une police offrant un niveau de garantie supérieur.

8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le défaut d'information retenu, portant sur l'intérêt de souscrire une assurance couvrant les dommages corporels auxquels la pratique du parapente pouvait l'exposer, n'avait pas aussi fait perdre à la victime une chance de souscrire une assurance proposant des garanties plus étendues, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Condamne la société Pégase et particule Allevard et le groupement La Réunion aérienne aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Pégase et particule Allevard et par la société La Réunion aérienne et les condamne in solidum à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour Mme X...

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU' il a, réformant le jugement, cantonné la condamnation prononcée à l'encontre de la société PEGASE et du groupement LA REUNION AERIENNE et au profit de Mme X... au titre de sa perte de chance à la somme de 3.662,50 euros ;

AUX MOTIFS QUE « Dans son arrêt du 16 juin 2016 (référencé RG 15/1270) aujourd'hui définitif, la deuxième chambre civile de la cour d'appel de Chambéry a écarté toute faute de l'Eurl Pégase et Particule Allevard s'agissant de l'accident de parapente du 16 juillet 2012 mais a retenu, au visa de l'article L.321-4 du code des sports, que la responsabilité de l'entreprise était engagée en ce qu'elle ne justifiait pas avoir appelé l'attention de sa cliente sur l'opportunité de souscrire un contrat d'assurance couvrant les dommages corporels auxquels cette pratique sportive peut l'exposer. Dès lors, il convient, au bénéfice de Madame X..., de procéder à l'indemnisation d'un préjudice en lien avec la perte de chance de conclure une assurance individuelle accident. En l'espèce, il est constant que l'école de parapente Pégase et Particule Allevard proposait à ses clients un unique contrat, agréé par la Fédération française de vol libre, prévoyant trois niveaux de garantie en fonction de l'option choisie par l'adhérent. Aucune disposition légale n'imposant à un club sportif d'attirer l'attention de leurs adhérents sur l'étendue des garanties souscrites et leur éventuelle insuffisance, ou de proposer une garantie couvrant l'intégralité des dommages corporels susceptibles de résulter de la pratique de l'activité de celui-ci, il ne peut être reproché à l'Eurl Pégase et Particule Allevard de ne pas avoir proposé un contrat couvrant un niveau de garantie supérieur ou de ne pas avoir invité sa cliente à rechercher par elle-même, au moyen de démarches personnelles auprès de compagnies d'assurance privées, une police offrant un niveau de garantie supérieur à celui agréé par la Fédération et proposée par le club. En conséquence, au regard de l'aléa inhérent à la souscription d'une police d'assurance dans le cadre d'une activité de parapente en loisir, la perte de chance de Madame X... de souscrire le contrat proposé par le club doit être fixée à 50 %. Or, il résulte des pièces versées par l'Eurl Pégase et Particule Allevard (pièce n°1 et 2 - SCP Girard Madoux et associés) que le contrat individuel accident proposé par la Fédération au jour de l'accident prévoyait un niveau de garantie maximum de 48 000 euros s'agissant de l'incapacité permanente totale outre 3 000 euros s'agissant des frais médicaux et pharmaceutiques restés à charge de l'adhérent. Dans l'hypothèse où Madame X... aurait souscrit le niveau de garantie le plus protecteur et aurait honoré le coût de la cotisation y afférente (75 euros), l'indemnisation à laquelle elle aurait pu prétendre aurait été de (48 000 x 30 % (taux d'incapacité permanente partielle) +3 000 euros) 17 400 euros. En conséquence, il convient de retenir que le préjudice de Madame X... doit être valorisé à la somme de ((17 400 - 75) x 50 %) 8 662,50 euros, étant précisé que Madame X... à d'ores et déjà perçu une provision de 5 000 euros à valoir sur son préjudice. Dès lors, le jugement de première instance doit être réformé et l'Eurl Pégase et Particule Allevard doit être condamnée, sous couvert de son assureur, à payer la somme de 3.662,50 euros à Madame X... au titre de sa perte de chance. » ;

ALORS QUE, premièrement, toute perte de chance ouvre droit à réparation ; qu'ayant retenu que le préjudice en lien avec la faute résidait dans la perte de chance de souscrire une assurance individuelle accident et en outre, constaté que Mme X... aurait pu « rechercher par elle-même, au moyen de démarches personnelles auprès de compagnies d'assurance privées, une police offrant un niveau de garantie supérieur à celui agréé par la Fédération et proposée par le club », ce dont il se déduisait que Mme X... avait notamment perdu une chance de souscrire une assurance autre que celle agréée par la fédération et proposée par le club, lui offrant une couverture plus étendue, les juges du fond ne pouvaient indemniser Mme X... de la seule perte de chance de souscrire le contrat agréé par la fédération et proposé par le club ; que l'ayant fait, les juges du fond ont violé les articles 1147 ancien [1231-1 nouveau] du code civil et L. 321-4 du code du sport, ensemble le principe de réparation intégrale ;

ALORS QUE, deuxièmement, et subsidiairement, en statuant comme ils l'ont fait, sans exclure toute probabilité que Mme X... souscrive une assurance, autre que celle agréée par la fédération et proposée par le club, lui offrant une couverture plus étendue, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 1147 ancien [1231-1 nouveau] du code civil et L. 321-4 du code du sport, ensemble le principe de réparation intégrale ;

ALORS QUE, troisièmement, et en tout état, ayant retenu que le préjudice en lien avec la faute résidait dans la perte de chance de souscrire une assurance individuelle accident, les juges du fond se devaient de rechercher quelle était la probabilité que Mme X... souscrive une assurance, autre que celle agréée par la fédération et proposée par le club, lui offrant une couverture plus étendue ; que faute de l'avoir fait, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 1147 ancien [1231-1 nouveau] du code civil et L. 321-4 du code du sport, ensemble le principe de réparation intégrale.

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